Humeur #11: Trop de liberté d'expression tue la liberté d'expression?

Dans cette Humeur de la semaine, Valérie Astruc se penche sur la sacro-sainte liberté d'expression américaine. Nous en parlions dans notre article de mercredi, mais dans le cas de l'attaque de Garland, comment un groupuscule islamophobe a t'il pu organiser un concours de caricatures de Mahomet en toute légalité?

Contrairement à la France, le premier amendement américain sur la liberté d'expression étend une protection quasi-sacrée à la liberté d'expression. Au cours du temps, la portée de l'amendement à d'ailleurs progressivement augmenté grâce aux décisions de la Cour Suprême américaine - autorisant par exemple la diffusion de pornographie dans l'Amérique puritaine au nom de cet amendement. La seule limite, le politiquement correct respecté comme une religion par les médias et les politiciens. Dans cette humeur de la semaine, Valérie Astruc se penche sur ce phénomène typiquement américain.


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Section 215 : Le début de la fin du Patriot Act?

Section 215. Quelques paragraphes dans un document de plusieurs centaines de pages écrites en quelques semaines après les attentats du 11 septembre 2001: le Patriot Act. Mais quelle section! Elle encadre la plupart des programmes d'écoutes domestiques de la NSA et du FBI, la « bulk collection » (collecte en gros) des données. Edward Snowden avait révélé son slogan officieux: « Collect it all! » (Collectez tout!).

Mais après un renouvellement sans problème en 2011, la Section 2015 expire de nouveau le 1er juin prochain. Et le vote sur son renouvellement pourrait bien se transformer en plébiscite pour ou contre la surveillance de masse.

C'est quoi, la Section 215?

Dans le texte, la Section 215 permet aux agences de renseignement américaines une autorisation à un juge pour la collecte de documents et de métadonnées - soit les information sur un échange plutôt que le contenu de l'échange en question - sur un suspect. A priori, le cadre légal est clair, mais le diable se cache dans les détails. Dans la pratique, une requête ne peut pas être ré-examinée une fois approuvée, son application est secrète et sans limite de temps.

Pire, dans un témoignage offert face à une commission du Congrès, le vice-directeur de la NSA explique que l'agence étend couramment le champs d'application d'une autorisation de surveillance à trois intermédiaires au delà de la cible de départ - schématiquement, l'agence est en mesure d'espionner: La cible -> Ses contacts - > Leurs contacts - > Leurs contacts. Une formule exponentielle qui permet de mettre des milliers de personnes sous surveillance à partir d'une seule autorisation.

Aujourd'hui même, une cour fédérale a jugé que la surveillance appliquée par la NSA sous la Section 215 était « injustifiée et sans précédent » et par conséquent illégale. La cour estime que les autorisations de surveillance doivent être mieux encadrées, et que le spectre massif des collectes opérées par la NSA doit être réduit. Selon The Intercept, cet arrêt à lui seul pourrait signifier la fin de la surveillance de masse aux Etats-Unis. Quoi qu'il en soit, il marque l'évolution des mentalités américaines face au phénomène NSA.

L'expiration de la Section 215 est donc une date clé dans le débat sur la surveillance électronique américaine. La Maison Blanche a déjà pris position contre son renouvellement, mais le vote est entre les mains du Congrès.

Et maintenant? 

Contrairement à la France, qui s'est jetée à corps perdu dans la collecte de métadonnées - via les fameuses « boîtes noires » de la nouvelle loi sur le renseignement -, la surveillance de masse fait de plus en plus polémique aux Etats-Unis. En plus de la Maison Blanche, des élus des deux camps se sont prononcés pour un encadrement sévère de la surveillance électronique à l'intérieur du territoire américain. Le Congrès républicain ne dispose donc pas d'une majorité assurée pour renouveler la Section 215, comme le souhaitent pourtant ses deux leaders, John Boehner au Sénat et Mitch McConnel à la Chambre des représentants.

Si la loi n'est pas renouvelée, ça sera la première section du Patriot Act a disparaître sans intervention de la Cour Suprême. On est loin de la fin du Big Brother américain, mais l'espoir est permis.

