Il avait fait sensation il y a un peu plus de trois ans avec un album dédié à l’univers du réalisateur Bertrand Blier, le duo nantais Cabadzi est de retour avec deux clips et bientôt un album baptisé Bürrhus en référence au grand psychologue et penseur américain Burrhus Frederic Skinner…
Vous ne connaissez pas Burrhus Frederic Skinner ? Je vous rassure, vous n’êtes pas seul(e) dans ce cas. L’avantage avec le duo nantais Cabadzi, c’est qu’on apprend des choses en même temps qu’on se divertit…
Que dit Wikipédia sur l’homme ? Qu’il s’agit d’un psychologue et penseur américain, un penseur influent du behaviorisme, fortement influencé par les travaux d’Ivan Pavlov et ceux du premier comportementaliste John Watson.
Bon ok ! Mais que vient faire cet homme dans ce cinquième album des Cabadzi qu’on nous annonce pour février 2021 et dont les deux clips fraîchement diffusés, Cabane et Mélanco, nous donnent un avant goût ? C’est ce que nous avons demandé à Olivier Garnier et Victorien Bitaudeau, membres éminents du duo Cabadzi…
Comment en êtes-vous venus à vous intéresser à ce psychologue et à ses recherches ?
C’est en cherchant à comprendre pourquoi les réseaux sociaux sont si addictifs que l’on est très vite tombé sur les expériences du comportementaliste B.F Skinner. C’est un peu le point de départ et de référence de toutes les analyses à ce propos.
Nombreux sont ceux qui connaissent Bertrand Blier, auquel était dédié votre précédent album, mais Burrhus Frederic Skinner, peu, très peu, le connaissent. vous en êtes conscients ? Ce n’est peut-être pas très vendeur…
Ce projet est très différent de l’album X Blier, il s’est d’ailleurs fait à l’inverse. Nous ne sommes pas partis de B.F Skinner pour écrire ce disque comme on l’avait fait avec Blier. C’est juste qu’au début de la création, on avait 3/4 morceaux et tous évoquaient de près ou de loin les conséquences psychologiques d’un monde où la représentation de soi-même sur les réseaux est la norme. S’apercevant de ça, on a creusé et on s’est intéressé sérieusement au sujet.
Concrètement, en quoi l’album est-il influencé par cet homme ?
C’est beaucoup plus un clin d’oeil qu’une influence. Et il suffit de se balader dans la rue pour voir comment nous sommes tous obnubilés par notre smartphone comme le sont les pigeons par les graines dans l’expérience de B.F. Skinner. L’image est la même. Apprendre en plus que toutes les applis d’aujourd’hui se réfèrent aux travaux de ce chercheur lors de leur conception ajoute pas mal d’ironie à la chose.
Cette addiction aux réseaux sociaux, vous en souffrez vous-même ?
Dire qu’on en souffre serait exagéré, mais on le sait tous, ces applis nous font sans cesse osciller entre bonheur et tristesse. Elles nous fatiguent tout autant qu’elles nous aident. Elles prennent clairement trop de place et il est difficile de s’en défaire. C’est sûrement ce sentiment sinusoïdal qui est désagréable.
Vous n’avez jamais fait dans le feel good mais on a le sentiment que vos chansons sont de plus en plus noires ? La société actuelle vous fait peur?
Bizarrement, on n’a jamais la volonté de faire noir. On se laisse guider par ce qui vient, la seule chose qui nous anime, c’est de créer un truc vraiment personnel, composer une musique, écrire un texte que nous seuls pouvons faire. C’est simplement la façon dont on envisage la musique : on ne la voit beaucoup plus comme une émotion introspective qu’un divertissement.
Comment voyez-vous ce monde d’après qu’on nous promet différent et meilleur ?
On se méfie beaucoup du « c’était mieux avant » donc on aurait tendance à dire que l’on est optimistes. Ça dépend vraiment de ce qu’on regarde. On peut voir Bolsonaro, Zemmour ou Trump, on peut aussi voir Greta, Black Lives Matter ou #MeToo. C’est d’ailleurs sûrement ça le monde de demain : une polarisation des idéaux… et le danger qui va avec.
Comment vivez-vous cette période étrange pour ne pas dire anxiogène de pandémie ?
Comme tout le monde, anxiogène c’est le bon mot. Historique également, mais une anti-Histoire : celle où il ne se passe rien. C’est ça le plus étrange : en faire le moins possible pour s’en sortir au plus vite. L’exact contraire de ce qu’on nous apprend depuis tout petit.
Ces deux premiers clips sont signés Marian Landriève avec qui vous avez déjà travaillé, un spécialiste des effets spéciaux. La réalisation est très soignée mais elle n’a pas dû être de tout repos. Pouvez-vous nous raconter un peu comment tout ça s’est déroulé ?
On a une vraie passion pour l’image et depuis notre rencontre avec Marian, on a l’impression que tout est plus facile, on se comprend bien. Le procédé est toujours le même : des journées entières à écrire le plus précisément possible des images et ensuite, tout faire pour les réaliser, même si ça paraît impossible sur le papier. Pour Cabane par exemple, on a passé une semaine à fabriquer une vraie cabane ainsi que tout un procédé pour la faire « voler » dans les airs, tout ça pour 15 secondes de plan :). Ça nous amuse beaucoup en fait, c’est une récréation.
À chaque fois que je vous écoute, que je découvre un nouveau titre, je me pose toujours la même question. Comment pourrait-on définir votre style musical ? Où vous caser en somme ?
On aimerait bien le savoir aussi, on n’y réfléchit jamais franchement. Le seul truc qu’on sait, c’est qu’on est passionné par le rap, le hip hop, depuis des années, donc c’est ce qu’on a l’impression de faire. En tout cas, ce genre autorise tout alors c’est sûrement ça qui nous va le mieux.
Que peut-on vous souhaiter pour 2021 ?
Des concerts ?
Merci Olivier et Victorien. Merci Cabadzi
Propos recueillis par Eric Guillaud le 4 décembre 2020. Plus d’infos sur Cabadzi ici