Les raisons pour lesquelles mon fils pleure

Que celui qui n'a jamais pris une photo de son enfant en train de pleurer lui jette la première pierre. La profondeur du chagrin d'un petit étant souvent inversement proportionnelle au torrent de larmes qu'il verse, un papa anglophone a eu l'excellente idée de faire un tumblr (blog court : une photo + une légende) rassemblant toutes les crises de sa terreur.

Et évidemment la cause des larmes de ce petit garçon est assez éloignée de l'histoire de Rémi sans famille.

Photos du tumblr : http://reasonsmysoniscrying.tumblr.com/

Photos du tumblr : http://reasonsmysoniscrying.tumblr.com/

Ci-dessus, dans l'ordre d'apparition : "Le siège auto, toujours le siège auto !" -  "Nous l'aidons à mettre les bottes qu'il adore porter" - "Je ne le laisse pas boire l'eau du bain"

J'aime l'idée de prendre une photo de ces moments-là. D'abord, parce que ça montre à l'enfant qu'on ne le prend pas au sérieux, ensuite, parce que ça nous aide aussi à prendre de la distance. Avec sa "peine" et avec mon réel agacement, mon envie de lui hurler que son caprice est insensé. Il n'y a aucun masochisme de la part de ces parents : on ne photographie par la douleur ou le chagrin, on souligne que tout ceci est bien anodin.

Les graves problèmes de ce bébé ne sont pas sans rappeler ceux rencontrés par la petite fille filmée cette vidéo à laquelle j'avais décerné l'Oscar de la meilleure actrice :

 

 

"Do you speak English ?"

"Can we go to the American restaurant for the lunch ?", "Are you okay for a cartoon ?", "I'm fed up with them"... Si je suis la risée de mon bureau dès que je dois parler en anglais, je le baragouine tout à fait "fluently" avec le père de mes enfants quand il faut communiquer sans se faire comprendre des mômes.

C'est comme ça qu'à longueur de soirées et de week-ends, on se met d'accord sur le menu ("vegetables or pasta ?" - on ne sait pas dire pâtes en anglais), les sorties ou les punitions ("please, let him meet his friend, we will be so peacefull without kid for one hour").

Jusqu'au jour où une amie à qui je me suis mise à parler en anglais devant les enfants, secoue la tête et me demande :

- "Mais qu'est-ce que tu fais ?

- Ben je parle en anglais, pour qu'ils ne comprennent pas. Tous les parents font ça.

- Mais pas du tout. Les parents épèlent C. H. O C. O. L. A. T. pour dire chocolat, mais ils ne parlent pas en anglais."

Là dessus, ma fille est arrivée pour savoir s'il y avait du chocolat. Depuis, cette question me taraude (le verbe est à la mode) et je la soumets à votre expérience : est-ce que vous parlez en anglais/italien/chinois devant votre enfant ? Et sinon comment vous faites ? Parce que j'ai bien peur que M. C. D. O. soit un mot de passe qui ne résiste pas longtemps à la curiosité d'un petit garçon de CP.

Mise à jour du lundi 6 avril

Merci pour vos nombreuses réponses. Je ne suis donc pas seule. Parmi les idées les plus folles, je retiens les parents qui s'envoient des SMS sous les yeux de leurs enfants. et pour la réponse la plus parfaite, je note celle-ci, qui ne me ressemble tellement pas : 🙂

 

 

Vous qui êtes ces autres papas et ces autres mamans à la sortie de l'école...

Il y a celle qui amène son grand à l’école parce qu’elle est en congé parental pour le petit, celui qui est à son compte pour pouvoir accompagner ses filles tous les matins, la single mom qui fait comme elle peut, parce qu’elle n’a pas le choix.

En poussant un coup de gueule le mois dernier à propos de tous ces parents qui semblaient plus dispo que moi, j’étais loin de me douter que j’allais recevoir autant de témoignages. Quatre-vingts commentaires sur le blog, plus de 120 sur la page Facebook... A chaque fois que je rencontre d'autres parents ces derniers temps, j'attends de les connaître suffisamment bien (une demi-heure de conversation) pour leur demander "comment ils font". Le retour scolaire, les mercredis, les vacances, tout ça... C'est devenu un brin obsessionnel. Et tout à coup, vous m'avez offert un petit portrait des parents français des années 2010. Un portrait qui dit à quel point on est loin des nantis glandeurs qui vont chercher leurs enfants après une journée tranquille à la maison.

Cesser de travailler

Car elle est loin l’époque où les mères au foyer s’occupent des enfants pendant que monsieur va au travail. Bien sûr, certaines d’entre elles se sont exprimées aussi, mais cesser de travailler aujourd’hui, c’est presque synonyme de “tout plaquer”, comme pour Cerysette La Pétrolette. “Un jour j'en ai eu marre de tout rater, de ne jamais le voir, de n’être jamais dispo, d’être éreintée le soir, énervée... Je suis partie vivre à la campagne. J'ai eu deux autres enfants dont je m'occupe depuis 7 ans. En changeant de vie, j'ai réduit mes besoins et donc la nécessite d'avoir deux salaires.”

