Quand un enfant réalise qu'il mange "un animal"

C'est un petit Brésilien de peut-être 2 ans qui a ému un pays entier. "Je ne veux pas que les animaux meurent, je veux qu’ils restent debout, heureux", dit Luiz Antonio quand on lui tend une assiette de poulpe. "Où est le reste du poulpe?" demande-t-il dans une vidéo qui est sur le point de passer les 2 millions de vues en quinze jours. L'enfant plaide alors pour cesser de "manger des animaux.

Moi aussi je me souviens du moment où mes enfants ont compris qu'ils mangeaient des animaux. Surtout mon fils, qui aime tant les bêtes.

"C'EST VRAIMENT DE LA VACHE MAMAN ?

- Oui.

- Mais pourquoi on l'a tuée ?

- Parce que les hommes sont omnivores, comme les ours. Ils mangent de tout.

- Mais elle est morte maintenant.

- Oui, mais c'est bon, non ?"

Et mon fils s'est resservi. L'histoire est moins longue et moins mignonne, mais beaucoup plus pratique.

Courrier International a retranscrit le dialogue entre ce fils et sa mère. Je vous conseille de la regarder jusqu'à la fin aussi.

"Pourquoi tu pleures ?" demande le petit. "Je ne pleure pas, tu m’as émue", répond sa mère. "Je fais quelque chose de beau ?" demande-t-il enfin.

Ce que vous sacrifiez en ayant des enfants

Quand j'étais enceinte de mon premier enfant, les "adultes" me répétaient : "La vie ne sera plus jamais pareille après." J'étais assez d'accord. Une fois le marmot sorti, je pourrai de nouveau boire de l'alcool, voilà ce qui allait changer.

C'est l'époque où on se dit que la bête va faire à peu près 50 cm et que 50 cm ça ne devrait pas prendre trop de place à la maison. Vous mesurez cinquante centimètres entre vos deux mains et vous dites : "Je pourrais le mettre là, ou là, ou là" en montrant des coins de la pièce.

Sept ans plus tard, je me demande surtout quelle place mes enfants n'ont pas prise. Dans l'introduction de son dernier livre, Marlène Schiappa demande : "Qu'avez-vous sacrifié pour vos enfants ?" Et là, j'ai une liste intarissable qui me vient à l'esprit. La musique (j'écoute deux nouveaux albums par an maximum), le cinéma (s'enthousiasmer du dernier film diffusé sur NT1 n'a pas beaucoup de charme pour mes hipsters de collègues), les bouquins...

Mais si les funérailles n'étaient que culturelles, finalement, j'aurais encore de la chance. J'ai aussi renoncé aux grasses mat', au silence, à la curiosité, aux rêveries, aux parties de jambes en l'air dans la journée, à glander, à l'ennui.

kingoorooOù l'on découvre que la vie est pleine d'une course perpétuelle. Et quand il nous reste du temps, on en profite pour faire tourner une machine. A la fin de la journée, vous ramassez mentalement dans une pelle les poussière de minutes que vous avez eues à vous. Il vous reste un peu plus d'une heure avant d'aller se doucher, se coucher, préparer la journée de demain...

A mesure que les enfants grandissent, je retrouve certaines zones de libertés. Ils jouent ensemble et j'ai une heure pour écrire, on sort au parc et je zone sur mon smartphone. Dimanche dernier, on est allé à l'Acrochat, sorte de mini parc d'attractions avec parcours du combattant. Les enfants s'épuisent dans les jeux et les parents se calent dans un fauteuil, écouteurs aux oreilles, téléphone ou bouquin à la main. De temps en temps, un enfant revient en pleurs parce qu'il s'est fait mal, on fait un bisou et il repart. On gagne trois heures de tranquillité. Enfin, tranquillité... Si un volume moyen de 120 décibels ne vous gène pas. Si vous ne vous formalisez pas du fait que les enfants des autres vous escaladent comme un vulgaire cheval d'arçon parce que le chemin est visiblement plus court quand il passe par vous. Si vous vous baissez assez rapidement pour éviter de vous prendre la piñata dans la gueule au moment de l'anniversaire des voisins.

La voila donc la tranquillité des parents. Qu'ai-je donc sacrifié à mes enfants ? La possibilité de se concentrer plus de 10 minutes.

Comment mes enfants m'ont empêché de voir Tsonga perdre

Je suis allée à Roland-Garros parce que ça n'intéressait pas mon fils. Son père avait deux invitations et voulait se faire un trip "papa-fiston", je-t'explique-la-vie-et-on-vibre-tous-les-deux en regardant deux mecs qui transpirent. Mais quand ledit papa a demandé à son rejeton alors qu'on regardait le tennis à la télé, s'il aimerait se retrouver dans les tribunes, le garçon a répondu qu'il préférerait une compèt de natation. Bien. Ça c'est fait.

Empli de désillusion, le papa s'est tourné vers la femme de sa vie qui, pleine d'amour et de curiosité, s'est jetée sur l'occasion.

Depuis je pavanais. J'allais à Roland-Garros pour les demi-finales. Et la chance a voulu que ce soit pour deux matchs de premier choix : Nadal-Djokovic et un Français en lice.

Mais il a fallu que les internationaux de France se déroulent en même temps que le bal du lycée de mon baby-sitter. Et visiblement, pas moyen de louper le "bal du lycée" qui commence à 20 heures et finit à minuit. Evidemment, tous mes baby-sitters viennent du même lycée ou presque, donc impossible d'avoir un remplacement. J'ai écopé d'une permission de 8 heures et quart.

Pendant tout Nadal-Djokovic, j'ai donc soutenu le gagnant, dans l'espoir qu'on en finisse au plus vite et que je puisse m'enquiller les deux matchs. A cette occasion, j'ai appris à mes dépends que, non seulement Roland-Garros n'en n'a rien à foutre de la date du bal du lycée, mais qu'en plus Nadal et Djokovic s'en tamponnent le coquillart de mon problème de baby-sitting. 4h15 le match. QUATRE HEURES QUINZE.

A 18h30, Tsonga est entré en piste. Quand je suis partie, bravant la marée de canotiers et de marinières, me privant de l'unique chance d'être à moins de vingt cinq mètres de Leonardo Di Capro, le Français menait 3-0 dans le 2e set. J'ai maudit ma condition de maman en pleurant sur ce moment où je n'aurai pas vu s'épanouir le nouveau Yannick Noah. Puis Tsonga s'est fait éliminer en trois sets. Et je me suis rendue compte que, quand Nadal a gagné, quelques heures plus tôt, ça aurait peut-être été malin de ne pas hurler : "Enfin fini !" C'était le meilleur moment de la journée finalement.