T.L

Attaque de Garland: Qui sont les extrémistes derrière le concours « Dessinez Mahomet » ?


L'attaque terroriste à Garland dans le Texas by ftv-geopolis

Il n'a fallu que quelques minutes après l'attaque menée par deux islamistes à Garland, dans le Texas, pour qu'apparaissent les premières comparaisons avec la tuerie de Charlie Hebdo. Pourtant, si ce n'est la caricature du prophète Mahomet, rien ne relie les journalistes de Charlie aux organisateurs di concours « Dessinez Mahomet ».

Cette compétition, dotée d'un prix de 10 000$ pour le « meilleur » dessin, était organisée par l'American Freedom Defense Initiative (AFDI - Initiative de Défense la Liberté Américaine), également connue sous le nom de Stop Islamization of America (Arrêtez l'Islamization de l'Amérique), un groupe notoirement hostile aux musulmans. Un groupe répertorié comme un mouvement à caractère haineux par le Southern Poverty Law Center.

Voici un extrait du discours prononcé à Garland avant l'attaque par Geert Wilders, leader du Parti de la Liberté, formation d'extrême-droite néerlandaise et invité d'honneur de l’événement. « Notre culture judéo-chrétienne est de loin supérieure à la culture islamique. Je peux vous donner un million de de raisons, mais il y en a une importante. Nous avons de l'humour et ils n'en ont pas. L'Islam n'autorise pas la liberté d'expression, parce qu'elle montre à quel point l'Islam est mauvais et dangereux. Et l'Islam n'autorise pas l'humour car il montre à quel point l'Islam est ridicule et idiot. »

La première phrase à elle seule tomberait en France dans l'incitation à la haine raciale. Plus que l'absence d'autres victimes, voilà la différence avec Charlie Hebdo.

L'AFDI, organisation récidiviste.

L'idéologie de l'AFDI est centrée autour d'une guerre contre le djihad qui, selon sa fondatrice Pamela Geller, « fait rage aux Etats-Unis ». L'association s'était distinguée pour la première fois en 2012, avec une campagne d'affichage dans le métro de New York clamant: « Dans n'importe quelle guerre entre le sauvage et l'homme civilisé, supportez l'homme civilisé. Supportez Israël. Abattez le djihad. »

Le « musulman sauvage » est un leitmotiv dans les discours de Pamela Geller, elle qui pourtant récuse toute accusation de racisme. Elle préfère parler d'« anti-chariah » et « anti-djihad ». Sur son blog, Pamela Geller affirme quand même que Barack Obama est un musulman caché déterminé à détruire les Etats-Unis depuis la Maison Blanche (sic) et qu'il serait le fils secret de Malcolm X (re-sic).

Attention, il n'est pas ici question d'insinuer que l'attaque était de quelque manière que ce soit méritée ou justifiée. Comme l'explique la police de Garland, il s'agissait sans le moindre doute d'une attaque terroriste.

Mais les agresseurs n'ont pas choisi leur cible par hasard. Cette escalade dans la violence vise une organisation dont la raison d'être est de creuser chaque jour le fossé entre les Etats-Unis et les musulmans du monde.

Les militants d'AFDI mènent leur propre « guerre sainte », alimentée par une rhétorique martiale constante. Dans la promotion de son livre « Arrêter l'islamisation de l'Amérique, guide pratique de la résistance », Pamela Geller parle de son « expérience sur les lignes de front » à propos de la lutte contre la création d'un centre culturel musulman près du site des attentats du 11 Septembre à Manhattan.

AFDI profite à plein des lois ultra-permissives sur la liberté d'expression aux Etats-Unis pour déverser un discours haineux dans le débat public, brouiller les frontières entre musulmans et extrémistes et déguiser un racisme abject en protection des libertés fondamentales. Il est hélas à craindre que l'attaque de Garland ne fasse que leur offrir une nouvelle tribune...

