Le club des warriors

On a toutes une ou deux amies exceptionnelles qui ont accouché sans péridurale, sans qu’on sache si ça relève du courage ou de la folie. Ma copine bio (les couches lavables, c’est elle) avait choisi sa maternité en fonction de ça. «Je pourrai accoucher accroupie ou debout, et sans péridurale.» Parce qu’accoucher accroupie, c’est vachement plus naturel qu’allongée, rapport à l’expulsion.

Mon autre amie warrior n’a pas eu le choix, elle. Elle a mis bas en Slovénie, et là-bas, ils ne la pratiquent pas, la péridurale. Une anesthésie pour un accouchement, mais pour quoi faire madame? Un antalgique après l’épisio, mais pour quoi faire madame?

infirmiere.jpgQuand même, j’aimais bien cette idée d’un accouchement naturel. C’est plus rapide, on a une totale maîtrise de la chose, et je connaîtrai peut-être les joies de l’orgasme de la naissance. Moi qui fantasme sur l’allaitement longue durée (rendue impossible en raison de mon alcoolisme larvé, quel dommage) et la préparation à l’accouchement par le yoga, ça me parle, les choses naturelles.

Et ben la semaine dernière, j’aurais baisé les pieds de n’importe quelle personne venue m’annoncer une césarienne, là, dans la minute. Après un déclenchement, vingt-quatre heures de contractions et une nuit blanche, le scalpel me semblait la façon la plus naturelle de mettre fin à mon calvaire. D’ailleurs, Rachida Dati s’en est très bien sortie.

Parce que de péridurale, il n’était d’abord pas question : mon col (de l’utérus, pour ceux qui ont du mal à suivre) était toujours fermé. Alors, j’ai continué à insulter la terre entière et un peu le futur papa quand il m’a proposé de «serrer sa main quand j’avais mal». J’ai aussi souhaité une colite hépatique à mon beau-père quand il a téléphoné pour me demander de me retenir jusqu’au lendemain, comme ça, la petite naîtrait le même jour que son arrière-grand-mère.

Puis quelques (longues) heures plus tard, quand je suis descendue en salle de naissance, la sage-femme a fait «oups».  Finalement, j’étais dans la dernière phase du travail. «On peut faire ça toutes les deux très rapidement», m’a-t-elle susurré, excitée à l’idée de faire un accouchement naturel (ou d’être libérée pour l’heure du déjeuner, va savoir). NAAAAAN, je veux la péridurale, je veux la péridurale. Parce qu'elle est gentille quand elle dit «toutes les deux», mais c'est pas elle qui est sur la table.

Finalement, ils n’ont jamais eu le temps de me poser l’anesthésie. Il ne me restait plus qu’à « libérer la femme sauvage qui est en moi », comme disait ma prof de yoga. Alors j’ai poussé mes cris de guerrière en répétant «C’est pas mon choix, moi, je voulais la péridura-a-a-a-le».

Voilà comment j’ai rejoint le club des warriors. Sans le vouloir.