Manu la Nantaise, ex-Dolly, sort aujourd’hui son septième album solo, L’Horizon, vingt morceaux qui raviront les fans de la première heure tout en explorant de nouvelles voies. Un album aux univers très variés pour regarder encore plus loin. Interview…
SI l’horizon est dans les yeux et non dans la réalité, comme l’écrit l’écrivain ivoirien Gauz, alors il est assurément dans les yeux d’Emmanuelle Monet, Manu pour les intimes, ex-membre du fameux groupe de rock Dolly qui connut le succès dans les années 1990/2000 jusqu’à la mort accidentelle de son bassiste Michaël Chamberlin en mai 2005.
Et l’horizon pour Emmanuelle, c’est aujourd’hui 20 chansons et un album, le septième de sa carrière solo, album qu’elle a réalisé quasiment seule. L’Horizon est dans les bacs depuis ce matin mais aussi sur toutes les plateformes musicales habituelles. Nous l’avons écouté et mieux encore, nous l’avons aimé. De quoi nous donner envie de lui poser quelques petites questions avant de la retrouver sur la scène de Stereolux le 11 octobre prochain.
Bonjour Manu. Dernières répétitions en juillet, premiers concerts et promo en septembre. Tu es prête ?
Manu. Oui, je suis prête. On a fait notre premier concert samedi dernier près de Toulouse lors d’un festival. Du coup, on a pu se rendre compte qu’on était bien dans notre adaptation live de cet album et qu’il avait un bon accueil du public. Ça nous a rassuré. Et puis la promo se passe elle-aussi bien, pour l’instant, il y a un bon accueil des médias. Je croise les doigts…
Combien de temps a-t-il fallu pour concrétiser ce nouvel album ?
Manu. Deux ans mais avec des petites coupures. J’ai commencé seule à essayer des choses et puis je me suis rendue compte qu’à force de rentrer dans la production, la réalisation, le mixage, je pouvais faire l’album toute seule. J’étais enfin prête!
Seule ? C’est à dire ?
Manu. C’est à dire que j’étais le capitaine du bateau. Je l’ai réalisé, enregistré, produit, mixé, à part deux ou trois morceaux qui l’ont été par Fred, mon ingé son. C’était important pour moi d’aller au bout…
Il s’appelle L’Horizon. Pourquoi ? Un besoin d’aller plus loin, d’ouvrir ton champ de vision ?
Manu. Oui, déjà cette expérience élargit mon horizon et puis j’avais envie d’amener une note un peu optimiste par rapport à ce qui se passe autour de nous, au climat ambiant et à ce qu’on va laisser à nos enfants. Parce que ce n’est pas très réjouissant ce qui se profile…
Tu penses à quoi exactement ?
Manu. À plein de choses. Le titre Entre deux eaux par exemple parle d’une façon un peu imagée du jour du dépassement, ce qu’on va laisser économiquement, sociologiquement, écologiquement, aux générations futures n’est pas très beau pour l’instant et j’espère qu’il y aura un jour un plus bel horizon…
Mais il ne s’agit pas ici d’un album engagé ?
Manu. Non, mon objectif est de glisser des petites phrases qui peuvent interpeller, qui peuvent parler. J’ai toujours mes thèmes de prédilection. L’écologie m’obsède depuis longtemps. Déjà à l’époque de Dolly, j’avais des titres comme Il était une fois qui abordaient ce thème. L’engagement n’est pas direct mais il est là quand même…
En ouverture de l’album, tu dis : Son avancée est un passage, seul mouvement, autour de rien », tu peux nous éclairer sur cette phrase pour le moins énigmatique ?
Manu. C’est toujours difficile de faire une analyse de texte. À l’école, je n’étais pas très bonne pour ça. Je pense qu’une fois que c’est dit, les gens doivent se l’approprier comme ils le veulent, comme ils le sentent. J’ai bien sûr une explication à cette phrase mais je ne veux pas la donner parce qu’elle est issue d’un rêve. Et cette phrase est un peu le fil conducteur de l’album. Elle revient assez souvent, on la retrouve même en espéranto…
Chacun y trouvera ce qu’il a envie d’y trouver en somme ?
Manu. Oui, ceux sont des mots assez forts, aussi optimistes que pessimistes. Il y a avancée, passage, mouvement et puis rien. Je ne veux pas limiter l’imagination des auditeurs potentiels de l’album…
Encore une toute dernière explication de texte, dans Regarde, le premier morceau, tu parles de trouver des réponses, de chercher un sens à tout ça. À tout ça quoi ?
Manu. C’est pareil, c’est à prendre au sens global de la vie. On est toujours en train de se poser des questions. On passe plus de temps à se les poser qu’à trouver les réponses.
Vingt morceaux composent l’album, c’est beaucoup pour une seule femme non ?
Manu. Vingt morceaux avec les virgules. En fait, ça fait réellement 13 morceaux. J’aurais pu en avoir plus mais je me suis limitée. En même temps, ça fait déjà un peu plus d’une heure et je voulais que l’ensemble soit cohérent.
