Je suis une ex-maman fantôme

J'étais la maman qui n'accompagnait ses enfants à l'école qu'une fois par semaine, au prix d'un accord avec ses chefs. Et qui n'allait jamais les chercher. J'étais la maman qui oubliait de ramener le cahier de dessins à la maîtresse pendant deux mois et de signer les mots pour les sorties. J'étais la maman qui dit "Non, je ne viendrai pas à la lecture de contes pour les tout-petits", "ah bon, mon mari ne vous a pas donné les 3 euros?" (toujours se défausser) ou "Ah merde, c'était vendredi dernier la fête de la crèche ?" J'étais la maman qui prend "doudou gros" dans son sac pour tenir la main de sa petite sur le chemin de l'école et qui part au boulot avec le lapin en peluche. J'étais de la lose.

Evidemment, même quand je prenais une RTT, j'avais dix millions de trucs à faire. Mais quand j'arrivais en retard parce que le coiffeur avait pris plus de temps que prévu, je ne pouvais pas vraiment m'attendre à de la compassion de la part des pro de la petite enfance (En même temps, qui a envie d'avoir des poignées de cheveux blancs à 35 ans?).

Culpabilité

Pourtant, à l'école et à la crèche, tout le monde était très gentil avec moi. Mais je ne pouvais pas m'empêcher de trouver les sourires de certaines salariées un peu figés. Du genre qu'on accorde aux malades ou aux gens atteints de folie légère. J'avais l'impression de lire sur une pancarte géante : "NON, JE NE VOUS JUGE PAS" qui signifiait tout le contraire. Ça s'appelle la culpabilité.

Qu'est-ce qui a changé ? J'ai déménagé. Je n'ai plus deux heures de transports par jour mais un peu plus d'une heure (oui, il faut être parisien pour trouver que j'ai de la chance). J'amène désormais mes enfants à l'école quatre jours par semaine. Je me mets le stress pour signer les mots dans le cahier du correspondance. Je me suis même portée candidate pour accompagner la classe de mon fils à la ferme le 15 avril (putain, j'espère que je ne vais pas être malade dans le bus).

La leçon : une heure par jour suffit donc à détruire l'estime qu'on a de soi-même. Je n'étais qu'une usurpatrice, une menteuse, une mère pas au niveau qui courait après tout. En réduisant mon temps de transport, je suis devenue une maman assez dans la moyenne. Pour un peu, j'aurai voté aux élections de parents d'élèves. Bref, une heure de moins dans la haine quotidienne du métro parisien suffit à se sentir légitime.

Aujourd'hui, quand je lose encore, ça me paraît bien moins grave. Si j'oublie doudou gros, je dis à ma fille qu'elle peut très bien vivre sans. Et il faut avouer que j'ai moins l'occasion d'arriver à la bourre : mes enfants sortent une demi-heure plus tard. De toute façon, je n'y suis qu'une fois par mois, à la sortie de l'école. Ben oui, faut pas que ça change trop vite, sinon, je vais avoir des problèmes d'identité.

Les WC, en toute intimité

Marre d'avoir un koala scotché à la jambe et un grand dadais qui vous demande pour la huitième fois comment Yoda peut être le plus fort des jedis ? ("C'est incroyable, hein, maman, c'est incroyable !") Une envie pressante de vous isoler et de n'être plus dérangé par personne ? Le simple usage de l'expression "envie pressante" pourrait laisser penser que la solution se trouve au petit coin. NON. Les toilettes ne sont pas l'ami de la maman. Ne pensez pas que vous pourrez enfin avoir cinq minutes à vous, même s'il ne s'agit que d'uriner en paix.

Ça commence quand ils sont encore bébés. Ils se mettent à hurler dès qu'ils perdent le contact visuel. Faut-il tenir bon ou ouvrir la porte pendant qu'on a la culotte sur les genoux ? On se retrouve en général dans un entre-deux absurde, à gazouiller à travers la porte fermée sous prétexte que l'enfant hurle de l'autre côté dans son transat.

Puis quand ils se mettent à marcher, soit ils tambourinent sur la porte comme des damnés, soit on a terriblement envie de l'ouvrir de toute façon parce qu'on soupçonne l'enfant d'être en train de siffler la bouteille de Soupline en douce.

Puis ils grandissent et on se dit qu'on a enfin gagné le droit de pisser tranquille. Erreur. C'est sans compter sur l'habileté de mon fils à déverrouiller les portes de l'extérieur. Résultat, quand je suis aux toilettes et que mon fils veut absolument me dire quelque chose, je lui trouve un air de Jack Torrance, dans Shining.

 

En fait, ma fille est une championne

Je crois que je prends ces histoires de maladies d'enfant trop à cœur. Après tout, ma fille est une forme de phénomène en soit. Rhino-pharyngite-laryngite-gastro-entérite-bronchite... Et désormais re-relaryngite et otite en quinze jours, peu d'enfants peuvent se targuer d'un palmarès si fourni. Certes les parents se parlent désormais par onomatopées et cherchent un médecin qui prenne la carte de fidélité. Mais finalement ma fille est une championne d'un genre nouveau. Virus et bactéries. Et quel père et quelle mère d'athlète de haut niveau ne donne pas un peu de sa personne pour atteindre ce degré d'exception ?

Ces quinze derniers jours ressemblent un peu à un festival, un feu d'artifice (et j'espère le bouquet final). Remplacer chaque nom de maladie par une figure de gymnastique et vous obtenez un enchaînement de haut vol. Un peu comme la première ligne d'un gymnaste. Il ne reste plus qu'à rêver de ces applaudissements.