Crédit : Emma Defaud

Ceci est un au revoir

J'ai encore tant de choses à partager avec vous. Je voulais vous parler des réunions de parents d'élèves et du nœud que j'ai au ventre quand j'entends la maîtresse parler des devoirs que je ne pourrai pas faire avec mon enfant. Je voulais raconter les catalogues de Noël découpés par mes monstres depuis plus d'un mois, dont je chasse les chutes qui jonchent le parquet de mon salon. J'avais prévu un post sur les activités périscolaires, comme ces mamans qui sont au bord de l'orgasme quand elles accompagnent leur fille à la danse.

Il n'y a pas une semaine où je n'écrive pas un billet dans ma tête quand je suis dans les transports ou quand je lance une énième machine après une nouvelle bataille contre les poux.

Mais ma vie a changé. J'ai commencé un nouveau job (encore un fois) dans une rédaction pas si nouvelle que ça. Je rentre un peu plus tard, je pars un peu plus tôt. Et puis, je commence à vouloir écrire sur d'autres thèmes. Est-ce la peine de regarder ce blog se déliter peu à peu et perdre de sa substance ?

Je me suis résignée à mettre un point final à cette extraordinaire aventure. Après 300 posts, 3470 commentaires et un peu plus d'un million de pages vues, ces deux dernières années.

Internet nous apprend que nous ne sommes jamais uniques. Et jamais seules. Tapez "collection de gommes" dans Youtube et cent gamines vous montrent leurs joyaux multicolores. Enthousiasmez vous pour le premier telecrochet et des dizaines de pages Facebook attendent vos commentaires. Écrivez "mauvaise mère" et découvrez qu'il y a des mamans qui doutent, culpabilisent, se battent. J'ai été heureuse de vous rencontrer.

J'ai aussi aimé lire vos commentaires, vos coups de gueule, vos soutiens. Alors j'aimerais vous proposez de continuer de les écrire et de les proposer sur Express Yourself, où chaque internaute peut raconter son expérience et, s'il est retenu par la rédaction, trouver sa place dans la rubrique Enfants de l'Express Styles (ou une autre, selon le thème). C'est ici que j'espère bientôt sourire en découvrant vos anecdotes et vos conseils. A moi de devenir votre lectrice.

Emma

PS : Et sinon, ma copine de livres, Nadia Daam, a d'ailleurs repris sa plume au vitriol pour défoncer les pianos et remettre à leurs place les inconnus qui touchent le ventre des femmes enceintes. A suivre avec délice.

"Vous êtes bien sur le portable de ma maman, hihihi"

Il y a ceux qui mettent la photo de leur enfant en "profile picture" sur Facebook, et il y a ceux qui font enregistrer leur message d'absence à leur enfant sur leur téléphone. J'ai toujours combattu la première catégorie et j'appartiens avec délice à la seconde.

Ma fille n'avait que 2 ans quand elle a enregistré mon message actuel. Depuis elle a grandi, et avec elle, ma nostalgie des mots de bébé encore mal prononcés. Je n'ai jamais eu le cœur à effacer le message. Même il y a deux ans, quand j'étais en cours de recrutement par mes boss actuels. Même en début d'année, quand mes collègues m'ont décerné le prix de "la pire messagerie de la rédaction". Même hier, quand la conseillère du ministre de l'Economie m'a laissé un message. C'est donc hier que j'ai admis qu'il y avait un hic.

Il est donc temps que je cesse de me servir de ma fille mineure comme d'une hôtesse d'accueil en ligne. En guise d'enterrement, je laisse son message ici. RIP.

 

Ce blog est en sursis

Ce blog est en sursis. D'accord, j'ai déjà fait mon coming-out : je ne suis plus tout à fait une mauvaise mère. Mais ce blog est en danger pour une autre raison. Le temps qui passe et qui fait grandir mes enfants. Alors qu'hier mon fils était encore ce bébé glouton qui me réveillait à 6 heures du matin et vomissait dès qu'il toussait, c'est aujourd'hui un joli petit garçon à lunettes qui a appris à lire et est obsédé par le jeu Angry Bird Star Wars (oui, un esprit maléfique et mercantile a pensé à réunir les deux EVIDEMMENT).

Déjà, je suis obligée d'expliquer à mon enfant pourquoi je passe plus de temps que lui devant un écran ("Pourtant maman, tu me dis que les écrans, ça rend le cerveau liquide non ?"). Bientôt, il sera en mesure de déchiffrer ce que j'écris sur lui. Et, dans trois ans, il googlisera mon nom et découvrira que j'ai tenté de m'enrichir en riant de lui dans un livre ou deux (et qu'en plus, j'ai lamentablement échoué à gagner beaucoup d'argent). Que se passera-t-il à ce moment-là ? Benoît, un lecteur adepte du site jeuxvideo.com, m'avait écrit il y a quelque temps pour me le demander :

"Comment pensez-vous qu'ils vont prendre tout ce que vous pouvez écrire sur eux et sur les enfants en général ? Ils vont finir par grandir suffisamment pour aller sur internet seuls et donc voir que leur mère, et aussi leur père dans une moindre mesure, ont admis aimer moins leurs enfants quelques fois et qu'ils ont été exaspérants dans certains cas. Selon le moment où ils vont le découvrir, cela pourrait être relativement terrible pour eux, non ?"

Terrible angoisse. Il est certain qu'un jour mes enfants passeront au crible toutes les notes que j'ai écrites sur eux. Il faudra peut-être que je supprime ce blog pour éviter de leur faire trop de peine, une vanne au second degré n'étant pas toujours très accessible aux moins de 18 ans (y'a qu'à me voir aujourd'hui, j'ai encore beaucoup de mal à comprendre). J'imagine la prise de tête au repas du soir en mode : "Comment as-tu pu écrire que je me perçais les boutons !" En imaginant qu'il y ait encore des repas du soir. Sans parler des potes qui vont débusquer l'anecdote de ses 2 ans et demi pour le couvrir de honte.

Récemment, mon boss me demandait si je connaissais des blogs de maman d'ado, et je me suis rendu compte que je n'en avais jamais entendu parler. Certainement parce que je n'en suis pas encore à ce stade. Mais aussi... Va raconter la vie de tes mômes alors qu'ils sont en mesure de stalker tes faits et gestes en ligne, voire de hacker tes comptes.

C'est donc une certitude, ce blog est en sursis. Un jour prochain, pas encore daté, je devrai cesser d'écrire pour ne pas les empêcher de vivre leur propre vie. Dans l'idéal il faudra aussi que je supprime ce que j'ai déjà écrit.

Adolescente, j'ai eu un journal intime. J'ai, dans un carton, une dizaine de cahiers qui racontent mon émoi en croisant un certain garçon dans les couloirs du collège, mes disputes avec mes copines, la première fois que j'ai fait le mur, les livres que j'ai préférés, le jour de mon dépucelage ou ma dérive après m'être fait larguer. J'y ai disséqué mon quotidien pour tenter de le comprendre, de le dépasser aussi, et enfin de m'en souvenir sans mensonge.

Alors, au fond de moi, je ne peux pas m'empêcher d'espérer que mes enfants se foutent de mon blog, puis qu'ils comprennent que ce journal pas très intime est la chronique d'un long et passionnant apprentissage de mon rôle de mère. De la façon dont j'ai tenté de comprendre cette nouvelle identité, de la dépasser et de m'en souvenir.