Bouchon a eu 3 ans il y a quelques semaines. Dans l’esprit de tout à chacun, enfant + 3 ans = scolarisation… Et pour Bouchon ? L’équation n’est pas si évidente dans la tête des gens : « et il va aller à l’école ? » est actuellement la question la plus fréquente à laquelle je dois répondre…
Ben oui ! Bouchon va aller à l’école… Pourquoi il n’irait pas à l’école ? Parce qu’il est autiste ? Justement… C’est parce qu’il est autiste qu’il doit aller plus que les autres à l’école… »Et il va aller dans une école normale ? » Re-ben oui… Il n’existe pas d’école spécialisée où nous vivons, en Picardie. Il va aller dans le même établissement que n°2 et n°3. Il aura un(e) Assistante(e) de Vie Scolaire pour l’aider à s’habiller, lui reformuler les consignes et éviter qu’il ne se fasse la malle quand il en aura marre de tous ces mômes bizarres qui veulent absolument jouer avec lui !
Tel que j’écris les choses, je donne l’impression que la scolarisation de mon petit autiste à moi que j’ai est toujours allée de soi… Non… Je l’avoue… Honteusement… Quand le diagnostic d’autisme a été délivré, le praticien qui m’a fait la restitution des évaluations m’a dit « l’école lui fera le plus grand bien« … Je l’ai regardé avec de grands yeux humides… Et j’ai douté… Le temps de dire « L’école ? Mais est-ce qu’il sera capable d’apprendre? « … 3 secondes montre en main… 3 secondes qui tournent en boucle dans ma tête depuis que je m’attelle à la scolarisation de Bouchon… Cette phrase raisonne à mes oreilles chaque fois que je le vois restituer un nouvel apprentissage… Et chaque fois, je m’en veux d’avoir prononcé ces 11 mots…
« Ne doutez jamais des capacités de votre fils« … Voilà ce que ce ponte de l’autisme en Picardie m’a répondu… Il l’a fait avec bienveillance, sans me juger, en souriant derrière ses lunettes à fine monture… Mais pour moi, il était trop tard : je n’avais pas eu confiance en toi le temps d’une phrase…
Je m’en veux, mon Fils… Je m’en veux d’avoir douté 3 secondes de tes capacités… De tes capacités d’apprentissage… De tes capacités intellectuelles… De tes capacités d’évolution… Pardon… Chaque jour, je vois à quel point tu avances… Je suis bien consciente que tu te bats contre toi-même pour te conformer à une manière d’apprendre qui n’est pas naturellement la tienne… Que tu te bats aussi contre moi parce que faire des encastrements, empiler des cubes, trier des couleurs que tu connais déjà, ça ne t’intéresse pas (moi non plus d’ailleurs…)… Que tout ce qui attire ton attention en ce moment, c’est d’observer la façon dont différents objets tournent… Que tu pourrais rester des heures à sembler analyser le mouvement des choses.
Et malgré cela, tu apprends…Tu apprends même vite… Tu sais des choses que personne ne semble t’avoir apprises…. Tu emmagasines sans en avoir l’air… Tu fais ce dont j’ai fugacement douté… Et tu le fais mieux que je ne l’aurais jamais pensé… Pardon mon Fils…
Et merci… Merci de me donner tort, à moi qui aime tant avoir raison… Merci de me surprendre chaque jour…
Parfois, je me laisse aller à te rêver dans 20 ans… Tu auras toujours ton visage d’angelot, ton sourire ourlé et tes boucles châtain… Tu seras toujours aussi beau… Tu dépasseras le mètre 80 et chausseras au moins du 42… Tu parleras (Mais s’il te plaît, pas autant que tes frères et sœur !!)… Tu auras fait de cette passion que tu as déjà pour la musique ton métier… Peut-être auras-tu choisi le violoncelle, cet instrument que j’aime tant… Je t’imagine alors jouant la suite n°1 en sol majeur de Bach… Celle qui me fait toujours monter les larmes aux yeux et chavirer le coeur…
Quand cela arrivera, mon Fils, mon Amour, mon Bouchon, et même si cela n’arrive pas, ne m’en veux pas de pleurer… Ne m’en veux pas de pleurer de fierté de te regarder avoir grandi… Ne m’en veux pas de pleurer aussi de bonheur de t’avoir accompagné vers ce que tu auras fait de ta vie… Ne m’en veux pas enfin de pleurer de remord d’avoir, un jour d’été, l’espace de 3 secondes, douter de toi…