Mon petit soulier

(Attention, post mièvre)

J’ai 4 ans et c’est l’hiver. J’émerge lentement du sommeil sous ma couette quand je réalise: c’est Noël ! Mes yeux s’ouvrent tout de suite bien grands, je saute à pieds joints en dehors de mon lit et je cours jusqu’au sapin pour déchirer tous les papiers cadeaux des paquets qui sont censés m’appartenir.

Deux ans plus tard, mon frère m’annonçait que le père Noël n’existait pas (il s’en est mordu les doigts si je puis dire, puisque je lui en planté mes canines dans le torse jusqu’à se qu’il saigne). Depuis, Noël n’a plus vraiment la même saveur. Certes, il y a encore eu de nombreuses années de cadeaux, mais quand même, la magie avait un peu disparu.
IMG_9137.JPGCa doit être pour ça que j’achète le sapin dès les premiers jours de décembre (j'avoue, fin novembre certaines années), que je le décore avec passion, que je fais des biscuits de Noël et que je vais me mettre en quête de fausse neige cette année pour faire des pochoirs sur les fenêtres.
C’est pour ça aussi que je mens effrontément à mes enfants en leur faisant croire au Père Noël. Déjà, ça fait toujours un marchandage possible en cas de caprice: "Si tu n’es pas sage, le Père Noël ne va pas t’apporter beaucoup de cadeaux." Pour les familles qui ne croient pas en Dieu, il est bon remplaçant.  Mais surtout, c’était tellement cool d’y croire. J’ai poussé le vice jusqu’à faire une lettre au Père Noël avec mon grand. En plus, c’est pratique pour la liste de cadeaux. (Pour la petite, c’est plus simple, elle se balade avec le catalogue de jouets invariablement bloqué à la même page. Et dès que le catalogue se referme, elle répète "bébé, bébé", jusqu’à ce que je retrouve la page des poupées.)
La gourmandise du regard de mon loulou me ravit quand il me parle de l« énoorme » hotte du Père Noël. Toutes mes résolutions cartésiennes s’évanouissent à l’esquisse de son sourire. Et je sais bien qu’au fond de moi, lui faire croire au Père Noël me fait encore plus plaisir qu’à lui.

Dimanche, quand il protestait en répétant "Mais j’ai même pas eu le temps de jouerrrrr" après un après-midi de Playmobil, son père s’est retourné vers moi en lâchant: "J’ai envie d’avoir 4 ans." C’est exactement ça. Ne penser ni à la dette européenne, ni à Brice Hortefeux par exemple. Me réveiller au chaud sous ma couette et de réaliser d’un coup: "C’est Noël!"

Quinte flush

Attention, j'ai jeté mon humour avec les couches sales. Un post à ranger dans la catégorie "Fallait que ça sorte".

Ça commence en rentrant du boulot quand je la vois vêtue d'une tenue que je ne lui ai pas choisie le matin. Bien sûr en la déposant chez la nounou, je savais que ma Pépette n'était pas en forme. Certes elle toussait, mais, avec une certaine hypocrisie dose d'autopersuasion, je m'était convaincue que ça allait, que rien n'était encore joué. Et le soir, je découvre que ma fille a troqué son pantalon et son sous-pull contre un survêt'. Je sais ce qui s'est passé. Elle s'est vomi dessus pendant la sieste. Elle a toussé, toussé, jusqu'à ce que son repas ressorte. « J'ai même dû changé son body », précise la femme exceptionnelle qui a accepté la lourde tache de garder ma descendance.

Alors le soir, je regarde les deux petits ronds rouges sur les joues de la Pépette, qui signifient qu'elle a de nouveau une rhino, qu'on ne peut rien faire à part lui brûler les fesses avec des suppo anti-tussifs. Dans une semaine, on ira chez le pédiatre qui constatera que ça a dégénéré. Il lui prescrira des piqûres d'un traitement de cheval car ma pépette vomit (c'est un maître mot chez elle) tout médicament administré par voie orale. On passera trois soirées dans un cabinet d'infirmières, puis ça ira mieux. Ou la toux évoluera en bronchiolite. On sera quitte pour 4 séances de kiné respi.

Voyez-vous mes enfants sont asthmatiques. La région parisienne sans doute. Et un terrain familial. A la première goutte au nez, ils se mettent à tousser, et très rapidement à vomir. Evidemment, dans ces moments, je pense à ceux et celles dont les enfants ont des vraies maladies, des choses graves. Je me dis qu'il faut que j'en reste aux histoires légères et que je continue de me moquer avec désinvolture de mes manies de maman égoïste. Elle tousse. Ah, la belle affaire. Ce n'est rien. RIEN.

Pourtant quelque chose dans ma poitrine se serre à cet instant où je scrute ses petites joues rougies. Je me sens d'un coup stressée comme après trois litres de café, moi qui n'en boit pas. Tout m'insupporte, mon fils qui me parle, le bain qui n'en finit pas, les couverts qui s'entrechoquent au repas, une tache sans importance. D'ailleurs, je n'ai pas faim, je ne mange rien. Ou je dévore n'importe quoi, boulimique. Pour combler le vide. Pour ne plus entendre en bruit de fond cette toux qui me vrille les nerfs. J'ai envie de hurler. De me boucher les oreilles. D'être ailleurs. J'ai envie de ne pas être responsable. Chaque quinte m'asphyxie un peu plus, enfonce dans ma gorge un cri dont je sais qu'il ne sortira pas.