Vingt morceaux dont, tu viens de le dire, plusieurs instrumentaux très courts comme des interludes. Une façon d’expérimenter de nouveaux sons, de nouvelles voies sans – trop – désorienter les fans de la Manu ex Dolly ?
Manu. Au départ, ce sont des morceaux en chantier que je n’avais pas forcément envie de finir parce que je les aimais comme ça, courts, ou parce que je comptais les exploiter d’avantage dans le futur. Mais, c’était aussi pour faire une liaison entre les morceaux, des respirations, pour que le voyage se déroule en douceur, parce que les chansons sont différentes les unes des autres même si elles restent dans la même veine.
Effectivement, il y a sur l’album des morceaux rock, très rock, mais il y a aussi de l’électro…
Manu. Oui, enfin, de l’électro gentillet, à ma manière, c’est le logiciel que j’utilise, Reason, qui me permet ça, il est même dédié à l’électro d’habitude. J’ai aimé torturer les sons avec ce logiciel et les incorporer dans ce que je sais faire. Et puis, chez notre bassiste, il y avait pas mal de claviers vintage qu’on a utilisés à bon escient sur certains titres. C’était important pour moi de continuer à explorer cette voie-là et d’expérimenter des choses…
30 ans de musique cette année. C’est quand même pas mal. Quel regard portes-tu sur toutes ces années ?
Manu. C’est épanouissant, c’est enrichissant c’est ma vie en fait. Je ne saurais pas quoi faire d’autre même si je ne vie plus de ma musique.
Tu ne vis plus de ta musique ?
Manu. Non, la musique ne se vend plus, les concerts sont de plus en plus difficiles à trouver… mais je continue à en faire parce que c’est vital. Et puis les 30 ans sont passés à une vitesse folle.
Si tu devais garder un souvenir de ces 30 ans ? Un souvenir, un album ou un morceau ?
Manu. Moi, c’est au jour le jour maintenant. Avant, je me projetais dans l’avenir, je n’étais déjà pas trop dans le passé. Mais maintenant, pour ma santé mentale, je vis au jour le jour. Là, je vais faire une entorse, je vais penser à demain, à la sortie de l’album. C’est l’événement le plus important pour moi à l’heure actuelle, c’est la concrétisation de tout ce dont on vient de parler. J’ai envie de le partager, j’ai hâte qu’il aille dans les oreilles des gens, que les gens m’en parlent et puis surtout qu’il soit écouté. C’est ça mon but, c’est d’être écouté par le grand nombre quand même. De nouveau. Parce qu’il y a encore beaucoup de gens qui connaissaient Dolly et qui ne savent pas que j’en suis à mon septième album. Le public n’a pas été retrouvé encore, c’est aujourd’hui très difficile de sortir son épingle du jeu en tant qu’indépendant…
Tu seras en concert à Stereolux le 11 octobre. Une date importante pour toi ? Qu’est ce que ça te fait de revenir dans cette ville qui t’a vu naître et qui a vu Dolly grandir ?
Manu. Aujourd’hui je vis entre Paris et la Vendée mais j’ai encore à Nantes ma famille, mes amis. J’aime beaucoup ma ville. Je trouve que c’est une ville qui compte culturellement en France. Dans le top du classement. Cette date du 11 octobre est très importante et, en même temps c’est ce qui fait le plus peur les dates à domicile. J’ai le trac déjà…
Le trac ? De jouer devant les gens que tu connais ?
Manu. Oui, c’est le public le plus difficile, la famille et les amis. La peur du jugement ou je ne sais quoi. Et la date parisienne, le 27 septembre, est importante aussi. Ces deux dates-là font en fait partie du concept de la Manu Party. J’y fait ma propre première partie en revisitant mon répertoire et quelques titres de Dolly avec harpe et violoncelle. Et puis en deuxième partie, on présente l’album en électrique. C’est un petit marathon, deux heures et demie à trois heures sur scène.
L’album que tu écoutes en ce moment ?
Manu. J’ai écouté l’album de Las Aves, ex-Dodoz, parce que je suis fan de ce qu’ils font. Autrement… Melody’s Echo Chamber, une musique très libre qui me parle beaucoup. Et quand je suis sur la route, qu’on écoute la radio, je shazame. C’est ainsi que j’ai découvert le groupe Quantic et son titre September blues. Un vrai coup de coeur…
Un mot sur ton tout dernier clip mis en ligne il y a quelques jours…
Manu. Nico Hitori de a fait les dessins, Nicolas Robin l’a monté, c’est un travail magnifique fait un peu dans l’urgence en attendant que les clips « officiels » arrivent. J’en suis très fière…
Merci Manu
Propos recueillis par Eric Guillaud le 12 septembre 2019. Manu sera en concert le 27 septembre à la Maroquinerie à Paris, le 11 octobre à Stereolux à Nantes