Toi aussi, troque ton goûter

Savane, speculoos, tartelettes... Ces gâteaux qui étaient inexistants l'année dernière à la maison pullulent désormais dans mes placards. Non, je ne fomente pas une version kids de SuperSize Me mais, depuis la rentrée, je dois préparer le goûter de mon petit CP. Grosse angoisse. Moi qui suis incapable de rendre un cahier de correspondance en temps et en heure, il allait falloir que je concocte une goûter-box tous les jours de la semaine. J'ai donc troqué les tartines pour les premiers gâteaux à l'huile de palme venus, avec l'impression de concourir au prix de la meilleure maman de Wisteria Lane.

Mais c'est plus compliqué que ça. Les enfants comptent. Et j'ai bientôt su que Jasper avait "trois choses" et mon fils que deux. Que les Savane de Charlie s'avéraient bien plus cool que mes palets bretons. Que la compote pomme-abricot, c'était "tellement pas bon" que ça ne s'échangeait même pas dans la cour de récré. Car la récré de quatre heures et demie, c'est un peu la station de métro Jean-Jaurès au début des années 2000 : un vaste terrain de deal.

Deal de came

Mais ici, les prix du marché ne fluctuent pas selon la qualité des ingrédients ou leur goût, mais selon une logique gardée bien à distance des parents et visiblement basée sur un rapport au gras et au sucré. J'ai fini par comprendre que je ne percerai jamais les secrets de leurs échanges de came. Ce qui se passe à la récré du goûter doit visiblement rester à la récré du goûter.

Pour autant, j'ai excellé à la préparation du quatre-heures, jusqu'à la mi-avril où ça m'est totalement sorti de la tête. De quoi crucifier une Bree Van de Kamp aux grilles de l'école élémentaire. Dans l'échelle de la mauvaise-mère attitude, c'est juste en dessous d'arriver en retard à l'école et de récupérer son gamin dans le bureau de la directrice. Mais ça ne m'a pas déprimée, j'étais même tellement fière. Je n'aurais jamais pensé faire un sans-faute aussi longtemps. Le lendemain, j'ai mis un savane de plus, pour le petit copain qui l'avait dépanné. C'est pas aussi dur que je le pensais.

Se faire téter par un homme à la télé, comment dire...

Les images datent de la fête des mères et on ne cesse de me les envoyer. On y voit un animateur de télévision hollandais téter une mère qui a remonté son tee-shirt pour tirer son lait. L'animateur vient à sa rencontre.

"- Quel goût a le lait maternel? C'est plutôt doux, non? Je ne pourrais probablement pas le tester, aurait dit Paul De Leeuw selon le site 7sur7.

Si tu ne mords pas, tu peux le goûter chez moi", répond la dame.

L'animateur en aurait conclu que c'était "vraiment très bon!", après avoir testé les deux seins, des fois qu'il y en ait un vanille et un chocolat.



Je ne doute pas que les amis de la Leche League vont encore se faire défoncer puisque tout ce qui concerne l'allaitement finit en guerre de tranchées (La volontaire est quand même entourée de femmes qui ont des tire-lait qui leur pendent aux seins, l'image est assez folle).

Pourquoi cela serait-il choquant ? Parce qu'elle allaite au vu de tous ? J'ai déjà allaité dans les lieux publics, mais c'est vrai que je n'ai pas repris mon chemin en oubliant de remettre mon tee-shirt - oups.

Quant à goûter du lait maternel, il faut bien avouer que c'est trop tentant pour ne pas essayer. Bien sûr, j'ai testé. C'est un peu plus écœurant que le lait de vache. Et la plupart des parents que je connais ont également goûté.

Non, ce qui est pathétique, c'est que l'animateur choisit de téter les seins de la volontaire alors qu'il est entouré d'une dizaine de biberons de lait maternel. La provocation, c'est de rendre sexuel un sujet sous prétexte qu'il y avait le mot "sein". Et là, on est pas prêt d'avancer.

L'émission n'en est de toute façon pas à son coup d'essai et, quelques jours plus tard, elle remettait ça en grimant deux acteurs pour en faire des sosies des meurtriers au hachoir de Londres. Quand l'animateur présentait les personnages, les deux hommes agitaient leurs couteaux et leurs mains ensanglantées. Bienvenue dans l'usine du bon goût.

 

Doit-on dire à sa fille qu'elle est belle ?

(Ce post est un peu le 2e volet de "Au secours, ma fille a les jambes de Lucky Luke")

J'avais juré-craché, je m'étais moquée, j'étais tellement sure de moi... Pas de rose, pas de fleurs, pas de nœud-nœud... Pas de dépenses inutiles dans les fringues et surtout, surtout, pas de compliment sur le physique. Ma fille serait fière de son cerveau, de ses talents, avant d'être satisfaite de sa chute de rein. Une tribune d'une féministe américaine m'avait confortée dans cette idée. Dans "Comment parler aux petites filles", elle racontait qu'elle ne complimentait pas une fillette sur sa robe mais lui demandait ce qu'elle lisait comme livre en ce moment. Une histoire inspirante.

Dans les faits, c'est un peu plus compliqué. Je me bats pour ne pas me taper Tarzan (dessiné par Disney) pour la millième fois et je ne peux plus encadrer "Monsieur Incroyable" et "Madame Petite", donc je ne vais pas demander à ma propre fille ce qu'elle "lit" en ce moment. Dans les faits, ma fille se retourne vers moi en tirant des deux côtés de son visage pour que me montrer sa petite tête et assène que ses "yeux bleus sont raaaares, n'est-ce pas maman ?" "Mais pas du tout ma chérie, en Suède, il y a que ça, ils ne savent plus quoi en faire des yeux bleus."

Dans les faits, elle choisit déjà sa tenue tous les matins et je me bats pour qu'elle n'aille pas à l'école en tenue de Noël avec la robe qui brille et le diadème.

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Quand elle est satisfaite de son choix vestimentaire, ma fille prend sa voix la plus exaltée (et aigüe) pour nous faire savoir qu'elle va "être la plus belle" aujourd'hui.

Comment ai-je pu à ce point dévier de l'objectif que je m'étais fixé ? C'est quoi, la suite ? Le profil Facebook avec la bouche en duckface, le tatouage en haut des fesses et des boobs en silicone ?

Je me repasse le film au ralenti et je vois des indices. Même si elle avait une tête de bouledogue à la naissance, ma fille a essuyé les compliments de toutes la famille, d'autant que ce n'est pas courant de faire une blonde aux yeux bleus quand on est réunionnais. Et puis, pour des questions de "confiance en soi", ma belle-famille a toujours estimé qu'il fallait répéter aux enfants qu'ils étaient beaux.

Pas de doute, c'est la faute aux autres. Evidemment.

Mais qui m'oblige à acheter des lots entiers de barrettes à paillettes chez Claire's ? Pourquoi avoir ramené une énième robe à la pépète ? "C'était vraiment pas cher, elle a été faite en Bangladesh" ne peut être un argument suffisant. Les fringues de son grand frère ? Je les donne toutes à son cousin.

Oui, j'ai craqué. Non seulement je ne me bats plus sur le rose depuis bien longtemps (mais fuchsia plutôt que pastel s'il vous plaît) mais en plus, j'ai fini par trouver du plaisir à en faire (un peu) ma poupée. "C'est bien, elle a confiance en elle", me rétorque son papa. C'est juré, à 10 ans, je lui offre Madame Bovary. Quoique. A cet âge, j'ai tellement aimé lire les Comtesse de Ségur...