12 Déc

« Est-ce que tout ça est bien ? … »

Je n’ai fait que l’évoquer rapidement dans mon précédent billet : je suis moi-même atteinte de Troubles du Spectre Autistique. Diagnostiquée à 30 ans (33 pour être précise) à Très haut potentiel intellectuel et atteinte de TSA. Passé le choc de l’annonce, la chose a eu le mérite de me faire comprendre beaucoup de mon passé en temps qu’Etre Social. Ou plutôt davantage Etre non-Social. Pendant de nombreuses années, j’ai enfoui ces TSA en moi sans jamais en parler. Parce que, dans notre société, c’est toujours plus facile d’être une folle méchante qu’une autiste. J’ai instinctivement choisi d’être la première. Et croyez-moi, j’ai été exemplaire !! Une folle méchante magnifique !!
Longtemps, j’ai été cataloguée « pas aimable », pas empathique, intransigeante, obsessionnelle, sans limite. Chouette tableau non ??!
  
Ces étiquettes m’ont collé à la peau surtout dans ces environnements qui demandent à ce que nous soyons sociable : études, boulot, sport de compétition. Tous ces milieux dans lesquels on a des objectifs à atteindre.
Mes TSA les plus handicapants se situent essentiellement dans le décryptage du langage et de l’interaction sociale.
Je ne comprends pas naturellement les abstractions, les sous-entendus, les images, les « à demi mot », les phrases qu’il faut interpréter. C’est ce qui est le plus déstabilisant pour moi. Si à votre  rappel « la réunion c’est maintenant », votre interlocuteur vous répond « dans deux minutes » parce qu’il est au téléphone, vous allez instantanément comprendre le sous-entendu social selon lequel vous ne pouvez pas vous installer dans son bureau où a lieu la réunion puisqu’il est au téléphone. Pas moi : moi, je comprends juste « dans deux minutes ». Si mon interlocuteur a besoin d’être seul pour terminer son coup de fil, il faut qu’elle me l’énonce clairement. Déjà que le retard de deux minutes m’obsède et me déstabilise, alors s’il faut en plus que j’interprète ce que ça veut dire…
Quand quelqu’un me parle, je ne le regarde pas forcément dans les yeux : soit je continue mes affaires, soit mon regard va se fixer ou être attiré par autre chose. Parce que je ne comprends pas l’intérêt de la convention de regarder : ce qui est important, c’est ce qu’il dit et donc ce que je dois entendre. Voilà comment, pendant des années, on passe pour quelqu’un de sans gêne et sans éducation…
Si à la question « est-ce que je dois faire telle chose ? », on me répond « pas tout de suite », je bugge : je n’ai pas demandé quand ou pour quand je dois faire cette chose mais si je dois la faire. Le quand, c’est la question suivante. Et j’interroge à nouveau jusqu’à ce que la réponse corresponde à la forme grammaticale interrogative que j’ai employée. En l’occurrence oui ou non. Voilà comment, pendant des années, passer pour une obsessionnelle (ce que je suis par ailleurs !!) voire une idiote.

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Je n’ai souvent pas conscience que ce que je dis peut blesser les gens. Parce que pour moi, je ne fais qu’énoncer un fait. Voilà comment, pendant des années, passer pour quelqu’un d’insensible.
Longtemps, la petite voix de ma conscience m’a rappelé « n’oublie pas de dire bonjour et de sourire». Longtemps, cette même petite voix m’a dictée quel comportement social attendu je devais adopter en telle ou telle circonstance (Elle revient lorsque je suis au bord de l’épuisement.) Mais parfois, le costume que je sors du placard est un peu grand et j’en fais trop. Voilà comment, pendant des années, on passe pour quelqu’un de pas aimable et de bizarre dans ses réactions.
Je ne comprends pas non plus naturellement certaines expressions du visage ou inflexions de voix. Pour que j’en détecte le sens, il faut qu’elles soient exagérées.
Et la liste est encore longue de toutes ces petites choses qui, mises pour bout à bout, font ce que je suis.
Mais surtout, mes réactions émotionnelles ne sont pas de saison, comme aurait dit ma grand-mère. Elles sont démesurées. Et bien souvent inappropriées : je ne serai pas touchée par quelque chose qui anéantirait même Iron Man (c’est mon préféré dans les DC Comics!!) et je vais partir en vrille pour ce que d’aucun jugerait être une broutille. Une broutille qui sera pour moi d’une importance excessive parce que j’aurai focalisé obsessionnellement mon attention dessus. Voilà comment, pendant des années, passer pour quelqu’un d’hystérique et d’instable émotionnellement.
C’est surtout ce dernier point qui est le plus difficile à vivre. Pour moi. Mais aussi pour les autres. Il m’arrive parfois d’avoir l’impression d’être Hulk. Souvent je me transforme à cause d’un élément de langage que je n’ai pas compris, que j’ai trituré dans tous les sens pour essayer de le comprendre et dont j’ai fini par faire un magnifique tableau de Picasso dans sa période la plus déstructurée. Alors que les mots ont pour les autres la simplicité d’un dessin d’enfant. Ca me fait aussi quand un imprévu perturbe l’ordre que j’ai donné aux choses ou aux événements.
Je n’entre pas dans des colères noires. Elles ont souvent la froideur d’un bloc chirurgical.

