L’heure des parents - le stress de la mère indigne

Petit coup d’oeil sur l’horloge de l’ordinateur. j’ai encore le temps de faire un tour sur Facebook, finir mon article et écrire un ou deux mails pour préparer la journée de boulot de demain, ensuite zou, je vais chercher les gamins.
Cinq minutes plus tard, je vérifie l’heure et... c’est un quart d’heure qui s’est écoulé. Mon rythme cardiaque s’accélère brusquement, mon front se couvre d’une fine pellicule de transpiration. Putain, je vais être (encore) en retard à l’école.

Je saisis mon sac et mon manteau, je cours prendre le métro. A chaque station, je fixe intensément l’heure sur mon portable afin de ralentir de rythme des minutes. Je maugrée, je m’insulte, je gigote nerveusement. J’ai très envie de me mettre une tape derrière la tête mais mon comportement inquiète suffisamment mes voisins.

@Olibac / Flickr

J’arrive à l’école hors d’haleine, en claudiquant, avec des auréoles de transpiration sous les bras. Je me promets de jeter mes pompes à talons au feu et de ne plus acheter que des chaussures plates. La moitié de mes cheveux est collée au visage par la transpiration, l'autre follement dressée tout autour de ma tête. Pour un peu, la gardienne me chasserait en disant que la mendicité n'est pas autorisée dans l'enceinte de l'établissement.

Le pire, c'est encore d'arriver après un pot et d'expliquer, l'haleine empestant l'alcool, que ça vous était complètement sorti de la tête que c'était à vous d'aller chercher les enfants. Evidemment, on préférera raconter qu'il y a eu un grave accident de voyageurs sur la ligne de métro ou qu'on vient de sauver une vieille dame qui faisait un malaise, voire qu'on a été témoin d'un braquage et qu'on a dû faire une déposition au commissariat. Mais ce n'est pas à la directrice de l'école pour apprend des excuses bidons de parents. Surtout trois fois dans l'année.

Il y aura de toute façon, toujours un jour où la baby-sitter qui fait une partie des retours scolaires n'aura pas eu mon message ou sera malade. L'angoisse d'arriver devant l'école fermée, l'enfant introuvable et la batterie du portable à plat (Oui, ça m'est arrivé il y a quelques mois). Alors autant ne pas griller ses cartouches trop vite avec la directrice.

Accouchement, avec des vrais bouts de placenta dedans

C'est notre Vietnam, la preuve qu'on est des warriors, le sujet sur lequel un mec n'a pas intérêt à la ramener. Nous, on a accouché, alors sa coupure au doigt avec une feuille papier nous émeut moyen (Même si, au fond, ça fait mal une coupure avec une feuille de papier). Nous, on a connu les larmes, le sang et la sueur. Un truc unique, qu'ils ne comprendront jamais totalement.

D'ailleurs, quand une copine vient de démouler, bien sûr je la félicite et je demande le nom de l'enfant. Mais au fond, je n'ai qu'une envie: savoir comment ça s'est passé. Combien d'heures? Episio ou pas? Spatules? Avec ou sans péridurale? Et la sage-femme, une vraie salope ou la meilleure des doulas? La baignoire, t'as essayé? Ils te l'ont fait toucher à toi aussi le placenta? Et qui est capable de se servir de ce putain de ballon de naissance? Je me censure. Je demande si la maman va bien et le poids du bébé. Pour supputer sur les difficultés de l'expulsion.

Mais enfermez-moi avec des copines mamans un peu intimes et je peux en parler des heures. De ce moment incroyable où où j'ai senti les os de mon bassin se disloquer pour céder le passage à la tête du bébé. Du premier accouchement shootée au gaz hilarant, du second shootée à la colère et à l'épuisement. Ce que ça fait de perdre les eaux et de créer une flaque à chaque fois qu'on avance d'un pas.

Plus c'est trash, plus je me délecte. Qu'une copine me parle de son épisio et je suis fascinée. Combien de points? Et la bouée, tu as eu la bouée? Je sais, beaucoup de gens ont l'impression qu'une femme qui raconte son accouchement, c'est un peu comme sortir son placenta du sac à main en plein dîner, mais moi, j'adore. Les jours qui ont suivi la naissance de mon premier enfant, j'avais envie d'en partager les détails avec tous ceux qui me rendaient visite à la maternité. Alors qu'ils venaient pour le bébé, pas pour se prendre une louche de liquide amniotique, merci bien.

On dit qu'avec le recul, on oublie qu'on a eu mal, ça devient juste le moment merveilleux où notre enfant est venu au monde. Pourtant, cinq ans après le premier accouchement, je garde un souvenir toujours aussi vif de ce (long) moment extraordinaire, comme un sportif de haut niveau doit se souvenir d'une course qu'il a gagnée, même s'il a peiné, même s'il a eu mal, et aussi pour ces raisons. Ce n'est pas un moment merveilleux (25 heures sans péridurale, personne ne peut appeler ça un moment merveilleux), mais c'est unique. Ça peut paraître tout à fait banal, "on fait ça depuis la nuit des temps". Mais à moi, ça n'est arrivé que deux fois. Moins souvent que la plongée sous-marine, l'ascension d'un volcan ou faire modèle nue aux Arts déco. Alors, ça mérite quand même qu'on s'en souvienne avec émotion et qu'on en parle entre copines, non?

Mince alors !

La culotte de cheval, la brioche au ventre et les bras boudinés, ce n'est pas mon problème. En tout cas, ce n'est plus mon problème. Je fais partie de ces chanceuses que la maternité a fait maigrir. J'imagine que je n'ai plus qu'à remercier ma vie épuisante de maman, le boulot pour lequel je me défonce ou le diabète hérité de ma grossesse. Bon, mes soirées mojitos-tapas entre copines ont aussi subi un régime sévère, ça doit aider.

Donc moins 5 kg au premier enfant, moins 2 kilos supplémentaires au second : j'ai découvert la coquetterie de porter du 38 et sus au tee-shirt taille L. J'ai même craqué pour une petit robe ajustée assez prêt du corps.

Vous allez me demander pourquoi je suis en train de me faire mousser en vous racontant à quel point j'ai de la chance et je suis canon ?

Parce que ça, c'est le matin au réveil.

Pour peu que je mange autre chose qu'une pomme le midi, j'ai l'air d'être enceinte de 5 mois à 14 heures. La faute aux muscles de la ceinture abdominale, qui ne connaissent comme effort que l'amortissement de gamins plein d'énergie. C'est moche de ne pas avoir le temps de faire de sport.

La dernière fois, au dernier jour d'un colloque, une condisciple m'a lancée des œillades complices en faisant des gestes arrondis pour me signaler qu'elle m'avait percée à jour. "Non, non, je t'assure, je ne suis pas enceinte." "Oui, oui, c'est ça", a ajouté la garce d'un air entendu. Discrète humiliation.

Le problème a été réglé le week-end dernier. Ma gentille belle-maman (bonjour gentille belle-famille qui lisez ce blog!) a voulu m'aider en faisant tourner une machine. La lessive contenait ma petite robe IKKS en maille. Elle fait désormais du 34. Même après une troisième grossesse, aucune chance que j'y parvienne.

PS : Pas la peine d'insister, je n'ajouterai pas de photos "avant-après" de ma transformation abdominale.