Les homos, ces parents qui ne seront "ni meilleurs, ni pire" que "les gens normaux"

Le discours date d'il y a un mois, mais c'est maintenant, après les slogans de la 'Manif pour tous' de dimanche, qu'ils raisonnent le mieux. Le 13 décembre, la philosophe Elisabeth Badinter a pris la parole en commission des lois pour défendre le mariage et l'adoption pour les couples homos, "des couples qui ne seront ni meilleurs, ni pire que les autres".

Deux jours après la manif des opposants à la loi, je suis encore stupéfaite par leur raisonnement, par l'emploi du terme "normal". "Les gens normaux d'abord", disent-ils. Quand on fréquente un peu les services sociaux, on s'étrangle d'horreur en voyant ce sont sont capables les "gens normaux". Et puis, ces "gens normaux", c'est exactement ceux qui m'ont expliqué comment je devais faire, les petits plats qu'ils préparent à leurs têtes (souvent) blondes, le temps partiel que les mamans prennent pour amener leurs enfants aux activités extra-scolaires. Ils pensent que la maman et le papa ont un rôle différent et surtout, toujours le même. Alors, comme Elisabeth Badinter, je voudrais leur faire passer un message qui est aussi valable pour eux :

 "Ce n'est pas parce qu'on devient mère ou père qu'on devient bon parent. Ce n'est pas parce qu'on a mis au monde un enfant qu'on est dotée de l'hormone de l'instinct maternel. Et ce qui est vrai de la mère est également du père. (...) La parentalité hétérosexuelle n'est pas la panacée à travers le monde. Pourtant nul ne pense à demander des comptes à des futurs parents hétérosexuels. Combien d'enfants naissent encore par accident ou pour se conformer à un modèle social ? (...) C'est aussi l'honneur d'une démocratie de ne demander pas des comptes aux individus sur leur vie intime et de ne pas imposer je ne sais quel modèle parental. C'est pourquoi je pense que ce principe doit s'appliquer à tous."

La vidéo sur la PMA et la GPA citée à la fin est visible ici.

Sinon, j'avais rencontré un couple de papas et raconté leur expérience ici.

Faut-il croire que les Françaises sont des super-mamans ?

Le bébé de ma copine a fait ses nuits avant mon bébé. Oui, mais le mien a marché avant le sien. Oui, mais le sien sait baragouiner plus que trois mots. Oui, mais le mien ne mange pas comme un animal.

C'est un réflexe complètement humain : quand on est voisins, on se compare. C'est ce qui est arrivé à l'Américaine Pamela Druckerman, qui publie Bébé made in France. Quels sont les secrets de notre éducation (version traduite de son best-seller en anglais). Sauf qu'elle n'a pas trouvé grand-chose pour faire peser la balance de son côté. L'Amérique était battue à plates coutures. Alors faut-il vraiment croire que les Françaises ont une leçon à transmettre au monde en matière d'éducation (et sur tous les autres sujets d'ailleurs) ?

Enfiler les perles

Sans surprise, je ne me reconnais pas une seconde dans ce portrait de la Française. Rien de plus normal puisque c'est en réaction à ces mères parfaites qui géraient parfaitement leur progéniture parfaite que j'ai écrit Mauvaises Mères en 2008 avec Nadia Daam et Johana Sabroux. Nous, nous n'y arrivions pas. La grossesse était un calvaire, les enfants ne dormaient pas et nous collaient la honte au restaurant. Comme Pamela Druckerman, je devrais donc penser que la majorité de mes compatriotes possèdent un don qui m'échappe (un gène pourri qui doit traîner quelque part, je suppose).

Le livre version américaine (c) AFP

Mais non. J'ai plutôt l'impression qu'on est dans un monde qui adore enfiler les perles, façon Edith Cresson. "Les Japonais sont des fourmis", "les Anglais sont tous homosexuels", etc. Un an plus tôt, une autre Américaine d'origine chinoise, Amy Chua, assurait que "les mères chinoises étaient supérieures", affichant la réussite insolente de ses enfants après une éducation à la schlague.

La fin de l'enfant roi

En filigrane apparaît alors un point commun. La fin de l'enfant roi à qui l'on cède tout. Oui, bien élever, ce n'est pas faire plaisir à sa merveilleuse tête blonde. C'est lui apprendre à respecter les contraintes, et avant tout la vie des autres, et en premier lieu la liberté de sa mère. Ce sont les parents qui décident, il faut arrêter le pipeau du style "l'enfant sait". L'enfant ne sait rien du tout et c'est moi qui fixe les limites, même si c'est parfois bien plus dur que de laisser couler.

Je soupçonne fortement Pamela Druckerman et Amy Chua du même penchant : forcer le trait. Trouver l'image qui va marquer (les salsifis en hors-d'œuvre, vraiment ? Viens dîner chez moi, Pamela). Parce que c'est sympa, les clichés, les gens comprennent bien, on résume la situation en une phrase du type "les Japonais sont des fourmis". Forcer le trait, coller à une tendance, c'est un peu ce que je me refuse à faire. Même quand c'est pour coller au cliché contraire.