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Être aux autres de manière typique n’a rien de naturel pour moi. J’ai fini par apprendre et par compenser pour contenir certaines de mes tendances. Et par faire passer mes troubles inaperçus.
J’ai aussi fini par comprendre qu’être un être sociable pouvait être agréable. Mais être socialement conforme me demande une énergie considérable. Et tous ceux qui me connaissent vous diront que je suis malgré tout encore bizarre !! Et quand je suis extrêmement fatiguée psychologiquement, il m’arrive parfois de glisser, Chef !!
J’ ai réussi à me débarrasser de certains des rituels que j’avais développés pour me rassurer, me protéger, me canaliser. Mais si vous m’observiez bien, vous en relèverez encore plusieurs. Comme autant de garde-fous.
Ce que m’a appris plus de 40 ans dans la peau de ce que je suis, c’est que ce sera toujours à moi à m’adapter au monde. Que jamais le monde ne s’adaptera, ne serait-ce qu’un peu, à moi. Que ce sera toujours à moi de m’excuser. J’ai aussi plus que de raison éprouvé la souffrance d’être différente : l’incompréhension des autres face à ce que je suis, face à mes réactions est douloureuse à encaisser. Tout comme la honte parfois, souvent, d’avoir laissé le naturel revenir au galop. Comme tout cela est dur.
Alors quand je regarde mon Bouchon me sourire, quand je lis dans ses jolis yeux bleu foncé son innocence, je me demande si tout ça est bien. Je me demande si tout ça est juste. Est-ce juste de le sortir de sa bulle pour l’exposer aux tourments que j’expérimente depuis si longtemps ?? Pour le faire entrer dans une case dont je sais très bien que les contours le blesseront ?
Chacun veut le meilleur pour ses enfants. Mais pour mon petit autiste à moi, le meilleur n’est-il pas qu’il reste dans son monde où rien ne peut l’atteindre ??
Parfois je me dis que tout ce qui est mis en place autour de lui, je le fais pour les autres pas pour lui. Parfois je me dis que je n’ai pas envie qu’il mette un pied dans ce monde plein d’épines. Parfois je me dis que je pervertis sa véritable nature. Souvent je me dis que je ne pourrai pas toujours le protéger.
Et puis je l’entends rire. De ce rire sonore et cristallin. Si pur et enfantin. De ce rire qui fait voler mes certitudes en éclat. Qui me montre à quel point je ne sais pas si je prends les bonnes décisions.
Alors je me dis qu’on verra ça plus tard. Que l’urgence pour moi, c’est de combler le vide énorme que j’éprouve au fond de moi à chaque fois que je réfléchis à tout ça. Que je réfléchis à moi. Et je me remplis du rire de mon Bouchon. Et de son regard si innocent. En évitant de penser que je suis peut-être en train de lui mentir, peut-être en train de le trahir.

10 Déc

Peut-on rire du handicap à Charlie Hebdo ? Coup de gueule !

Chère Coco, je voudrais t’écrire pour réagir sur un de tes dessins paru dans le Charlie Hebdo 1376 ! Tu as dessinée dans la semaine de Coco ce dessin sur le téléthon :

 » Donnez pour notre kévin, ou dévouez vous pour le dépuceler, ça lui fera plaisir ! »

Je suis dessinateur d’humour comme toi et je te rassure, je ne suis pas une de ces personnes qui explosent ton journal lorsqu’il y a un désaccord mais cette caricature, je ne l’aime pas.

Pourquoi ? Parce qu’elle est tout simplement mauvaise et choquante. Je suis étonné que personne n’ait vraiment réagit à ce dessin, à croire que les ventes baissent vraiment beaucoup mais je tenais malgré tout à réagir en tant que dessinateur d’humour : Connais tu le thème du handicap ? J’ai l’impression que non.

Sais tu qu’il y a énormément de thèmes et de choses à traiter dans le handicap pour en tirer de la satire ? Où est le « Charlie Hebdo » combattant qui se bagarrait pour faire avancer le féminisme, les idées écologistes et politiques ? Pourquoi Charlie ne pourrait pas aussi faire réfléchir sur les sujets du téléthon (L’argent qui sert à utiliser les animaux pour la science par exemple, le marché de la pitié aussi ) ou des sujets de l’inclusion, le combat des familles aidantes pour leur enfant handicapé ou même la sexualité des personnes handicapées : pour ou contre les putes pour les personnes paralysées ?

Voilà les sujets qu’un journal comme le vôtre pourrait traiter afin de faire avancer les causes humaines dans notre société ! Le sport adapté ? Le travail adapté dans les entreprises ?

Connais tu tous ces sujets Coco ? Je n’ai pas l’impression et plutôt que de te moquer bêtement de la sexualité de cet enfant myopathe dans ton dessin juste pour se moquer de sa différence, je te rassure, tu mérites mieux et Charlie aussi ! L’humour est mieux que cela ! Quand Reiser avait dessiner un enfant handicapé dans son fauteuil, avec sa poupée qui marchait toute seule, c’était cruel et noir mais c’était drôle et convaincant ! Car oui, le handicap peut aussi être cruel donc l’humour aussi. Mais là ? Que t’arrives t-il Coco ? C’est quoi de cette vision des personnes handicapées ?

Ah oui, c’est vrai… Vous donnez la parole à Yann Diener, le psychanalyste qui dégoise sur les progrès des neurosciences autour de l’autisme, une vision sérieuse et de progrès et qui change de cette vision réactionnaire qu’ont les psychanalystes de parler de cet handicap depuis des générations et qui ont fait tant de mal aux parents.

En fait, je commence à comprendre votre point de vu : être réac pour vous, c’est être caustique ?

J’espère que je me trompe et que Coco se mettra à bosser sur ces sujets passionnants avant de les caricaturer ! Le handicap est un sujet très enrichissant et il y a de quoi vraiment rire et dénoncer !

Et je ne suis pas un extrémiste. Juste un dessinateur comme toi qui lutte contre la bêtise et l’injustice. Le handicap en fait partis !

N’hésites pas si tu veux des informations sur le sujet, je pourrais t’en envoyer ! Il se passe beaucoup de choses dans ce sujet pour en parler de manière drôle et caustique ! Je reste ouvert d’esprit malgré ma déception !

C’est ça aussi, la démocratie ! Et le handicap en fait partis !

Sans rancune !

Peter Patfawl, dessinateur du manuel illustré « Comment garder un enfant autiste quelques heures pour aider ses parents » Aux éditions « La boite à Pandore ».

 

 

 

 

 

 

27 Nov

Autisme et cerveau : le point sur la nouvelle étude scientifique qui fait parler !

Voilà un petit article pour vous expliquer la fameuse étude scientifique de la semaine.

Le site de «Science et avenir» a publié un article qui annonçait dans le titre qu’une étude remettait en cause la théorie dominante sur l’autisme. Cet article signé Hugo Jalinière a provoqué des paniques et remous auprès de certains parents d’enfant autiste qui ne comprenaient plus rien à la question. J’ai donc fait mon enquête et même si c’est une science sérieuse (et pas un article de psychanalyste ou de pseudo-scientifiques comme on en trouve à la pelle ) l’étude n’est pas du tout finis. Le test a été fait sur des adultes autistes. L’équipe de chercheurs français (Inserm/Fondamental/NeuroSpin/APHP) a en effet, grâce à la neuro-imagerie par IRM de plus en plus sophistiquée, pu étudier le système neuronale du cerveau plus en profondeur et ils auraient vu que l’autisme ne serait pas dû aux nombreux synapses comme on le pense aujourd’hui, mais justement parce qu’il y aurait moins de liens entre les neurones, pour expliquer cela avec des mots simples.

