Mauvaise mère, mais fine lame

Dans les années 1960-1970, les femmes étaient plus libres, moins maternelles. C'est pas moi qui le dis, ce sont tous les com' de jeunes grands-mères sur ce blog qui le constatent, et toutes les copines de mes parents qui me le racontent. Elles laissaient leur bébé dans le couloir pendant les dîners pour qu'ils pleurent sans déranger (de toute façon, pleurer, ça "fait" les poumons), elles picolaient pendant leur grossesse et se gaver de tartares, et on mettait le couffin en osier sans ceinture à l'arrière de la voiture pour partir en vacances plutôt que d'acheter un siège-auto (qui n'existait pas) à 249 euros. Je ne vous raconte pas le nombre de fois qu'on est tombé du comptoir de l'aéroport, du rebord de la fenêtre, etc... Si ma mère n'avait pas été assistante sociale, on aurait peut-être été dénoncés à la DDASS.

Bref, les années 70 ressemblaient à une espèce d'apothéose de la mère décomplexée. Mais c'était avant. Avant que l'on retrouve cette archive des années 1950. Remarquez, tant qu'elle vise bien, ce n'est pas une si mauvaise mère que ça.

 

Pièces à conviction

Comment réussir un puzzle? Si ma fille parlait un peu mieux, elle vous expliquerait ça très bien. Il suffit de taper du poing pour faire rentrer la pièce du coin au milieu du dessin. L'arbre se retrouve dans la mer? Il y a quatre pièces en trop à la fin? Ce n'est pas un problème. Et inutile de vouloir l'aider, elle hurle dès que j'approche les mains de son œuvre et le moindre début de conseil est rabroué d'un grognement d'un rottweiler auquel on veut soustraire sa pâté.

 

Moi, je frémis, ronge mon frein, échoue à m'intéresser à autre chose. J'ai une faiblesse : j'adore les puzzles. C'est vieux-jeu, c'est un peu honteux. C'est comme avouer qu'on fait du point de croix ou qu'on boit un verre de lait chaud avant d'aller au lit (Ouuuuh, la honte). Et ben voila, moi, je fais des puzzles. Alors je ruse, je crée une diversion - "oh, chérie, regarde du chocolat" - et hop, j'assemble trois pièces discrètement. "Ah, mais quelque chose n'est pas tombé par terre?" Et hop, trois de plus. Je ne peux pas m'empêcher.

Et puis, je m'inquiète pour son avenir. J'espère que sa passion des puzzles va passer. Parce que, même si la pépette devient douée, des année plus tard, ça pourrait donner une psychopathe, comme sa maman. Du genre à ne pas pouvoir s'empêcher de dire "Je suis super forte en puzzle" au milieu d'une conversion qui n'avait rien à voir - à ma décharge, ce n'est pas un sujet de conversation qui arrive par hasard. Du genre à acheter un tableau en 1500 pièces quand on passe Noël en famille. D'autres profitent des fêtes pour se prendre quelques bitures ou mater des films tard le soir. Moi, je trie les bords et fais des tas selon les zones de couleurs.

Mais ma manie est très respectée dans ma famille. Au point que frères et parents définissent un périmètre de sécurité autour de moi. Les enfants n'ont plus le droit de m'approcher. Ma famille a sans doute peur que je me roule par terre en bavant si un môme défonce le coin de mes Noces de Cana. Et au fond, c'est aussi ça qui est bon : j'ai quand même trouvé, l'air de rien, un moyen de faire garder mes gosses et d'avoir la paix pendant des heures.

Ce post est dédicacé à Fabrice Florent, que j'interviewais pour un sujet parents, enfants et jeux vidéo (qui n'a pas encore été publié). Il joue à Street Fighter avec ses filles et racontait, sûr de mon adhésion: "C’est quand même mieux qu’un puzzle!" (Mise à jour mai 2011: la jolie réponse de Fabrice).

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L'art de s'amuser

J’ai fait un trait sur ma culture musicale le jour où je me suis aperçue qu’en dehors des comptines, les seules chansons dont je connaissais encore les paroles dataient d’avant la naissance de mon premier mouflet.

J’ai renoncé aux discussions ciné quand je me suis rendue compte que, non seulement je n’étais allée voir qu’un seul des dix «meilleurs films de l’année», mais qu’en plus j’ignorais absolument de quoi parlait la moitié d’entre eux.

Depuis deux ans, mon iPod à la batterie déchargée est donc rangé dans un tiroir et je n’ai pas réussi à utiliser en entier un pass ciné 5 places, même quand j’invite une copine pour le premier film.

Et là, je dis danger.

Au bout du troisième épisode de Tchoupi, j’ai l’impression que mes deux derniers neurones se courent après dans ma boîte crânienne. Et si le moment le plus palpitant de ma semaine, c’est quand ma fille fait caca au pot, je vais avoir un gros problème d’estime de moi. Difficile aussi de relancer une discussion un peu haut de gamme entre potes en énumérant les noms de dinosaures que vous avez appris pendant la semaine. Bref, ce n’est pas que je cours après le clinquant, mais j’ai eu ressenti le besoin de mettre un vernis culturel sur la peinture un peu terne de mon quotidien.

Comment faire avec deux boulets? J’ai pensé me faire une toile pendant la sieste en me disant qu’ils piqueraient un roupillon, mais la séance «ciné des enfants» m’a surtout convaincue que mon fils allait prendre un malin plaisir à se cacher entre les sièges, voire à se faire la malle, et que je serai poursuivie en justice pour abandon d’enfance, tout ça parce que j’avais envie de voir Inception.

Il me reste donc les expos. Vous noterez, c’est pas mal pour en jeter auprès des copains. «La pépette est folle de Soulages. Au centre Georges-Pompidou, elle pointait du doigt chaque tableau d’un air très inspirée.» Peu importe qu'elle n'est eu que dix mois à l'époque.

Certes, l’exercice oblige à faire des choix drastiques. On n’ira jamais voir Monet avec les gamins (mais faut-il vraiment le regretter?), et à peu près tout ce qui date d’avant le XXe siècle. Sauf si ça date de 70 000 ans avant JC, là, ça se négocie direct avec mon fils au musée d’histoire naturelle.

N'allez pas imaginer non plus que c’est un moment de communion artistique, une sorte de mise en rapport direct avec la création. L’expo, elle se fait en 30 minutes chrono, et ressemble à la scène d'accueil des Bronzés dans leur club de vacances. Les parents sont gonflés à bloc comme des G.O. On est là pour mettre l’ambiance, dirladada, et aujourd’hui, ça va dépoter au Musée d’Art moderne! Il faut que ce soit aussi rythmé qu’un épisode de Friends, blague et bruit de caisse claire toute les trois minutes. Qui trouve la plus grande toile? C’est laquelle ta préférée? Est-ce que tu crois que tu peux faire pareil à la maison? Après, il faut encore dealer avec le nain de 4 ans pour qu'il baisse d'un ton quand il hurle: «Maman, j’en ai trouvé une encore plus grande»!. D’ailleurs, le grand a décidé qu’il était peintre. Et c’est après avoir vu une de ses œuvres qu’on s’est tapé Mondrian. Le plus dur, aujourd’hui, c’est encore de convaincre le papa que son fils n’est pas un génie.

Au final, l’aspect culturel passe rapidement au second plan. Les expos deviennent une activité saisonnière, principalement pratiquée en hiver et les jours de pluie. Parce qu’on a découvert un autre avantage aux musées, au détriment des autres visiteurs : c’est quand même une immense cour de récré.