06 Juin

INTERVIEW. Degree : l’électro folk dans le sang

Quand un artiste que vous entendez et voyez pour la première fois parvient à vous coller des frissons et vous emmener loin, c’est que de toute évidence il se passe quelque chose. Quelque chose de l’ordre du talent. Le Nantais Degree n’a que 19 ans et quatre ou cinq concerts au compteur mais déjà une maturité musicale qui devrait lui assurer un bel avenir. Il revient du festival de Bourges où il a fait salle comble et croule depuis sous les propositions et les projets. On fait le tri avec lui. Interview…

À seulement 19 ans, Grégoire Dugast, alias Degree, aurait de quoi perdre contact avec la réalité tant tout se bouscule autour de lui depuis quelques semaines. Mais ce jeune étudiant en Design, inscrit en première année à Nantes, compte bien garder les pieds sur Terre et simplement profiter de ce qui lui arrive.

Sélectionné iNOUïS du Printemps de Bourges pour les Pays de la Loire en 2018, lauréat du prix Nouvelles Scènes Music Machines 2018 avec Les Inrocks… en seulement trois ans de travail seul dans sa chambre et cinq concerts à l’heure où sont écrites ces quelques lignes, Degree a su s’imposer avec une musique qui mélange le folk et l’électro, les sonorités digitales et organiques, la mélancolie et l’optimisme. Rencontre…

Peu de gens vous connaissent pour le moment. Comment vous présenteriez-vous en quelques mots ?

Degree. Degree est un projet folk et électro qui s’appuie sur des sons à la fois synthétiques et organiques, un son assez sombre avec des batteries qui poussent à la danse, et toujours une touche de mélancolie.

Cette mélancolie qui semble vous coller à la peau et à la voix, d’où vient-elle ? 

Degree. C’est vraiment très naturel. J’ai commencé la musique en apprenant la guitare il y a six ans. J’ai composé sur cette guitare dont je me servais comme un fourre-tout sentimental, avec plus souvent des sentiments de tristesse. Voilà mes fondements, ce qui fait qu’aujourd’hui je suis plus à l’aise sur une composition mélancolique.

Côté voix, vous avez un timbre vraiment particulier. Comment l’avez-vous travaillé ?

Degree. Je n’ai jamais travaillé ma voix, c’est venu comme ça. C’est peut-être fonction de ce que j’écoute, des artistes comme James Blake ou Ben Howard. Tous les deux ont des voix qui tendent à la fausse note et apportent un aspect mélancolique.

Comment vous est venue cette idée de mélanger le folk et l’électro, d’unir une guitare sèche à des synthés et des machines ?

Degree. Comme je le disais précédemment, j’ai commencé à composer avec une guitare, ensuite je me suis tourné vers le piano, ça restait très acoustique. Mais j’écoutais aussi beaucoup d’électro et quand j’ai pu acquérir un ordinateur, là directement je me suis mis à faire des structures qui allaient marier mes compositions très sèches avec cette basse très électro. Et le mariage des deux s’est fait de fil en aiguille.  je ne me suis pas dit que j’allais faire de l’électro avec de la folk ou de la folk avec de l’électro, ce sont des sonorités qui me correspondent et que je veux garder.

Quelles sont vos principales influences ?

Degree. Mes influences majeures sont Leonard Cohen ou David Bowie mais aussi des artistes plus jeunes, de ma génération, des gens comme Jack Garratt ou Woodkid qui ont les mêmes références que moi mais aussi leur propre univers.

Vous êtes encore dans la période de tous les premiers. Premier concert, premier festival, premières interviews… Comment vivez-vous tout ça ?

Degree. Je le vis bien. Certes je ne suis pas encore très à l’aise, je découvre le milieu mais ça fait vraiment plaisir de se dire qu’il y a de l’intérêt pour le projet et que ce que je faisais hier tout seul dans ma chambre, à parfois agacer mes parents, peut aujourd’hui intéresser les gens.

Vous avez été sélectionné Inouïs du printemps de Bourges. Vous y avez joué le 26 avril, il y a environ un mois. Comment s’est déroulé le concert ? Pas trop de pression?

Degree. Super, beaucoup de stress avant parce que c’était une salle pleine de professionnels, c’est le genre de concert qui marque une carrière ou du moins qui peut lancer une carrière. C’était le quatrième set de ma vie, alors forcément il est encore améliorable et je l’améliore à chaque fois. Bourges n’était pas forcément le meilleur mais les retours ont été bons. Ce qui veut dire que les erreurs que je pensais majeures ne sont pas aussi importantes que ça.

Qu’en attendiez-vous et quelles ont été finalement les retombées ?

Degree. En tant que fan de festival, j’étais super content de pouvoir écouter et rencontrer des artistes que j’admire depuis très jeunes, c’était comme passer de l’autre coté de la barrière. Ça, c’était déjà dingue ! Ensuite, j’y allais pour défendre mon projet et rencontrer des pros qui pourraient être intéressés et désireux de construire une équipe autour. J’ai eu beaucoup de contacts, j’ai enchaîné plusieurs rendez-vous, j’ai rencontré beaucoup de personnes, des majors, des labels indépendants, des tourneurs… J’ai même tendance à m’y perdre mais je suis bien accompagné par Trempolino. Ils sont à mon écoute, ils me disent vers où me diriger, les chemins à éviter. Pendant un an, ils vont ainsi m’accompagner.

tu vois en face de toi des nuages de rêves et tu te dis que si tu sautes, soit tu voles en plein dans le rêve, soit tu tombes

On sent que gérer l’après Bourges n’est pas forcément facile…

Degree. Oui, c’est un peu en bord de falaise, tu vois en face de toi des nuages de rêves et tu te dis que si tu sautes, soit tu voles en plein dans le rêve, soit tu tombes. Je n’arrive toujours pas à réaliser ce qui m’arrive, c’est incroyable. J’ai une chance énorme et en même temps ça fait un peu peur, c’est le moment de faire des choix décisifs qui vont m’engager sur plusieurs années.

Comment fait-on pour garder les pieds sur Terre. la famille ?

Degree. Oui. La famille, les amis beaucoup. Après, je ne suis pas quelqu’un qui part en vrille dès qu’on lui dit des choses assez folles. Souvent, je ne les capte même pas. Et tous les soirs, je retourne dans ma petite chambre avec mon ordi. Rien ne change au final…

Vous connaissez du monde dans le milieu de la musique ?

Degree. J’ai surtout la chance d’avoir un musicien célèbre dans ma famille, c’est 20syl, mon oncle. Quand j’ai commencé à faire de la musique, il m’a passé un vieil ordi à lui. J’ai commencé à lui envoyer des sons, il m’a fait des retours, m’a donné des conseils.

ll en pense quoi de tout ça 20syl ?

Degree. il est très content mais me dit de prendre mon temps, il me calme, il me réconforte. on est en contact assez régulièrement.

Et demain ?

Degree. Demain, j’adorerais sortir un premier EP bien réalisé. Sans trop me projeter, je dois prendre les choses comme elles viennent. j’ai des concerts à venir et notamment une énorme date, le festival Fnac Live du 5 au 7 juillet où je jouerai devant 15000 personnes. Ça va être complètement dingue!

Merci Degree. Propos recueillis par Eric Guillaud le 31 mai. Plus d’infos sur l’artiste ici