Pièces à conviction

Comment réussir un puzzle? Si ma fille parlait un peu mieux, elle vous expliquerait ça très bien. Il suffit de taper du poing pour faire rentrer la pièce du coin au milieu du dessin. L'arbre se retrouve dans la mer? Il y a quatre pièces en trop à la fin? Ce n'est pas un problème. Et inutile de vouloir l'aider, elle hurle dès que j'approche les mains de son œuvre et le moindre début de conseil est rabroué d'un grognement d'un rottweiler auquel on veut soustraire sa pâté.

 

Moi, je frémis, ronge mon frein, échoue à m'intéresser à autre chose. J'ai une faiblesse : j'adore les puzzles. C'est vieux-jeu, c'est un peu honteux. C'est comme avouer qu'on fait du point de croix ou qu'on boit un verre de lait chaud avant d'aller au lit (Ouuuuh, la honte). Et ben voila, moi, je fais des puzzles. Alors je ruse, je crée une diversion - "oh, chérie, regarde du chocolat" - et hop, j'assemble trois pièces discrètement. "Ah, mais quelque chose n'est pas tombé par terre?" Et hop, trois de plus. Je ne peux pas m'empêcher.

Et puis, je m'inquiète pour son avenir. J'espère que sa passion des puzzles va passer. Parce que, même si la pépette devient douée, des année plus tard, ça pourrait donner une psychopathe, comme sa maman. Du genre à ne pas pouvoir s'empêcher de dire "Je suis super forte en puzzle" au milieu d'une conversion qui n'avait rien à voir - à ma décharge, ce n'est pas un sujet de conversation qui arrive par hasard. Du genre à acheter un tableau en 1500 pièces quand on passe Noël en famille. D'autres profitent des fêtes pour se prendre quelques bitures ou mater des films tard le soir. Moi, je trie les bords et fais des tas selon les zones de couleurs.

Mais ma manie est très respectée dans ma famille. Au point que frères et parents définissent un périmètre de sécurité autour de moi. Les enfants n'ont plus le droit de m'approcher. Ma famille a sans doute peur que je me roule par terre en bavant si un môme défonce le coin de mes Noces de Cana. Et au fond, c'est aussi ça qui est bon : j'ai quand même trouvé, l'air de rien, un moyen de faire garder mes gosses et d'avoir la paix pendant des heures.

Ce post est dédicacé à Fabrice Florent, que j'interviewais pour un sujet parents, enfants et jeux vidéo (qui n'a pas encore été publié). Il joue à Street Fighter avec ses filles et racontait, sûr de mon adhésion: "C’est quand même mieux qu’un puzzle!" (Mise à jour mai 2011: la jolie réponse de Fabrice).

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