Le problème est qu’ils ne se sont pas encore basés sur un échantillon d’enfants autistes et qu’ils n’ont pas encore établis une véritable observation claire… ce sont les prémices d’une étude longue, il y a encore beaucoup à étudier pour avancer dans les neuro-sciences mais si cela était vérifié, ça changerait notre façon d’étudier l’autisme et certaines thérapies nouvelles pourraient voir le jour.

Je reste mobilisé sur la question et lorsque nous aurons des nouvelles sur ce sujet, je referais un point sur ce blog. En attendant, rien ne prouve quoi que ce soit mais juste une petite avancée. Pas de quoi provoquer des énervements de débats passionnés !

                                                            

 

Contrairement à la psychanalyse qui critique souvent les sciences du cerveau, les neuro-sciences déshabillent la psychanalyse car elle a des preuves, et cela lui fait un électrochoc !

Et toc.

Le lien de l’article initial : https://www.sciencesetavenir.fr/sante/cerveau-et-psy/autisme-et-cerveau-remise-en-cause-de-la-theorie-dominante_129587

25 Nov

« Bon courage Madame… »

Il y a quelque semaines, le gouvernement a annoncé son intention de faciliter le repérage précoce de l’autisme. Super. C’est bien. Si ça peut éviter à des familles de traverser ce que j’ai traversé pour faire évaluer Bouchon, alors tant mieux. Parce que, honnêtement, j’en ai bavé…

 

Instinctivement, j’ai toujours su qu’il y avait quelque chose d’atypique avec mon petit autiste. Alors qu’il était encore dans mon ventre, je le trouvais étrangement calme. Peut-être le fait d’avoir fait une fausse couche à presque 5 mois quelques temps plus tôt m’avait-il rendue trop attentive… je ne sais pas. Mais il était incroyablement calme.  « Ouais ! Top ! Chouette ! Enfin un !!! »

Quand il est né, cette sensation s’est accentuée. Alors qu’il était ventousé à mon sein (et il l’était tellement souvent que j’avais l’impression d’être une tétine géante !!), je voyais bien qu’il ne me regardait pas dans les yeux au moment de la tétée. Je voyais bien qu’il ne fermait pas sa petite main sur mon doigt comme tous les nouveaux-nés le font. Combien de fois ai-je pleuré en disant que mon fils ne m’aimait pas. Qu’il ne me voyait pas. Que je n’existais pas pour lui. « Tu es fatiguée », me répondait-on. 

J’y ai cru. Jusqu’à ce qu’au détour d’un séjour aux sports d’hiver, je l’ai vu avoir une réaction démesurée alors que j’ai allumé le plafonnier : il s’est mis à rire et à battre des mains comme je ne l’avais jamais vu faire. Il était frénétique !!! Ma mère m’a regardée. J’ai su ce qu’elle pensait : il y avait un truc et Bouchon n’avait pas un an. 

Dans les minutes qui ont suivi, j’ai appelé le Centre ressources autisme (CRA) de ma région. « Il est encore petit. Peut-être vous alarmez-vous pour rien. Le mieux est de prendre rendez-vous avec le Centre médico-psychologique (CMP) de votre secteur. » 

Ce que j’ai fait dans la foulée. Nous devions nous y rendre 15 jours après notre retour. Entre temps, Bouchon s’est retrouvé hospitalisé 10 jours avec nombres d’examens pour finir par découvrir qu’il est hautement allergique à un antibiotique. Antibiotique qu’on lui perfusait depuis son arrivée à l’hôpital !! C’est là qu’une neuro-pédiatre a émis l’hypothèse d’un AVC à la naissance avec comme conséquence une hémi-parésie du côté droit. Bouchon n’avait toujours pas un an. Ce n’était pas facile pour lui mais il a été incroyable, souriant, riant à la moindre occasion. Et j’admirais ce petit bout d’homme, vêtu de son seul body vert et enfermé dans un lit à barreau, qui serrait son Mochat (son doudou le chat moche) contre lui, le pouce dans la bouche, le sourire aux coins des lèvres. Alors même qu’on lui perfusait l’antibiotique qu’il ne supportait pas !! … Il était gonflé comme un ballon de baudruche à cause de la réaction allergique !! Et il souriait sans broncher… Un warrior, digne fils de sa mère !! 😉

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De retour à la maison, direction le CMP… Bouchon y a fêté son premier anniversaire. La pédopsychiatre et la psychométricienne du service étaient d’accord avec moi : il était atypique. Elles envisageaient un trouble du développement ou du comportement. Mais c’était sans compter la pédiatre de mon fils. Il ne répond pas à son prénom ? « Il a fait beaucoup d’otites. Il a peut-être des problèmes d’audition…il faut vérifier » Ok… Après le premier audiogramme, on m’annonce que Bouchon est en fait sourd à 60%. Une surdité fonctionnelle qui ne pourra être corrigée que par un appareillage…Mais « revenez dans un mois pour être bien sûrs »...Un mois plus tard : « ben en fait, cet enfant entend très bien… Ça doit être autre chose… » La vue peut-être… Oh ben oui tiens ! Vérifions ça aussi !! « Astigmate..Mais revenez dans un mois pour être bien sûrs »… « Non mais en fait, tout va bien…il voit parfaitement »….

On a tout vérifié. Il ne restait plus que des troubles du développement et du comportement à envisager sérieusement. Mais la pédiatre ne voulait pas en démordre : mes aînés étant à Très Haut potentiel intellectuel et ayant tout fait largement en avance, je n’avais pas les bons repères. J’étais trop pressée et trop exigeante. « Laissez le grandir à son rythme. Et puis, vous savez, c’est le petit dernier : c’est fréquent qu’ils se laissent un peu plus vivre que les plus grands » Un discours tenu également par une partie de mon entourage. Pour beaucoup, j’étais obsédée par l’idée que mon fils soit autiste. Une obsession souvent qualifiée de malsaine : je projetais sur mon enfant mes propres Troubles du Spectre Autistique. « Il n’est pas forcément comme vous… » J’avais le sentiment d’être une mère abusive. Et j’ai douté. Pendant plusieurs mois, j’ai douté de ce que me disait mon instinct. J’en suis même arrivée à ne pas le croire.