Nous laisserons le dernier mot à Linda Sarsour, musulmane new-yorkaise qui s'exprime dans un article de The Daily Beast: « Pamela Geller a le droit de dessiner n'importe quelle [putain de] caricature, et je défends son droit à le faire. Je défendrai toujours son droit à être une bigote et j'ai le droit de répondre à sa bigoterie par mes propres paroles. »

T.L

Mayweather vs. Pacquiao: Les chiffres hallucinants du combat du siècle

C'est un duel de titans que les fans de boxe attendaient depuis des années. 5, pour être exact, depuis la première fois que le « Combat du siècle » entre Floyd Mayweather et Manny Pacquiao a été programmé pour la première fois au MGM Grand de Las Vegas.

Alors certes, les deux colosses de la boxe mondiale ne sont plus au sommet de leur forme (Pacquiao a 36 ans, Mayweather 38). Certes, les deux boxeurs n'attirent pas particulièrement la sympathie - Mayweather a été plusieurs fois condamné pour violences domestiques, tandis que le député Pacquiao considère que les préservatifs « incitent au péché »...Mais rien ne peut ralentir l'excitation mondiale autour de l’événement. Aux Philippines, la compagnie nationale d'électricité a même du demander à ses clients de couper leur réfrigérateur pendant le combat pour éviter d'avoir affaire à des coupures.

Et pour donner une idée de la démesure du match de demain...Quelques chiffres pris au hasard.

3 titres mis en jeu : Trois titres de champion du monde sont en jeu dans le combat, ceux de la WBA (World Boxing Association), du WBC (World Boxing Council) et de la WBO (World Boxing Organisation).

47 - 0 : Le parcours en carrière de Floyd Mayweather jusqu'à présent. Dont 26 victoires par KO.

57 - 5 -2 : Le parcours en carrière de Manny Pacquiao. Dont 38 victoires par KO.

300 millions de dollars: Les revenus partagés entre les deux boxeurs. Mayweather recevra 180 millions, Pacquiao 120 millions. Si le combat dure 12 rounds, cela correspond à un salaire de 5 millions de dollars par minute pour Mayweather. Largement de quoi mériter son surnom : « Money ».

1500 dollars: Le prix des moins bonnes places dans le MGM Grand le soir du match, elles se sont revendues jusqu'à 4000 dollars sur internet. Une place près du ring coûtait 10 000 dollars à la mise en vente. Les places mises en vente pour le public ont été écoulées en 60 secondes. Pile.

1600 dollars: Le coût de la moins bonne chambre du MGM Grand dans la nuit de samedi à dimanche. Contre 120 dollars en temps normal.

3 millions de dollars pour 900 places : C'est la somme dépensée par Manny Pacquiao, juste pour inviter des amis et sa famille à assister à la rencontre.

Entre 3 et 4 millions de vues en vidéo à la demande : A l'exception des Philippines et des Etats-Unis, le combat est presque exclusivement diffusé en vidéo à la demande. Avec un coût unitaire de 60 dollars, le combat pourrait exploser tous les records de rentabilité pour un match de boxe. Mayeather était à l'affiche du précédent record, dans un combat contre Oscar de la Hoya.

Mariage gay et peine de mort, semaine chargée à la Cour Suprême

Le mariage gay et la peine de mort en deux jours, rien que ça. L'agenda de la Cour Suprême des Etats-Unis a beau être ordinairement chargé, ce début de semaine reste tout de même exceptionnel. Les 9 Justices ont du, en l'espace de deux jours, considérer les arguments des partis dans le dossier Obergefell vs. Hodges, qui pourrait entériner le mariage gay comme un droit constitutionnel et la plainte portée par trois condamnés à mort de l'Oklahoma contre les sédatifs utilisés dans l'état pour anesthésier les condamnés avant l'injection létale.

1Obergefell vs. Hodges: Un moment historique

Le cas examiné mardi sera, quelle que soit son issue, l'un des arrêts les plus importants rendus par la Cour Suprême ces dernières années. Ce dossier provient d'une plainte déposée en 2013 dans l'Idaho par un couple gay, considérant que la loi contre le mariage gay de l'état présentait une discrimination contre les homosexuels légalement mariés hors de l'Ohio. L'un des deux hommes, John Arthur, était atteint d'une sclérose latérale amyotrophique en phase terminale et souhaitait que son partenaire, James Obergefell, puisse être considéré comme son conjoint légal lors de la succession. Malgré l'avis d'une cour locale, l'attorney general de l'Ohio a déclaré vouloir défendre la loi contre le mariage gay de l'état.

