Accouchement, avec des vrais bouts de placenta dedans

C'est notre Vietnam, la preuve qu'on est des warriors, le sujet sur lequel un mec n'a pas intérêt à la ramener. Nous, on a accouché, alors sa coupure au doigt avec une feuille papier nous émeut moyen (Même si, au fond, ça fait mal une coupure avec une feuille de papier). Nous, on a connu les larmes, le sang et la sueur. Un truc unique, qu'ils ne comprendront jamais totalement.

D'ailleurs, quand une copine vient de démouler, bien sûr je la félicite et je demande le nom de l'enfant. Mais au fond, je n'ai qu'une envie: savoir comment ça s'est passé. Combien d'heures? Episio ou pas? Spatules? Avec ou sans péridurale? Et la sage-femme, une vraie salope ou la meilleure des doulas? La baignoire, t'as essayé? Ils te l'ont fait toucher à toi aussi le placenta? Et qui est capable de se servir de ce putain de ballon de naissance? Je me censure. Je demande si la maman va bien et le poids du bébé. Pour supputer sur les difficultés de l'expulsion.

Mais enfermez-moi avec des copines mamans un peu intimes et je peux en parler des heures. De ce moment incroyable où où j'ai senti les os de mon bassin se disloquer pour céder le passage à la tête du bébé. Du premier accouchement shootée au gaz hilarant, du second shootée à la colère et à l'épuisement. Ce que ça fait de perdre les eaux et de créer une flaque à chaque fois qu'on avance d'un pas.

Plus c'est trash, plus je me délecte. Qu'une copine me parle de son épisio et je suis fascinée. Combien de points? Et la bouée, tu as eu la bouée? Je sais, beaucoup de gens ont l'impression qu'une femme qui raconte son accouchement, c'est un peu comme sortir son placenta du sac à main en plein dîner, mais moi, j'adore. Les jours qui ont suivi la naissance de mon premier enfant, j'avais envie d'en partager les détails avec tous ceux qui me rendaient visite à la maternité. Alors qu'ils venaient pour le bébé, pas pour se prendre une louche de liquide amniotique, merci bien.

On dit qu'avec le recul, on oublie qu'on a eu mal, ça devient juste le moment merveilleux où notre enfant est venu au monde. Pourtant, cinq ans après le premier accouchement, je garde un souvenir toujours aussi vif de ce (long) moment extraordinaire, comme un sportif de haut niveau doit se souvenir d'une course qu'il a gagnée, même s'il a peiné, même s'il a eu mal, et aussi pour ces raisons. Ce n'est pas un moment merveilleux (25 heures sans péridurale, personne ne peut appeler ça un moment merveilleux), mais c'est unique. Ça peut paraître tout à fait banal, "on fait ça depuis la nuit des temps". Mais à moi, ça n'est arrivé que deux fois. Moins souvent que la plongée sous-marine, l'ascension d'un volcan ou faire modèle nue aux Arts déco. Alors, ça mérite quand même qu'on s'en souvienne avec émotion et qu'on en parle entre copines, non?