Quand je la couche, un petit métronome se met en marche. Allongée à mon tour (je me mets au lit tôt car je sais que la nuit va être morcelée), j'essaie de m'endormir vite, de ne plus entendre, de prendre de l'avance pour être un minimum fraîche pour le réveil quasi-inévitable. J'entends sa toux, sa gorge irritée à force d'être sollicitée, le petit trémolo de sa glotte. C'est l'heure des questions existentielles dans le noir. Etait-elle assez couverte tel jour ? Ai-je bien pensé à me laver les mains en sortant du métro ? Faut-il quitter Paris ? Oui, mais comment trouver du travail ? Un travail qui me plaise je veux dire. Je tends l'oreille pour reconnaître la "toux de phoque" spécifique à la laryngite (que je ne reconnais jamais). Je rêve de la mettre sous corticoïde, comme un remède miracle. Juste pour que tout ça s'arrête.

Des fois, quand elle s'étrangle, je vais la voir près de son lit. Voir si elle a besoin de moi. Je retire son 2e doudou du berceau pour en garder un propre au cas où. Si elle se réveille, je lui lave le nez, fait une séance de babyhaler. Des fois elle ne se rendort pas et ça dure des heures. Presque tout le temps, maintenant, je sais quand elle va vomir.

Prendre la petite et la cajoler. L'extraire de sa turbulette souillée et passer ses cheveux sous un jet d'eau pour enlever les morceaux. La changer et la mettre dans une pièce au calme pendant qu'on trouve un autre drap. La rendormir, et quand tout est redevenu calme, si on a la chance de ne pas avoir réveiller le grand, rincer les draps dans la baignoire et lancer une machine.

A ce moment-là de la nuit, je ne suis plus oppressée. Une forme de fatalité semble avoir pris le dessus. Je suis la plus calme et la plus douce des mamans. Je trouve les mots pour ma puce, les gestes pour son frère réveillé. Je prends le temps pour tout et n'éteint la lumière que quand l'appart est calme et nickel. Je sais que je vais peut-être encore me réveiller cette nuit-là et certainement tôt le lendemain matin quand la petite sera affamée. Mais je sais aussi que j'ai bien fait les choses. Je suis vidée. Je suis vide.

Le lendemain, je la dépose chez la nounou. Parce qu'il n'y a rien à faire. Parce que ça arrive tellement souvent qu'autant arrêter de travailler si je dois la garder avec moi dans ces moments. Des fois, je craque et je l'emmène  chez le médecin qui me répond, comme prévu, que ce n'est rien. Le reste du temps, je vais au boulot. Je n'y pense pas, je travaille, je blague. Je croise les doigts pour que la nounou ne m'appelle pas, que tout soit à peu près sous contrôle. Et quand vient le soir, je traîne. Je voudrais rester, ne pas rentrer. Ne pas revivre ça.

Pourtant elle tousse, ce n'est vraiment rien.

Philippe Katerine est-il un album pour enfants?

A moins que vous ne vous soyez enfoncé très profondément des couches pampers dans le conduit auditif, vous ne pourrez pas passer l'automne sans entendre parler de Philippe Katerine. Je n'avais pas loupé l'ode à Marine Le Pen de son précédent album, ni la BO de Un homme, un vrai, un film que j'adore, mais son dernier album, c'est en tant que maman qu'il m'interpelle.

La sortie de Katerine n'a laissé personne froid. Il y a les ceux qui pensent, comme mon rédacteur en chef, que c'est n'importe quoi, que ce mec se fout de notre gueule et qu'on s'apercevra un jour de la supercherie abyssale qu'il nous fait avaler. Et il y a ceux qui trouvent ça plutôt drôle, voir qui adorent. Moi, je me pose une question : Katerine a-t-il écrit un album pour enfants?

"Oui monsieur je sais que ce sont vos enfants, mais quand ils me voient ils rigolent tout le temps", chante-t-il d'ailleurs dans Banane. Et moi aussi, je rigole pas mal et je pense à eux quand j'écoute une chanson dont la seule parole est "bla bla bla", une autre entièrement composée de rires et de pleurs, ou encore celle qui demandent des "bisoux".

Pour en revenir à Banane, tentez le coup et faites écouter la chanson aux enfants, ils se mettent à se trémousser en répétant les paroles. Bien plus efficace que du Henri Dès.

Bon avouons que, quand il écoute les paroles, mon fils reste un peu scotché: "Maman, pourquoi on le laisse pas manger sa banane?" Visiblement l'absurdité n'est pas vraiment de leur âge.

Et puis, je ne me suis pas encore résolue à lui faire écouter l'album en entier, sachant mal comment négocier la chanson J'aime Tes fesses ou Je veux faire un film. Enfin, je ne sais pas trop comment je vais réagir si mon fils de 4 ans me répond "Plutôt crever" quand je lui demande de se lever.