Après un avis favorable puis un retournement en cour d'appel, la loi a fait son chemin dans le système judiciaire américain jusqu'à la Cour Suprême, agrégé à plusieurs autres cas. Les couples homosexuels estiment que l'absence de reconnaissance du mariage gay dans certains états présente une discrimination par rapport au 14ème amendement de la Constitution américaine, qui garantit « l'égale protection » des citoyens.

La Cour Suprême a accepté de se saisir du dossier en janvier dernier et, le 17 avril dernier, posé les questions suivantes:
1. Le 14ème amendement oblige t'il un état à autoriser le mariage entre deux personnes du même sexe?
2. Le 14ème amendement oblige t'il un état à reconnaître le mariage de deux personnes du même sexe effectué en dehors de l'état?

Curieusement, la première question posée dépasse le spectre du cas Obergefell. En la posant, la Cour Suprême se donne le pouvoir de régler une fois pour toutes le débat sur la légalité du mariage gay aux Etats-Unis. Si elle estime que la Constitution autorise de fait le mariage gay, il deviendra impossible pour un état de l'interdire. Cela entraînerait de fait une légalisation du mariage gay à l'échelle de l'ensemble des Etats-Unis. Dans le cas inverse, les 50 états seront libre de légiférer sur cette interdiction comme bon leur semble.

Les délibérations sur le sujet sont très serrées et portent sur de nombreux points - la définition du mariage, la liberté religieuse, l'égalité des droits... - mais la plupart des observateurs donnent la Cour en faveur d'une légalisation générale par 5 voix contre 4. Vous pouvez retrouver la position adoptée par les juges lors des auditions de mardi dans cet excellent article de Yahoo News et le résumé du cas par Scotus blog - site d'information spécialisé dans les cas de la Cour Suprême. L'ensemble des délibérations est disponibles à cette adresse.

2L'injection létale est-elle « cruelle et inhabituelle » ?

Si le premier cas examiné par la Cour est un matériel historique, celui-ci serait plutôt le pain quotidien des Justices. Un cas de vie ou de mort (littéralement) qui remet en cause une énorme partie du système judiciaire et légal américain en ne s'intéressant qu'à un point de vue technique.

En l'occurrence, la Cour ne s'intéresse qu'à l'utilisation d'un anesthésique - le midazolam - dans la procédure d'injection létale de l'Oklahoma. Le midazolam est utilisé pour endormir le condamné avant l'injection létale, mais trois prisonniers du couloir de la mort contestent son efficacité. Il y a un an, l'exécution de Clayton Lockett tournait à l'horreur. Sans que l'on connaisse les raisons précises, Lockett s'était mis à se convulser et grogner 14 minutes après avoir été déclaré inconscient, tentant même de se relever de la table après avoir été injecté le produit létal. Malgré l'arrêt de la procédure, il était mort trois quart d'heures plus tard après l'injection du sédatif.

A priori, largement de quoi interdire durablement le midazolam, en vertu du huitième amendement de la Constitution, qui interdit les châtiments« cruels et inhabituels ». Mais les partisans de la peine de mort à la Cour ont également des arguments dans leur besace - le bon fonctionnement du midazolam dans plusieurs exécutions antérieures et surtout, la crainte du mouvement abolitionniste.

En effet, la Cour actuelle est profondément divisée sur la question de la peine de mort. S'il n'est pas question pour la Cour de l'interdire, ses partisans craignent une « guérilla légale » - pour reprendre les mots de l'un des juges - contre les moyens utilisés pour l'appliquer. Les Etats-Unis ont beaucoup de mal à se procurer les produits nécessaires depuis que les compagnies européennes qui les produisent refusent de les vendre si elles doivent servir à des exécutions - pour pallier au problème, certains états préfèrent les pelotons d'exécution.