Et puis, j’en ai eu marre de me conformer aux avis extérieurs. Jamais dans ma vie je ne m’étais autant soumise au jugement des autres. Et là, il s’agissait de mon fils. Alors un jour, ma mère – c’est la seule à avoir toujours cru en la véracité de mon intuition – m’a secouée les puces… Et quand ma mère vous secoue les puces, croyez-moi, vous sortez instantanément de votre léthargie !! Moi, mon instinct de survie s’est réveillé et je suis entrée en résistance. Parce qu’au fond de moi, je savais. J’ai demandé conseil aux praticiens du CMP : « Prenez rendez-vous au CRA et demandez une évaluation ». Bouchon allait sur ses 18 mois.

J’ai rappelé le CRA. Et nouvelle déconvenue : « il est trop petit. Nous n’évaluons les enfants qu’à partir de 5 ans »…

« M’en fous », me suis-je dit en raccrochant. Le lendemain, je me suis garée à l’arrache devant le CRA. J’ai sonné, je me suis présentée et j’ai collé mon Bouchon dans les bras de la secrétaire : «je reviens dans deux heures. Débrouillez-vous mais je veux que mon fils soit évalué »

Deux heures plus tard et des dizaines de cigarettes fumées assise sur le capot de ma voiture, Bouchon allait être évalué : « nous allons adapter nos grilles de lecture »… Nous étions en janvier 2017.

Août 2017, le jour de la restitution des évaluations. Je me souviendrais toute ma vie de cette journée. Il faisait chaud (ça arrive parfois en Picardie!!). Je portais une jolie robe blanche à fleur avec des sandales orange à talons. J’étais de prépa JT et j’avais rendez-vous à 15h au CRA. Après 1h30 à écouter les conclusions des différents examens, on me dit enfin ce que je sais depuis si longtemps : mon Bouchon, mon fils est autiste. Les choses sont clairement énoncées et posées. Celui qui est désormais mon petit autiste à moi que j’ai a deux ans et demi. Il se sera passé plus de 18 mois depuis mon premier appel au CRA. 18 mois pour en arriver là. 18 mois et une détermination qui me faisait passer pour une folle…

Et maintenant ? Le patron du CRA m’a regardée derrière ses fines lunettes cerclées : « c’est vous qui décidez de la prise en charge » Mais je n’y connais rien !! « On a des livres… »…

Je me suis levée et j’ai dit au revoir à tout le monde. « Bon courage, madame… »

Je suis sortie de cette grande maison de maître réhabilitée. J’ai regardé le ciel bleu (je maintiens que c’est parfois le cas en Picardie!!) et j’ai entendu ce « bon courage, madame » résonné en écho dans mes oreilles. J’ai enlevé mes sandales, j’ai allumé une cigarette et pieds nus, j’ai marché jusqu’à ma voiture. Le macadam était brûlant. Et mon instinct, à nouveau en pleine possession de lui-même, m’a alors dit que la traversée du désert ne faisait que commencer…

29 Oct

Merci au comédien Samuel Le Bihan !

J’ai été surpris dimanche après midi en ajoutant en «ami» le comédien Samuel le Bihan sur les réseaux sociaux, de recevoir un chouette message de ce grand comédien : «Bonjour, j’ai votre petit manuel (faisant référence à mon dernier livre : le petit manuel illustré comment comprendre mon copain autiste aux éditions «La boite à Pandore» co-écrit avec Sandrine Guérard) et vraiment, il est super ! Félicitation et bravo !»

Un message qui m’a fait du bien ! Voilà que j’ai une personnalité du cinéma dans mes lecteurs ! Merci à vous pour la cause ! 

 

En effet, Samuel est le père d’une fille autiste et il vient de commencer un marathon médiatique vu qu’il sort son livre mercredi 31 octobre 2018 en librairie : « Un bonheur que je ne souhaite à personne» Aux éditions Flammarion et qui traite de manière romanesque, sa propre vie !

 

Il véhicule donc au grès des médias, des messages positifs sur l’autisme et la cause.

Il rend hommage aux parents qui combattent jours après jours les durs clichés et se dit en faveur d’une inclusion scolaire : «Cela parait évident ! Mais ce n’est pas le cas !»

                                                                           

Il y a encore du boulot pour faire avancer la cause mais si on est plusieurs et de différents horizons, peut-être qu’on arrivera à avancer ensemble ?

 Il est évident que je lirais votre roman et je vous incite, cher lecteur, à faire de même !

L’inclusion scolaire est le premier pas vers une société moderne et ouverte ! C’est en acceptant l’inclusion des personnes différentes qu’on pourra continuait à lutter contre le racisme et toutes formes de haine !

Merci à vous Samuel !

 

 

 

26 Oct

« Je voudrais juste qu’il parle… »

 

Ca va faire deux mois que Bouchon va à l’école : 4 matins par semaine, son frère et sa soeur le prennent par la main à la grille et l’emmènent à travers la cour de récréation vers sa salle de classe. C’est le premier rituel de la journée. Jusqu’à 11h30, il est au milieu d’une dizaine d’autres enfants avec Morgane, son Assistante de Vie Scolaire. Puis Nounou vient le chercher et ils passent l’après-midi ensemble à la maison. 

Et depuis deux mois, je découvre mon fils. Lorsque il a été diagnostiqué autiste, le pédopsychiatre m’a dit que l’école lui ferait le plus grand bien. Je l’ai cru mais sans plus : comment un enseignement qui n’est pas spécifiquement adapté à l’autisme pourrait-il aider Bouchon à s’ouvrir au monde ? Qu’il aille à l’école allait de soi parce que c’est un droit et que je ne voyais pourquoi sa différence devait l’empêcher de l’exercer. Mais je ne croyais pas vraiment en la seule vertu de l’école. Ajoutée à toutes les autres prises en charge, la scolarisation de Bouchon ne pourrait pas lui faire de mal… J’étais sceptique…
Mais je dois avouer que l’école fait plus que le plus grand bien à mon petit autiste à moi que j’ai.
En deux mois, il a incroyablement changé : il soutient de plus en plus le regard. Il le cherche même, chose impensable avant les vacances. Il sollicite l’adulte lorsqu’il veut quelque chose. Bon ok !! Quand je ne réponds pas assez vite à sa demande à son goût, il continue à se servir seul dans le placard à gâteaux !! Mais au moins, avant, il a demandé. A sa manière évidemment : il me tape sur la jambe ou bien ouvre le placard et pousse un petit cri en me regardant…. Il ne jette plus son verre à terre quand il a fini de boire : il se déplace jusqu’à moi pour me le donner ou va jusqu’à la table pour le poser. Ce matin, il a même profité que le tiroir de la poubelle soit ouvert pour y jeter la petite bouteille d’eau qu’il venait de vider. Et il m’a regardée bien droit dans les yeux en attendant mon approbation. Je lui ai dit : « Bravo !! C’est ce qu’il fallait faire… » et il m’a souri…
Ca peut vous ne vous paraître rien, toutes ces petites choses que les enfants font bien avant 3 ans. Mais pour Bouchon, tout ça n’est pas naturel. Il a beau nous avoir vu des centaines de fois faire tous ces gestes, il ne les avait jamais intégrés jusqu’à présent. Aujourd’hui, ce petit bout d’homme a passé un cap, que dis-je, une péninsule : il imite… Pas forcément immédiatement. Quoique ça lui soit déjà arrivé de reproduire tout de suite une chose après qu’elle lui a été montrée. Mais en général, il imite avec un peu de retard : quelques heures voire quelques jours après. Mais il imite. Et rien que ça, c’est champagne !!!

