26 Oct

« Je voudrais juste qu’il parle… »

 

Ca va faire deux mois que Bouchon va à l’école : 4 matins par semaine, son frère et sa soeur le prennent par la main à la grille et l’emmènent à travers la cour de récréation vers sa salle de classe. C’est le premier rituel de la journée. Jusqu’à 11h30, il est au milieu d’une dizaine d’autres enfants avec Morgane, son Assistante de Vie Scolaire. Puis Nounou vient le chercher et ils passent l’après-midi ensemble à la maison. 

Et depuis deux mois, je découvre mon fils. Lorsque il a été diagnostiqué autiste, le pédopsychiatre m’a dit que l’école lui ferait le plus grand bien. Je l’ai cru mais sans plus : comment un enseignement qui n’est pas spécifiquement adapté à l’autisme pourrait-il aider Bouchon à s’ouvrir au monde ? Qu’il aille à l’école allait de soi parce que c’est un droit et que je ne voyais pourquoi sa différence devait l’empêcher de l’exercer. Mais je ne croyais pas vraiment en la seule vertu de l’école. Ajoutée à toutes les autres prises en charge, la scolarisation de Bouchon ne pourrait pas lui faire de mal… J’étais sceptique…
Mais je dois avouer que l’école fait plus que le plus grand bien à mon petit autiste à moi que j’ai.
En deux mois, il a incroyablement changé : il soutient de plus en plus le regard. Il le cherche même, chose impensable avant les vacances. Il sollicite l’adulte lorsqu’il veut quelque chose. Bon ok !! Quand je ne réponds pas assez vite à sa demande à son goût, il continue à se servir seul dans le placard à gâteaux !! Mais au moins, avant, il a demandé. A sa manière évidemment : il me tape sur la jambe ou bien ouvre le placard et pousse un petit cri en me regardant…. Il ne jette plus son verre à terre quand il a fini de boire : il se déplace jusqu’à moi pour me le donner ou va jusqu’à la table pour le poser. Ce matin, il a même profité que le tiroir de la poubelle soit ouvert pour y jeter la petite bouteille d’eau qu’il venait de vider. Et il m’a regardée bien droit dans les yeux en attendant mon approbation. Je lui ai dit : « Bravo !! C’est ce qu’il fallait faire… » et il m’a souri…
Ca peut vous ne vous paraître rien, toutes ces petites choses que les enfants font bien avant 3 ans. Mais pour Bouchon, tout ça n’est pas naturel. Il a beau nous avoir vu des centaines de fois faire tous ces gestes, il ne les avait jamais intégrés jusqu’à présent. Aujourd’hui, ce petit bout d’homme a passé un cap, que dis-je, une péninsule : il imite… Pas forcément immédiatement. Quoique ça lui soit déjà arrivé de reproduire tout de suite une chose après qu’elle lui a été montrée. Mais en général, il imite avec un peu de retard : quelques heures voire quelques jours après. Mais il imite. Et rien que ça, c’est champagne !!!

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Et J’ai enfin de vrais échanges avec mon fils. Nous rions ensemble, les yeux dans les yeux. Il me prend par le cou pour me faire des câlins et même des bisous !!! Et tout ça avec une vraie douceur… Une vraie tendresse… Je n’aurais jamais pensé être au bord des larmes la première fois qu’il a fermé sa petite bouche sur ma joue, ses mains enfouies dans mes cheveux…. Mes cheveux qu’il repousse maintenant systématiquement de mon visage pour mieux croiser mon regard. Ce soir, après le bain, il a même essayé de remonter seul le pantalon de son pyjama… Ca n’a l’air de rien mais pour un enfant autiste, c’est énorme.
Socialement, il avance à pas de géant. Il agite de plus en plus souvent la main pour dire bonjour ou au revoir. Il se précipite sur les gens lorsqu’il est content de les voir plutôt que de sauter sur place en faisant du flapping (battre l’air des mains). A l’école, il se mêle peu à peu au groupe : n°2, ma petite espionne spécialisée ès-CIA/MI6/DGSE, l’a un jour surpris « jouant » avec une petite fille de sa classe durant la récréation… Avec Nounou, il fait de la peinture avec les mains. Il teint un pinceau, chose inimaginable au printemps : à l’époque, la moindre matière un tant soit peut gluante sur les mains lui était insupportable…
Autant de changements en deux mois… Leurs prémices étaient déjà présents avant l’école mais la scolarisation les a fait émergés bien plus vite. Je suis convaincue que son inclusion dans une école classique y est pour quelque chose… Pour des enfants comme Bouchon, l’inclusion est l’une des clés à leur ouverture au monde… Je le vis chaque jour…

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Tout n’est pas idyllique, loin s’en faut. Il continue à faire des crises lorsqu’il y a du changement dans ses journées. Aujourd’hui, jour de vacances, je suis allée visiter un musée avec ma tribu au lieu de rester à la maison comme d’habitude : il est 22h30, Bouchon ne dort toujours pas et a déjà mis sa chambre 3 fois à l’envers. Il ne comprend toujours pas les inflexions de voix et les émotions sur les visages. Il n’est toujours pas propre. Avec moi, il refuse les morceaux dans ses repas. Il hurle dès qu’il en a dans la bouche et lui donner à manger devient rapidement un enfer. Je ne vais pas le cacher : je reste terrorisée quant à Demain…
Un jour où je n’avais plus assez d’énergie pour faire bonne figure et laisser croire que tout avance merveilleusement bien avec mon Bouchon, un ami m’a laissée m’effondrer sur son épaule. Au bout de forces, j’ai avoué à quel point j’ai la trouille : « je voudrais juste qu’il parle. J’aurais moins peur…». Et voilà ce que ce papa lui-même m’a répondu : «  c’est normal que tu aies peur pour lui. N’importe quel parent a peur pour son enfant. Pour Bouchon, c’est évidemment plus fort. Mais que veux-tu faire de plus ? Tu lui montre des chemins. S’il ne veut en prendre aucun, tu ne pourras pas l’y obliger. » 
 
C’est vrai. On ne peut jamais forcer personne. D’autant plus un autiste. Mais je n’abandonnerai que lorsque je n’aurais plus aucun chemin à proposer à Bouchon. Et pour le moment, j’ai plutôt de la chance : celui des écoliers semble lui convenir…