De l'autre côté, les juges libéraux ont comparé l'injection létale à être « brûlé sur un bûcher » en terme de souffrances infligées. Quoi qu'il en soit, quel que soit le résultat dans ce cas, le débat sur la peine de mort aux Etats-Unis est loin, très loin d'être terminé.

Harder, Faster, Better, Older: L'incroyable activité des seniors américains

Parmi les pays développés, les Etats-Unis sont celui ou les seniors travaillent le plus. Selon une étude du Center on Budget and Policy Priorities basée sur des chiffres de l'OCDE, 29.9% des 65-69 ans maintiennent une activité professionnelle dans le pays. C'est près de trois fois la moyenne de l'OCDE et 5 fois celle de la France (5,9%). Au total, 16,2% des plus de 65 ans américains ont un travail, et les chiffres sont même en hausse depuis 2005 (14,5%).

Nous sommes partis à la rencontre de ces seniors hyperactifs, que ce soit au travail ou à la salle de gym.

Mais comment expliquer une telle tendance à l'activité des seniors? Les facteurs sont sans doute multiples. Du côté négatif, les pensions offertes aux retraités par la Sécurité sociale américaine sont parfois extrêmement faibles, tous comme leurs couvertures santé. Le marché du travail est aussi (beaucoup) plus flexible concernant l'âge de la retraite. Côté positif en revanche, on peut facilement observer dans notre reportage que la culture de l'effort et l'esprit de compétition américains dépassent allègrement la barrière du troisième âge...

Humeur #10: Drones et bavures à répétition

Jeudi, la Maison Blanche a été forcée de reconnaître qu'une frappe de drone menée en janvier dernier au Pakistan sur un complexe utilisé par Al-Qaïda, dans la région tribale frontalière de l'Afghanistan, avait par erreur tué deux otages occidentaux - l'américain Warren Weinstein et l'italien Giovanni Lo Porto.

Au delà de l'émotion provoquée par ces morts, les premiers otages tués dans une frappe de drone - et l'on est d'ailleurs tout à fait en droit de se demander en quoi les milliers de victimes tuées auparavant sont de moindre importance -, cet épisode met en relief des craquelures dans la stratégies des drones à outrance utilisée par Barack Obama.

Dans un esprit de « transparence », l'armée américaine a été forcée de reconnaître que la mission avaient été lancée sur la base d'informations partielles, complétées par des éléments de spéculation. Les renseignements américains savaient que le complexe visé était utilisé par Al-Qaïda. Ils savaient aussi que ce complexe était régulièrement fréquenté par des haut-gradés de l'organisation terroriste et pouvaient lancer une frappe sans viser d'individu en particulier - il s'est toutefois avéré que Ahmed Farouq, un responsable d'Al-Qaïda de nationalité américaine, se trouvait lui aussi dans le complexe.

A partir de ces informations, les militaires américains ont spéculé qu'aucun otage ne se trouvait dans le complexe, car leurs services de renseignement n'avaient jamais trouvé d'otages dans un rayon proche autour des responsables d'Al-Qaïda.

Ils avaient tort. Ils ont souvent tort. C'est l'humeur de Jacques Cardoze cette semaine.


Humeur #10: Les drones d'Obama by ftv-geopolis

Alors, s'agissait t'il d'une erreur des services de renseignement? Al-Qaïda se sert-il désormais de ses otages comme boucliers humains? Dans cette affaire, Obama a accusé « le brouillard de guerre » pour les erreurs commises. Mais même son press secretary Josh Earnest a reconnu que la mort de deux otages allait provoquer des changements dans le protocole utilisé dans l'autorisation des frappes de drone.

Mais fallait-il vraiment attendre la mort d'occidentaux pour en arriver là? Warren Weinstein et Giovanni Lo Porto sont loin d'être les premiers civils à perdre la vie dans les frappes de drones. Selon les estimations du Bureau of Investigative Journalism - utilisées dans cette magnifique infographie qui montre bien l'accélération de l'utilisation des drones sous Obama, mais s'arrête hélas en 2013. En 2014, le Bureau of Investigative Journalism publiait un rapport estimant à 2400 le nombre de civils tués par les drones américains dans le monde en 5 ans. Dans les deux cas, les cibles de haute valeur représentent moins de 2% des victimes recensées.