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Et J’ai enfin de vrais échanges avec mon fils. Nous rions ensemble, les yeux dans les yeux. Il me prend par le cou pour me faire des câlins et même des bisous !!! Et tout ça avec une vraie douceur… Une vraie tendresse… Je n’aurais jamais pensé être au bord des larmes la première fois qu’il a fermé sa petite bouche sur ma joue, ses mains enfouies dans mes cheveux…. Mes cheveux qu’il repousse maintenant systématiquement de mon visage pour mieux croiser mon regard. Ce soir, après le bain, il a même essayé de remonter seul le pantalon de son pyjama… Ca n’a l’air de rien mais pour un enfant autiste, c’est énorme.
Socialement, il avance à pas de géant. Il agite de plus en plus souvent la main pour dire bonjour ou au revoir. Il se précipite sur les gens lorsqu’il est content de les voir plutôt que de sauter sur place en faisant du flapping (battre l’air des mains). A l’école, il se mêle peu à peu au groupe : n°2, ma petite espionne spécialisée ès-CIA/MI6/DGSE, l’a un jour surpris « jouant » avec une petite fille de sa classe durant la récréation… Avec Nounou, il fait de la peinture avec les mains. Il teint un pinceau, chose inimaginable au printemps : à l’époque, la moindre matière un tant soit peut gluante sur les mains lui était insupportable…
Autant de changements en deux mois… Leurs prémices étaient déjà présents avant l’école mais la scolarisation les a fait émergés bien plus vite. Je suis convaincue que son inclusion dans une école classique y est pour quelque chose… Pour des enfants comme Bouchon, l’inclusion est l’une des clés à leur ouverture au monde… Je le vis chaque jour…

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Tout n’est pas idyllique, loin s’en faut. Il continue à faire des crises lorsqu’il y a du changement dans ses journées. Aujourd’hui, jour de vacances, je suis allée visiter un musée avec ma tribu au lieu de rester à la maison comme d’habitude : il est 22h30, Bouchon ne dort toujours pas et a déjà mis sa chambre 3 fois à l’envers. Il ne comprend toujours pas les inflexions de voix et les émotions sur les visages. Il n’est toujours pas propre. Avec moi, il refuse les morceaux dans ses repas. Il hurle dès qu’il en a dans la bouche et lui donner à manger devient rapidement un enfer. Je ne vais pas le cacher : je reste terrorisée quant à Demain…
Un jour où je n’avais plus assez d’énergie pour faire bonne figure et laisser croire que tout avance merveilleusement bien avec mon Bouchon, un ami m’a laissée m’effondrer sur son épaule. Au bout de forces, j’ai avoué à quel point j’ai la trouille : « je voudrais juste qu’il parle. J’aurais moins peur…». Et voilà ce que ce papa lui-même m’a répondu : «  c’est normal que tu aies peur pour lui. N’importe quel parent a peur pour son enfant. Pour Bouchon, c’est évidemment plus fort. Mais que veux-tu faire de plus ? Tu lui montre des chemins. S’il ne veut en prendre aucun, tu ne pourras pas l’y obliger. » 
 
C’est vrai. On ne peut jamais forcer personne. D’autant plus un autiste. Mais je n’abandonnerai que lorsque je n’aurais plus aucun chemin à proposer à Bouchon. Et pour le moment, j’ai plutôt de la chance : celui des écoliers semble lui convenir…

22 Oct

«Comment comprendre mon copain autiste» : le dessinateur appelle le gouvernement face à l’urgence de vivre ensemble !

Vous avez peut-être vu au journal télévisé de France 3 dimanche 21 octobre ou Lundi 22 Octobre à midi, un reportage avec un dessinateur qui montre son manuel illustré dans une classe de CM2 où il y a une inclusion de deux élèves autistes. Ce reportage a fait le tour des pages Facebook des France 3 régionaux, car cela représente l’école idéale inclusive pour beaucoup de parents d’enfants différents. (Voir le lien dans l’article).

 

 

L’école Sainte Marie d’Abbeville a réussis cela. Les deux enfants autistes, depuis quelques mois, se sentent très bien, entourés de leurs camarades de classe. Je suis donc allé voir sur place avec les médias, pour leur présenter le nouveau support pédagogique : un petit manuel illustré qui explique l’autisme aux enfants. Avec des dessins d’humour et des conseils faciles. Que vous pouvez trouver partout en librairies (Voir photo de l’article). Ce manuel a reçu un coup de coeur libraire Fnac et s’est déjà écoulé à plus de 3000 exemplaires en moins de dix jours.

 

 

Preuve qu’il y a sincèrement besoin d’informer les enfants de manière ludique sur cette cause.

Seulement voilà, pour certains, l’inclusion scolaire est surtout «l’inclusion colère» car il y a un véritable manque d’AVS et de sensibilisations. Il y a beaucoup de problèmes de gestions des besoins également. Un tel changement de société ne se fait pas en un jour mais depuis 2005, cela traine pour les familles en galères. Certains professeurs et maitres d’écoles ne sont pas formés et prennent peur car nous leur demandons de changer leur façon d’enseigner. ce qui peut créer des tensions entre tout le monde. Ce qui est dommage. Je peux tout entendre et tout comprendre mais je vous assure qu’il va falloir que chacun d’entre nous fassent des efforts et trouver des solutions pour que ce monde change sans trop d’accrocs. N’hésitez pas à lire mes deux manuels illustrés et si vous voulez que je vienne dans vos écoles pour sensibiliser sur le sujet, essayez de nous écrire à l’adresse mail de mon éditrice Véronique De Montfort : vdemontfort.editorial1@gmail.com

On essayera d’organiser une rencontre dans la mesure du possible. Vous êtes nombreux à le demander !

