Quand mon téléphone me chuchote que je suis une mauvaise mère

C'est ma semaine de célibat. Je travaille à Paris pendant que les enfants et leur papa sont à la campagne. Je les rejoins ce week-end pour aller au fucking parc Astérix.

Donc, c'est ma semaine de beuverie. Je vois des copains le soir, je consomme beaucoup trop d'alcool, je m'écroule sur mon lit, le matin, je me douche et je repars travailler. [Note à caractère interne : chers collègues, si vous lisez ce post de blog, sachez que tout ceci est complètement faux, n'est-ce pas. Ça fait partie de mon personnage de blogueuse, c'est tout. Si, si. Maman aussi, je t'assure].

Pour faire bonne figure, j'appelle mes enfants avant l'apéro. Mais hier, j'ai manqué ma fille. Et je n'ai pas entendu mon portable. J'ai découvert son message le lendemain matin. Et le remord de la mauvaise mère m'a puissamment étreint.

Mise à jour : 17 heures. Je téléphone sur le lieu de vacances de mes enfants. Je demande à parler à ma fille qui rentre du zoo et se mate un dessin animé. Ma gnome est très absorbée : "Nan, j'ai pas trop envie, merci." Je crois qu'elle s'est remise.

Ce que vous sacrifiez en ayant des enfants

Quand j'étais enceinte de mon premier enfant, les "adultes" me répétaient : "La vie ne sera plus jamais pareille après." J'étais assez d'accord. Une fois le marmot sorti, je pourrai de nouveau boire de l'alcool, voilà ce qui allait changer.

C'est l'époque où on se dit que la bête va faire à peu près 50 cm et que 50 cm ça ne devrait pas prendre trop de place à la maison. Vous mesurez cinquante centimètres entre vos deux mains et vous dites : "Je pourrais le mettre là, ou là, ou là" en montrant des coins de la pièce.

Sept ans plus tard, je me demande surtout quelle place mes enfants n'ont pas prise. Dans l'introduction de son dernier livre, Marlène Schiappa demande : "Qu'avez-vous sacrifié pour vos enfants ?" Et là, j'ai une liste intarissable qui me vient à l'esprit. La musique (j'écoute deux nouveaux albums par an maximum), le cinéma (s'enthousiasmer du dernier film diffusé sur NT1 n'a pas beaucoup de charme pour mes hipsters de collègues), les bouquins...

Mais si les funérailles n'étaient que culturelles, finalement, j'aurais encore de la chance. J'ai aussi renoncé aux grasses mat', au silence, à la curiosité, aux rêveries, aux parties de jambes en l'air dans la journée, à glander, à l'ennui.

kingoorooOù l'on découvre que la vie est pleine d'une course perpétuelle. Et quand il nous reste du temps, on en profite pour faire tourner une machine. A la fin de la journée, vous ramassez mentalement dans une pelle les poussière de minutes que vous avez eues à vous. Il vous reste un peu plus d'une heure avant d'aller se doucher, se coucher, préparer la journée de demain...

A mesure que les enfants grandissent, je retrouve certaines zones de libertés. Ils jouent ensemble et j'ai une heure pour écrire, on sort au parc et je zone sur mon smartphone. Dimanche dernier, on est allé à l'Acrochat, sorte de mini parc d'attractions avec parcours du combattant. Les enfants s'épuisent dans les jeux et les parents se calent dans un fauteuil, écouteurs aux oreilles, téléphone ou bouquin à la main. De temps en temps, un enfant revient en pleurs parce qu'il s'est fait mal, on fait un bisou et il repart. On gagne trois heures de tranquillité. Enfin, tranquillité... Si un volume moyen de 120 décibels ne vous gène pas. Si vous ne vous formalisez pas du fait que les enfants des autres vous escaladent comme un vulgaire cheval d'arçon parce que le chemin est visiblement plus court quand il passe par vous. Si vous vous baissez assez rapidement pour éviter de vous prendre la piñata dans la gueule au moment de l'anniversaire des voisins.

La voila donc la tranquillité des parents. Qu'ai-je donc sacrifié à mes enfants ? La possibilité de se concentrer plus de 10 minutes.

Quand AIr France imagine qu'un enfant prend l'avion, ça a l'air vraiment tranquille.

Je me suis fait des films dans l'avion

Pour les dernières vacances, j'ai pris un avion direction la Réunion afin d'oublier cet hiver de merde, les vacances de Noël pourries par ma championne du monde des maladies, et mettre le boulot loin, très loin de moi, pour ne pas être tentée de rester connectée. Le problème, c'est qu'avant de suer à grosses gouttes et de plonger dans la piscine, il y a 11 heures de vol avec deux monstres de 4 et 6 ans. Mais ça n'a pas suffi à doucher notre enthousiasme de parents. Grâce au cinéma. Sur ces longs courriers, chaque siège possède son petit téléviseur et on peut sélectionner plein de films dont un paquet qui vient de sortir. De quoi se refaire une crédibilité culturelle bien entamée par la parentalité. Lincoln, Hitchcock, L'Odyssée de Pi, Happiness Therapy... J'avais concocté mon programme pour le vol aller.

Le plan était simple. Les gaver de sucreries et de télévision. On allait les autoriser à bouffer les bonbons de leur plateau-repas et leur coller les écouteurs pour qu'ils matent plein de dessins animés. Au bout d'un moment, ils s'évanouiraient de fatigue, la bave aux lèvres, et on passerait une longue soirée tranquilles.

Spirit.captured

Le plan ne s'est pas déroulé comme prévu.

D'abord, il y a les émotions. Le peur : le cheval dans Spirit est poursuivi et va être capturé ! Il faut en parler avec maman, faire un câlin, débriefer. L'indignation : les cow-boys sont vraiment trop méchants. Nouveau débriefing. L'incompréhension : Ralph est vraiment dans un jeu vidéo ? Mais pourquoi il sent mauvais de la bouche ? L'insatisfaction : Non, j'aime pas, j'ai trop peur, mets moi un autre dessin animé. L'incompétence : comment on monte le son ? Comment on change de chaîne ? Comment je rebranche mon casque ? Comment on range la télécommande ? Les voisins : madame, si vous pouviez dire à votre fille d'arrêter de donner des coups dans mon fauteuil. Et les jeux vidéo, qu'on peut choisir à la place d'un film : comment on joue ? Finalement je ne veux pas ça. Comment on joue ? C'est nul, je veux autre chose. Comment on joue ? Comment on joue ? Comment on joue ?

PUTAIN ET COMMENT ON LES DEBRANCHE LES GAMINS ?

Finalement, j'ai vu le début de deux films pas terribles, après j'ai failli voir un film pas mal en entier, mais mon fils a appuyé sur avance rapide pour les deux dernières scènes. J'ai eu envie de le faire voyager en soute, avec les chats, j'ai renoncé, j'ai cherché mon cache-yeux et les loulous se sont endormis en bavant sur moi. Je m'étais fait des films : j'ai cru que j'allais être tranquille dans l'avion.