Le pêché originel de la stratégie des drones date déjà de 2006. A l'époque, le bombardement d'une madrasa, ou les américains espéraient abattre des Talibans, cause la mort de 69 enfants. C'était il y a huit ans, et les ingrédients étaient les même. Renseignements incomplets, gâchette qui chatouille à des milliers de kilomètres et là et au final le massacre intolérable de civils. Pourtant, l'utilisation des drones depuis cette date n'a cessé d'augmenter, au point de devenir le symbole de la politique étrangère d'Obama. Celle d'Etats-Unis qui cherchent à conserver leur engagement à l'étranger sans répéter les erreurs de George W. Bush.

Aujourd'hui, un grand nombre de spécialistes militaires et d'activités humanitaires -qu'on ne retrouve pas souvent dans le même camp- s'accordent à dire que la stratégie des drones est un échec. La précision des frappes est largement remise en cause, elles n'ont pas interrompu le flux de combattants dans le Moyen-Orient, ni permis de victoire militaire décisive contre les Talibans ou l'Etat Islamique. C'est même bien pire, comme l'explique le document Living Under Drones. Les drones américains se devenus le symbole d'un pays qui terrifie les habitants du Pakistan ou du Yémen

Une peur et une injustice qui arrangent les organisations terroristes, qui utilisent de plus en plus l'image des drones dans leurs campagnes de recrutement. Dans le documentaire Drone Review, un pilote américain de drone se demande: « Comment on peut espérer gagner quand à chaque fois que l'on tue 4 terroristes, on en créée 10? »

T.L

 

 

A New-York, Marine Le Pen sur le tapis rouge

Est-il déjà loin, le temps ou Marine Le Pen pourfendait « les élites » éloignées de la réalité? La dirigeante du Front National célébrait cette semaine son entrée dans le top 100 des « personnalités les plus influentes » de Time lors d'une soirée organisée par le magazine à New-York. En robe bleue sur tapis rouge, la seule personnalité politique française inclue dans le classement s'est trouvée au d'un véritable parterre de stars qui la côtoient dans le classement.

Reportage à New-York de Jacques Cardoze et Régis Massini.

Le classement de Time est une vieille tradition américaine. Il célèbre des personnalités de tout horizons, artistes, politiques, humanitaires...Cela dit, comme le fait remarquer le « Christian Science Monitor », l'influence est un concept si subjectif que le Time 100 reflète souvent plus les personnalités dont on parle le plus que celle qui détiennent un véritable pouvoir de décision. On pense notamment à l'inclusion de Kim Kardashian...Ou de Marine Le Pen d'ailleurs.

 

 

Earth Day, la Saint-Valentin de l'écologie?

Happy Earth Day! Le 22 avril, il est difficile d'échapper aux célébrations qui fleurissent à travers les Etats-Unis. Twitter se recouvre de photos de pots de fleurs, les écoliers mènent des opérations de nettoyage bienvenue, les conférences sur l'écologie se multiplient dans les lieux publics et pendant 24h, le premier pollueur mondial ne parle que d'environnement.

A sa création en 1970, suite à une fuite de pétrole à Santa Barbara en Californie, le Earth Day avait entraîné une série de lois environnementales d'importance. L'agence de protection de l'environnement américaine avait été créée la même année, la loi de protection de l'eau passée en 1972 et celle sur la protection des espèces en danger en 1973.

Depuis, les Etats-Unis sont de retour à la traîne. La dernière loi environnementale signée dans le pays date de 1990, visant à réduire le nombre de pluies acides. Depuis, le pays a snobé les accords de Kyoto et l'accord particulier signé avec la Chine a tout d'un paravent. L'administration Obama à beau faire quelques efforts dans le sens de la lutte contre le réchauffement climatique, l'ensemble des textes proposés en ce sens ont été rejetés par le Congrès républicain.