C’est pour cela que j’en appelle aux pouvoirs publics, les élus locaux et les membres du gouvernement pour vraiment travailler ensemble. Entre les parents, les élèves, les professeurs, les AVS, les directeurs et les élus ! Il faut que chacun apporte sa pierre à l’édifice ! Et avec les associations qui triment dans ce domaine ! C’est ensemble que notre société prend son sens !

C’est tellement chouette la vie écolière et ce reportage que nous avons fait, prouve une fois de plus que l’impossible pour certains est totalement possible pour d’autres alors continuons à rêver et faire avancer les choses ! Tous le monde a un rôle cruciale dans le développement de l’enfant alors soyons digne de ce rôle ! L’école est pour tous ! Un enfant autiste est avant tout un enfant. Un enfant de la république !

J’appelle donc Mr le ministre dans cet article, Monsieur Jean Michel Blanquer et Madame Cluzel, secrétaire d’état aux questions du handicap ainsi que Monsieur le Président et sa compagne, Madame Macron. Je ne suis pas d’accord avec le coup de gueule de Mr Ruffin à l’assemblée nationale car il a été trop loin dans la « colère-spectacle » sans connaitre vraiment les dossiers traités. (Pour informations, les insoumis étaient pour la psychanalyse dans l’autisme et d’autres points rétrogrades qui ne vont pas avec notre combat actuel, du temps notamment où on a essayé de faire passer la loi Fasquel sous la présidence de François Hollande, rappelez-vous-en donc, il y a donc encore beaucoup de travail de ce côté là aussi ! ) mais ce coup de gueule médiatique prouve que les gens, le peuple a besoin de réponses précises et que vous soyez toujours sur le pont ! Car la colère gagne du terrain … Gardez cela en tête messieurs et mesdames les ministres et commençons à construire une nouvelle France… Celle qui est digne de notre république ! Celle qui ne laisse pas de côté, nos personnes opprimées et fragilisées… Celle qui fait vivre et mets en sécurité chacun d’entre nous ! C’est de cette France là que nous voulons. Celle pour qui j’ai sortis (avec ma femme) nos deux manuels illustrés. Il y a urgence à vivre ensemble. Avec tous les parents qui galèrent pour faire accepter la différence de leurs enfants. L’école est pour tous et obligatoire, quoi qu’on en dise ! Alors allons-y ! 

Merci

Peter Patfawl

26 Sep

« Il va finir par se calmer… »

La promesse éditoriale de ce blog, c’est de raconter mon quotidien de maman d’un enfant autiste avec humour si c’est possible… Et je me rends compte que je n’ai jamais vraiment raconté mon quotidien avec Bouchon… J’ai écrit les jolis moments que j’ai partagés avec mon fils, les batailles que j’ai menées, que je mène et que je mènerai très certainement encore pour lui, mes doutes, mes et ses petites victoires comme autant de combats cruciaux gagnés, ses progrès, son rire, ses sourires, sa bonne humeur, ses bouclettes.

Quand je relis mes billets, j’ai l’impression que finalement, ce n’est pas trop galère d’avoir un fils comme mon Bouchon…

Alors je vais raconter une tranche de mon quotidien beaucoup moins idyllique…

Il est 1h30 du matin… Et je suis exténuée … Quand je suis rentrée du bureau ce soir, à 19h, après une journée commencée à 7h en déposant numéro 1 à la gare pour qu’il prenne son train pour le lycée et terminée en allant chercher 2 et 3 au conservatoire, Bouchon était « énervé. Une vraie pile électrique, m’a dit Nounou. Il a à peine dormi à la sieste. Il est fatigué »… Ok… Donc dodo tôt… Il va tomber comme une mouche… Mais pas tout de suite : je l’ai à peine vu de la journée… Mr Mari rentre tous les jours bien après moi. Mais ce soir, il a une réunion. Il sera là tard….

Comme chaque soir, je gère les devoirs, le bain et le repas des aînés. Mais ce soir, Bouchon est énervé… Chez les autistes, il n’y a pas de demi-mesure et énervé est un doux euphémisme. Ce soir, Bouchon ouvre tous les robinets, met les mains dans la cuvette des WC, déroule les rouleaux de papier toilette, jette tous ses jouets en direction des baies vitrées, pousse des cris parce que je ne comprends pas qu’il a soif, court partout parce qu’il refuse que je lui change sa couche, s’acharne sur la barrière de l’escalier et surtout – c’est honnêtement le plus insupportable- claque sans discontinuer toutes les portes, y compris celles des placards, du frigo et du congélateur…

Car, voyez-vous, la grande passion de mon petit autiste à moi, ce sont les portes : il les ouvre et les ferme avec une force qui frise la violence, au point de faire des trous dans les murs avec la poignée ou d’en casser les gonds… Ça doit faire une bonne dizaine fois que je replace sa porte de chambre et que je replâtre le mur de la porte d’entrée qui tient encore debout par je ne sais quel miracle… J’ai bien pensé à mettre des cale-portes mais mon fils est autiste, pas bête… Et un cale-porte en métal qu’on penserait trop lourd pour qu’un enfant de 3 ans ne le déplace, eh bien quand il vole, croyez-moi, ça fait des dégâts !! Claquer les portes, Il peut faire ça des heures si vous ne détournez pas son attention vers autre chose…

Donc ce soir, j’ai la tête comme une citrouille (vous me direz, c’est de saison!!) à essayer de faire entendre raison à Bouchon. A 20h, je finis par lui mettre la main dessus et hop au lit après 3 chansons et 2 livres difficilement lus vu l’énervement de l’auditoire qui est plus intéressé par l’idée de déchirer les pages que par Petit loup qui jardine… Je finis par mettre Bouchon dans son lit… Un câlin, un bisou sur la main, la veilleuse, la musique… « Bonne nuit !! A demain !! » 

Je retourne à 1,2 et 3 qui finissent à peine de manger… Et je m’assois avec eux pour avaler quelque chose… Grosse erreur… Énorme erreur… Colossale erreur…

J’ai couché Bouchon à 20h et à 1h30 du matin, il vient tout juste de s’endormir… Entre-temps, ce fut l’apocalypse…