Mais pour quasiment tout le monde, arrêter de travailler n’est pas une carrière en soi. C’est le choix d’hommes et de femmes, pour quelques années, au cours d’une carrière qui connaîtra de toute façon plusieurs employeurs, plusieurs recommencements. C'est un quatre cinquième qu'on prend pour quelques années, le temps que le plus dur soit passé.

Quoi qu'il en soit, on en paie souvent le prix professionnellement. Travailler moins, c'est aussi faire une croix sur une carrière rapide. Stéphane part "tôt" pour aller chercher ses enfants et raconte la réaction de "la RH qui vous dit : ‘Mais la mère ne peut pas le faire à votre place’ en insinuant lourdement des choses franchement réac."

Le triomphe des horaires décalés

Mais j’ai surtout constaté le triomphe des horaires décalés. Beaucoup, comme Caro Ayor, travaillent “en quinconce” avec leur conjoint. L’un commence tôt, l’autre finit tard, et le problème est réglé. Ou alors on rogne sur la pause déj pour partir plus tôt. “Je m'accorde que 30 minutes de pause le midi mais je préfère rentrer et pouvoir profiter de mes enfants, que ragoter pendant 1h30 avec des collègues, ou flâner toujours dans les mêmes boutiques”, écrit angelkia.

J'ai été soufflée par le nombre de témoignages concernant le travail de nuit. Ju Simsocial et Anjela Carre amènent et vont chercher leurs enfants grâce à ce rythme. Comme Cerisegogo qui estime "avoir de la chance d'avoir un poste de nuit". "J'aurai jamais pu tenir 'moralement' en travaillant de jour", assure-t-elle.

Le travail à la maison

L'autre grosse tendance, ce sont les travailleurs indépendants ou le télétravail. Mais là, faites une croix sur la tranquillité d'esprit et les soirées sereines. "Je suis travailleur indépendant donc j'adapte mes heures aux horaires de l'école et de leurs activités (j'ai 4 enfants) et j'essaie de compenser en travaillant le soir lorsqu'ils sont couchés... :)", raconte Amanda Aguer. "Si ma vie familiale envahit ma vie professionnelle, la réciproque marche aussi. Et il est rare que je sois vraiment détendue, que j'aie bonne conscience en pensant au texte à écrire, au mail que j'ai oublié, au dossier à avancer", confie aussi Elle_mere.

© Emma Defaud

© Emma Defaud

Quel que soit le rythme que ces parents subissent ou ont choisi, ils ont souvent raconté que ce à quoi ils avaient renoncé leur manquait. Le temps avec les enfants, ou la vie sociale, ou la trépidante vie de bureau... Elle est dure, cette vie de parents, et ô combien méritante, quelle que soit la situation. C'est pour ça que le message de Jutta Cailloux Nolte est particulièrement inaudible. "Il faut réfléchir AVANT d'avoir un enfant si on a le temps d'être suffisamment disponible, un enfant ce n'est pas un objet qu'on dépose le matin pour le rechercher le soir." Cette remarque blessante est tout simplement très conne. Non, quand j'ai fait un enfant, je ne me suis pas demandée si j'allais pouvoir être devant l'école à 16h30 jusqu'à la fin de mes jours. Et non, je ne suis pas maman 2 jours par semaine et pendant les vacances. Mais, en ce qui me concerne, je sais que renoncer à mon travail serait destructeur, et donc mauvais pour mes enfants.

"Mauvais pour les enfants", c'est surtout ce que retient Filou22 de mon mode de vie. Ce prof regrette que les parents jouent autant avec l'équilibre de leurs petits en rentrant tard à la maison : "Ces enfants ont bien souvent des troubles du comportement (agressivité, hyper activité, impossibilité de respecter les règles en collectivité...) et aussi des troubles de l'apprentissage." C'est sans doute la remarque qui m'a fait le plus mal et dont on m'a le plus parlé. Mais si elle m'a blessée, je la rejette aussi. Cette règle n'existe pas. Une mère au foyer peut tout autant être en craquage, voire maltraitante (Je vous conseille la lecture de Mère épuisée, si vous avez des doutes). Mes enfants finiront peut-être sur le divan d'un psy, mais pas parce que je suis une mère absente. Le temps qu'il me reste, je tente de le partager avec eux. Je les emmène en week-end, en vacances, je regarde les "spectacles" qu'ils inventent, je joue "à la bataille avec eux" et leur raconte des histoires... Je crois plus en ce lien que je tisse quand je suis là, dès que je suis là. Je crois en la force de ce lien plus encore qu'en sa permanence.