Dans ce troisième billet, j’avais l’intention d’évoquer la réaction des frères et sœur du Bouchon à l’annonce de son autisme. Mais samedi matin, j’ai été confrontée à un événement inattendu qui m’a obligée à changer l’angle de cet écrit : mon Bouchon a dit « Maman » pour la première fois…
Il était là, debout sur la première marche de l’escalier à secouer comme un prunier la barrière qui l’empêche de monter. Il criait parce qu’il n’était pas content que son envie de grimper dans la salle de jeux soit entravée par un morceau de bois. Bref, rien d’inhabituel… Jusqu’à ce qu’il arrête de râler et de martyriser la barrière. Le silence… C’est déjà pas normal pour un enfant typique, mais dans le cas d’un enfant autiste, c’est plus que pas normal : c’est inquiétant !! J’ai passé la tête pour regarder ce qu’il faisait… Toujours debout sur sa marche, il ne bougeait plus… Et c’est là que facta est lux… Il m’a regardée, a dit calmement « Maman » et m’a souri…
Je n’ai jamais été du genre extatique avec mes enfants. Je ne suis pas de ces mères qui restent bouche bée d’émotion quand sa progéniture fait quelque chose de nouveau… Suis plutôt du genre : « Oui ben c’est dans l’ordre des choses« … Je félicite, j’encourage, je suis contente mais quand ils ont dit « Maman » pour la première fois, je n’ai pas appelé mon père, ma mère, mes frères et mes sœurs pour leur dire à quel point « Oh Oh c’est le bonheur« … Ca m’a touchée mais pas mise au bord des larmes… J’ai été plus émue quand ma fille m’a un jour avoué : « tu sais, j’ai bien vu que tu es différente des autres mamans avec tes robes à fleurs et tes chaussures de toutes les couleurs… Mais j’aime bien que tu sois bizarre ». Ou quand mon fils dit qu’il se trouve beau parce qu’il me ressemble…
Tout ça pour dire que le premier « Maman » énoncé par mes chères têtes blondes m’a fait tanguer mais jamais chavirer. Et samedi matin, pourtant, j’ai coulé corps et biens quand j’ai entendu mon Bouchon articuler ces deux syllabes. Je ne m’y attendais pas mais surtout je ne m’y suis jamais attendue : je ne sais pas si Bouchon parlera un jour. Il a quand même 3 ans et n’a jamais prononcé un mot. Il est peut-être de ces autistes mutiques qui ne voient pas l’intérêt de parler.
Peut-être aussi parlera-t-il un jour et tout le temps… Comme les 3 autres ( pour ma santé mentale, il vaut mieux qu’il parle juste ce qu’il faut !! ). Je ne sais pas et je ne me projette pas. Je n’attends rien de lui. Je laisse venir les choses. Et je me rends compte que des 4, il est celui qui me surprend le plus. Pourtant, je peux vous dire que ses aînés se posent là dans le genre surprises !!
Et je me suis surprise également… Jamais je n’ai pensé qu’un jour ce mot que ses frères et sœur utilisent à tout bout de champs, pour tout et n’importe quoi, tout le temps, toujours, à la moindre occasion, que j’aimerais parfois qu’ils abandonnent dans les méandres de leur cerveau qui fonctionne à la vitesse de la lumière (je suis médisante… Ils disent aussi Papa mais enchaînent direct avec un « elle est où Maman? » !!!)… Ce mot-là dit par le Bouchon m’a mis le cœur au bord des yeux… Et j’avoue, j’ai été égoïste : je n’ai pas partagé tout de suite cette nouvelle avec son père… J’ai savouré seule le moment : je l’ai regardé, j’ai essayé de ne pas pleurer (pour qu’il n’associe pas le fait de dire Maman à une conséquence négative sur moi…eh oui on en est là!!)), j’ai souri à mon tour et j’ai répondu à sa demande… Faut pas rêver : il n’a pas dit Maman pour mes beaux yeux; il voulait quelque chose de moi… Et c’est peut-être là le plus important : il m’a sollicitée… Ce que ne font pas naturellement les autistes…
Dans la journée, je me suis dit que peut-être je m’étais trompée, que peut-être j’avais entendu ce que je voulais entendre… Et finalement, après une courte, très courte réflexion, j’en suis venue à la conclusion suivante : même si ce matin-là le Bouchon n’a pas fait exprès de dire Maman, même s’il ne le dit plus jamais, honnêtement je m’en fous royalement. Parce que pour moi, ce samedi 10 février 2018, à 9h17, mon fils autiste de 3 ans m’a regardée, a dit « Maman » et m’a souri…