Il a commencé par sortir de son lit et de sa chambre pour, devinez un peu, claquer toutes les portes qu’il trouvait sur son passage avec une prédilection pour celle sa chambre… qui en est tombée !! Me voilà à 21h30 en train de regonder une porte !! J’avais plutôt prévu une soirée piano/couture mais pas bricolage !! Je remets Bouchon dans son lit, 12 fois, avant de tout barricader pour qu’il n’en sorte plus. Mais c’est sans compter sur son vaste esprit créatif !! Je ne sais pas comment mais il parvient à sortir de son lit et de colère, mon autiste dévaste littéralement sa chambre : armoire, commode, bibliothèque, coffre à jouet, il a tout vidé. Il a aussi démonté sa literie et renversé les meubles qu’il a eu la force de renverser… Impossible de poser un pied à terre…Ce soir, il a fait ça 7 fois… Et le pire, ce n’est pas de remettre tout en ordre après chaque passage de l’ouragan Bouchon, c’est de l’entendre rire quand je lui dis non ou que je lui ordonne de dormir : Bouchon ne comprend pas les inflexions de voix et les expressions des visages. Il ne sait pas ce que ça veut dire. Tout ce qu’il sait, c’est que vachement drôle… Le seul fait que je réagisse l’amuse…

J’opte donc pour le « pas de réaction, pas d’action ». En général, ça marche. Mais pas ce soir. Et quand ça ne marche pas, Bouchon passe à autre chose pour obtenir une réaction de ma part : il frappe. Ce soir, j’ai eu droit aux coups de pieds, aux gifles, au tirage de cheveux, aux morsures, le tout accompagné de grands éclats de rires… Et moi qui suis toujours pleine de ressources, dans ces cas là, je suis complètement démunie. Je ne sais pas comment le calmer, comment lui faire comprendre que non, frapper n’est pas drôle, comment le faire arrêter de rire. 

Et la fatigue physique, nerveuse et psychologique n’aide généralement pas à réfléchir sereinement … Et ses frères et sœur ont besoin de dormir : «tout va bien les enfants ! Votre frère va finir par se calmer »…

Mais en fait, non…

Alors au bout de plus de 4 heures de combat acharné avec mon fils de 3 ans, j’ai lâchement baissé les bras…. J’ai cessé d’aller lui remettre ses draps pour qu’il dorme confortablement… Je ne suis plus allée le voir pour le rassurer de je ne sais quelle angoisse ou imperceptible changement qui aurait pu provoquer cette crise… Et je l’ai laissé pleurer et hurler… J’ai même éteint le baby-phone pour ne pas trop l’entendre… Et j’ai pleuré moi aussi… D’épuisement, de colère contre moi de ne pas être capable de l’aider, de découragement aussi…

Cette soirée a été pour lui une très longue partie d’un jeu qui m’anéantit à chaque fois qu’il a décidé d’y jouer… parce que je n’en connais ni les règles ni les codes… Et depuis plusieurs mois, Bouchon y joue au moins une fois par semaine… Et c’est un peu plus violent chaque fois…

Je n’ai pas mangé mais je n’ai pas faim… Il est maintenant plus de 2 heures du matin et je me lève dans moins de 5 heures pour recommencer une nouvelle journée… Bouchon dort enfin… Et tout à l’heure, quand j’irai le réveiller, il me fera un immense sourire… De ceux qui effacent tout…

Sauf le sentiment de culpabilité d’avoir eu, quelques secondes, envie de hurler sur mon fils autiste de 3 ans. 

19 Sep

Un nouveau manuel illustré sur l’autisme pour les enfants et les professeurs ?

Enfin… le voilà physiquement. «Le petit manuel illustré comment comprendre mon copain autiste» édité par la «Boite à Pandore édition» est arrivé chez l’éditeur aujourd’hui.

                                                                                      

 

 

 

     Pour ceux et celles qui ne connaissent pas mon travail, je vous explique en trois mots.

Je suis beau père d’un enfant autiste et dessinateur de BD. J’en avais assez d’entendre des bêtises sur l’autisme et des réflexions affligeantes sur mon beau fils alors j’ai voulu avec ma femme réagir avec pédagogie et humour en sortant un manuel bourré de dessins d’humour et de conseils sortis en librairie le 7 Février 2018, partout. Afin d’informer le grand public avec bienveillance. Le manuel illustré «Comment garder un enfant autiste quelques heures pour aider ses parents» édité par la Boite à Pandore édition est un succès en librairie.

Alors comme nous parlons beaucoup de l’inclusion scolaire des enfants autistes et que nous avons eu une demande énorme des parents et professeurs, nous allons sortir le 4 Octobre 2018, toujours partout en librairie (Supermarchés, librairies… Fnac, Amazon, Cultura… et dans tous les pays francophones) «Le petit manuel illustré comment comprendre mon copain autiste» (co-écrit avec ma compagne et une amie professeur spécialisée ) sera le guide idéal pour tous les enfants (à partir de 5-14 ans) et les professeurs d’écoles et de collèges afin d’inciter l’inclusion scolaire et comprendre plus facilement l’autisme.

Ce livre est disponible en réservation dès maintenant dans votre librairie favoris alors n’hésitez pas à le faire ! (Il est déjà très attendu alors foncez, sans hésiter !)

L’enfant comprendra alors que d’être copain avec un enfant différent peut être bénéfique pour tous ! C’est un manuel anti-harcèlement scolaire car si l’enfant comprend la différence, il n’y aura plus de moqueries entre camarades !

                  

 

 

Ce manuel contient des conseils, des dessins, des exercices, des outils simples pour faire à l’école comme à la maison. Ainsi que dans les activités extra-scolaires.

Destiné avant tout aux enfants, il est aussi lu par les professeurs et AVS !

Voilà de quoi se former avec le sourire ! Un enfant autiste dans votre classe ?

Pas de panique, le livre est fait pour vous !

                                        

 

Il y a encore deux ans,  80 % des enfants autistes n’étaient pas scolarisés !

Alors soyons bienveillants, cool et solidaire !

Vous connaissez un professeur des écoles ? Collèges ? Tagguez ou envoyez lui cet article !

Ce manuel est préfacé par une professeur et auteur du livre «Paul en Mongolie». Elle s’appelle Domitille Cauet.

Alors maintenant bonne lecture à tous et que chacun trouve enfin sa place !