Le discours prononcé par Obama dans les Everglades, ou il s'attaque notamment aux climato-sceptiques, a le mérite d'exister. Mais il ne devrait pas changer grand-chose sans de meilleurs appuis politiques et populaires.

Hélas, comme en témoigne si bien Twitter, Earth Day est devenu à l'écologie ce que la Saint-Valentin est à la romance. Une bonne opportunité d'en parler, à condition d'accepter une avalanche de sponsors et de campagnes marketing dédiée. La plupart des grandes et petites marques et organisations américaines font parler d'elles. Petit florilège:

La meilleure solution pour l'environnement est-elle de retirer des humains? En tout cas, le fabricant d'armes à feu Glock vous souhaite un joyeux Earth Day.

L'industrie du fast-food, notoirement adepte des bonnes pratiques environnementales, vous présente sa planète rêvée.

Difficile de trouver plus eco-friendly que l'industrie de l'automobile. General Motors vous donne des leçons pour préserver la planète (sic).

Si l'on devait présenter un dernier exemple de la vacuité commerciale dans laquelle s'est engoncée le Earth Day, on pourrait citer le grand concert organisé à Washington le 18 avril dernier.

Tandis que les conférenciers avaient du mal à se faire entendre face à une foule distraite, c'est bel et bien les performances des stars -Usher, No Doubt, Fall Out Boy- qui ont attiré plusieurs dizaines milliers de personnes. Comme le note le Washington Post avec ironie, le mouvement spontané s'est transformé en opportunité commerciale dont les sponsors officiels comptent Google, Caterpillar ou encore Toyota. Un dernier morceau d'ironie, les spectateurs du concert le plus écolo de l'année ont laissé le fameux Mall dans un état...discutable.

T.L

Les Experts: Faux témoignages

Un véritable scandale secoue actuellement les sections de la police scientifique du FBI. Suite à une enquête du Washington Post, l'agence a été contrainte d'examiner le travail et le témoignage de certains de ses laboratoires légaux, notamment celui en charge de la comparaison microscopique des cheveux - entre ceux retrouvés sur les lieux de crime et les suspects.

Les résultats sont consternants. Après avoir examiné 268 procès sur une liste de plus de 2500 cas, l'agence a déjà reconnu que de 1980 à 2000, 95% des résultats offerts par les experts de certains laboratoires étaient biaisés en faveur de l'accusation. Les experts sont notamment accusés d'avoir affirmé à de nombreuses reprises pouvoir sans hésitation relier un suspect à un crime, grâce à des statistiques scientifiques erronées. Il n'existe en réalité aucune recherche sur la similarité que peuvent avoir les cheveux de deux personnes différentes.

Ainsi, malgré les exploits des Experts de la télévision, il est presque impossible d'affirmer avec certitude qu'un cheveu appartient à une personne en particulier. D'ailleurs, la procédure du FBI avait changé en l'an 2000, et les examens de cheveux sans tests ADN ne permettent plus que d'écarter des suspects, et plus à lier un individu à un crime.

32 condamnés à mort

Mais que va t'il arriver maintenant? La plupart des procès se sont joués il y a au moins 15 ans, mais 32 d'entre eux ont abouti à des condamnations à mort. De ces 32, 14 ont déjà été exécutés ou sont morts en prison. La révélation de ces erreurs pourrait ouvrir de nouveaux appels pour le reste, et tout les condamnés concernés par les témoignages mensongers des experts.

Il faut bien sûr apporter une nuance. Aucun procès n'est sensé se jouer sur le témoignage d'un unique expert et dans de nombreux cas d'autres preuves étaient venues peser conter le suspect.

Toutefois, comme l'expliquent la plupart des juges et avocats, les américains adorent leur police scientifique et de nombreux procès criminels ressemblent à présent à des duels d'experts. Les promesses d'un expert du FBI dans ce contexte pèsent un poids très lourd, quand ledit expert est à la solde de l'accusation.

L'aveu du FBI ouvre la voie à une série de nouveaux procès, dans des cold-cases parfois vieux d'une trentaine d'années et ou il sera presque impossible de réutiliser les preuves matérielles de l'époque.

T.L