Je suis une ex-maman fantôme

Le métro = l'endroit où je passais ma vie © flickr / chrisyuncker

J'étais la maman qui n'accompagnait ses enfants à l'école qu'une fois par semaine, au prix d'un accord avec ses chefs. Et qui n'allait jamais les chercher. J'étais la maman qui oubliait de ramener le cahier de dessins à la maîtresse pendant deux mois et de signer les mots pour les sorties. J'étais la maman qui dit "Non, je ne viendrai pas à la lecture de contes pour les tout-petits", "ah bon, mon mari ne vous a pas donné les 3 euros?" (toujours se défausser) ou "Ah merde, c'était vendredi dernier la fête de la crèche ?" J'étais la maman qui prend "doudou gros" dans son sac pour tenir la main de sa petite sur le chemin de l'école et qui part au boulot avec le lapin en peluche. J'étais de la lose.

Evidemment, même quand je prenais une RTT, j'avais dix millions de trucs à faire. Mais quand j'arrivais en retard parce que le coiffeur avait pris plus de temps que prévu, je ne pouvais pas vraiment m'attendre à de la compassion de la part des pro de la petite enfance (En même temps, qui a envie d'avoir des poignées de cheveux blancs à 35 ans?).

Culpabilité

Pourtant, à l'école et à la crèche, tout le monde était très gentil avec moi. Mais je ne pouvais pas m'empêcher de trouver les sourires de certaines salariées un peu figés. Du genre qu'on accorde aux malades ou aux gens atteints de folie légère. J'avais l'impression de lire sur une pancarte géante : "NON, JE NE VOUS JUGE PAS" qui signifiait tout le contraire. Ça s'appelle la culpabilité.

Qu'est-ce qui a changé ? J'ai déménagé. Je n'ai plus deux heures de transports par jour mais un peu plus d'une heure (oui, il faut être parisien pour trouver que j'ai de la chance). J'amène désormais mes enfants à l'école quatre jours par semaine. Je me mets le stress pour signer les mots dans le cahier du correspondance. Je me suis même portée candidate pour accompagner la classe de mon fils à la ferme le 15 avril (putain, j'espère que je ne vais pas être malade dans le bus).

La leçon : une heure par jour suffit donc à détruire l'estime qu'on a de soi-même. Je n'étais qu'une usurpatrice, une menteuse, une mère pas au niveau qui courait après tout. En réduisant mon temps de transport, je suis devenue une maman assez dans la moyenne. Pour un peu, j'aurai voté aux élections de parents d'élèves. Bref, une heure de moins dans la haine quotidienne du métro parisien suffit à se sentir légitime.

Aujourd'hui, quand je lose encore, ça me paraît bien moins grave. Si j'oublie doudou gros, je dis à ma fille qu'elle peut très bien vivre sans. Et il faut avouer que j'ai moins l'occasion d'arriver à la bourre : mes enfants sortent une demi-heure plus tard. De toute façon, je n'y suis qu'une fois par mois, à la sortie de l'école. Ben oui, faut pas que ça change trop vite, sinon, je vais avoir des problèmes d'identité.