 

 

On en parle déjà dans les médias :

TV5 Monde : https://www.youtube.com/watch?v=7n43qtJ-Hxg&t=7s

Les baobabs : https://blog.francetvinfo.fr/lesbaobabs/2018/08/28/autisme-contre-le-harcelement-scolaire-faisons-ecole.html

France 3 : https://france3-regions.francetvinfo.fr/hauts-de-france/nouveau-mode-emploi-peter-patfawl-comprendre-autisme-destine-cette-fois-aux-enfants-1543344.html

Journal International de Médecine : https://www.jim.fr/infirmier/actualites/pro_societe/e-docs/inclusion_des_enfants_handicapes_a_lecole_une_annee_tremplin__173423/document_actu_pro.phtml  

Vous êtes libraire ou vous êtes Journaliste ? Une séance de dédicaces ou une interview ? Ecrivez à Aurielle Marlier, l’attachée de presse : presse@editionsjourdan.com

16 Sep

« Tout ça, c’est super mais maintenant… »

Ca fait deux semaines que Bouchon va à l’école. Deux semaines qu’il est content quand il voit la grille d’entrée rouge. Deux semaines qu’il s’est bien adapté selon son institutrice. Deux semaines qu’il « observe beaucoup les autres enfants » et qu’il n’a aucun problème de comportement. Bref, deux semaines que tout va bien côté scolarisation.

A la maison, ça fait deux semaines que je trouve mon petit autiste plus présent. Que j’arrive à accrocher son regard plus longtemps et que j’ai même droit à un sourire quand je prononce son prénom. Deux semaines qu’il ne saute plus sur place quand il est submergé par la joie, qu’iI ne fait plus tourner les objets qui lui tombent sous la main et qu’il ne se balance plus pour se rassurer dans une situation angoissante. Bref, deux semaines que j’ai l’impression que mon Bouchon change

Et ce samedi matin, Monsieur est venu. Monsieur, c’est le psychologue qui vient une heure chaque semaine pour travailler avec Bouchon. Ils ne s’étaient pas vus depuis 15 jours. Quand il est arrivé, mon fils l’a regardé bien droit dans les yeux avec un beau sourire et quelques petits cris pour exprimer sa joie de le revoir.

Ils sont partis main dans la main pour aller mettre des cubes dans d’autres cubes et pour poser des ronds rouges sur des formes rondes et rouges.

Au bout de 30 minutes, j’ai vu débouler Bouchon dans le salon en courant et en criant, les larmes au bord des yeux : une demi-heure de stimulation sensorielle et cognitive intensive l’avait épuisé.

Alors on a fait le point, le psy et moi. Un petit bilan des progrès que j’ai observés chez mon extraterrestre.

Et là, je me suis lâchée !! J’ai énuméré la liste longue comme le bras de tout ce qui a bougé chez Bouchon depuis qu’il va à l’école. Monsieur écrivait sur son cahier 21X29,7 à grands carreaux. Et moi, fière de tout ce que je racontais, je bombais le torse parce que « franchement depuis qu’il va à l’école, un tas de choses s’ouvre. Il est resté assis sur sa chaise 20 bonnes minutes au cours d’éveil musical !! L’autre jour, il m’a même sollicitée pour que je lui essuie son nez qui coulait !!! ».

Et je me suis tu, un immense sourire de (auto)satisfaction sur les lèvres. Je contemplais l’évolution de mon fils avec une assurance presqu’arrogante.

Monsieur a terminé sa phrase de notes, en a tapé le point final avec son stylo noir. « Bien… ». Il a levé son visage encore juvénile vers moi et avec sa voix douce, il a dit « Tout ça, c’est super mais maintenant… »

Woh woh woh !!! Comment ça « mais maintenant » ? Quoi « mais maintenant » ? Non non non, on va rester deux minutes sur « Tout ça, c’est super » parce qu’effectivement, tout ça, c’est super…  « mais maintenant, on va travailler la propreté, les séquentiels d’une journée type et surtout, avant tout chose, on va endiguer la violence avec laquelle il commence à exprimer son mécontentement et son désaccord. Il faudra aussi penser à faire une demande auprès de la MDPH pour une prise en charge en Cessad parce que la liste d’attente est longue »…

Tout ce qu’il a dit m’est arrivé aux oreilles de manière floue et cotonneuse. C’est la main que Bouchon a posée sur ma cuisse qui m’a ramenée à la réalité. Une réalité que je venais de prendre en pleine figure et qui avait fait exploser mes illusions : non, tout n’ira pas mieux simplement parce que Bouchon est scolarisé. Non, l’école seule ne suffira pas à aider ce petit bonhomme à être aux autres. Non, le chemin n’est pas fini.

Faire une pause alors ? Une toute petite ? Quelques semaines ? Pour voir si les choses n’évoluent pas davantage ? Non plus : « les choses prennent vite sur lui. L’école a ouvert des brèches. Il faut en profiter. On avance sur tout ça sérieusement samedi prochain. » 

Quand Monsieur est parti, j’ai demandé à n°2 de jouer avec son « petit petit frère ».

Je me suis allongée dans mon jardin, à même l’herbe. J’ai allumé une cigarette. J’aurais bien pris une bière mais il n’était pas encore 11 heures…et j’ai fustigé ma naïveté et mon manque de lucidité : comment avais-je pu croire – ou plutôt me faire croire parce qu’au fond de moi, je connaissais la vérité – comment avais-je pu croire que le simple fait de mettre mon petit autiste à l’école allait tout régler ? Que le bout du tunnel était proche ? Comment avais-je pu succomber à cette facilité ?

L’école n’est en fait que le point de départ. On va entrer dans le dur. Passer à l’étape et à la vitesse supérieures. Fixer de nouveaux objectifs beaucoup plus élevés. Et tout ça sans que je n’aie eu le temps de reprendre mon souffle.

Après avoir bataillé pour une AVS, je vais devoir y retourner. Mais cette fois-ci, il va falloir que je me batte contre mon propre fils pour l’ouvrir au monde. Il va falloir que je me batte contre son penchant naturel à refuser toute contrainte.

Et il va falloir que je me batte contre moi. Contre ce penchant tout aussi naturel qui me pousse parfois à vouloir prendre mon fils dans mes bras pour le soustraire à ce que j’assimile à une forme de violence. A vouloir hurler à tous de le laisser tranquille. Que moi, je l’aime comme il est. Autiste ou pas ou moins.

Quand j’ai eu fini ma cigarette, je suis allée voir mes deux numéros que j’entendais rire aux éclats. Bouchon m’a souri et sa sœur aussi. Et je me suis dit qu’on était sur la bonne voie. Que oui, le chemin allait être long et probablement escarpé. Mais qu’avec les innombrables paires de chaussures que j’ai, j’allais forcément y arriver. J’ai fait un câlin à mes petits bizarres. Et j’ai filé sur internet m’acheter ces si jolis derbys écossais que j’avais repérés la veille…

Histoire d’être parfaitement armée pour affronter ce qui nous attend !