Mariage gay et peine de mort, semaine chargée à la Cour Suprême

Le mariage gay et la peine de mort en deux jours, rien que ça. L'agenda de la Cour Suprême des Etats-Unis a beau être ordinairement chargé, ce début de semaine reste tout de même exceptionnel. Les 9 Justices ont du, en l'espace de deux jours, considérer les arguments des partis dans le dossier Obergefell vs. Hodges, qui pourrait entériner le mariage gay comme un droit constitutionnel et la plainte portée par trois condamnés à mort de l'Oklahoma contre les sédatifs utilisés dans l'état pour anesthésier les condamnés avant l'injection létale.

1Obergefell vs. Hodges: Un moment historique

Le cas examiné mardi sera, quelle que soit son issue, l'un des arrêts les plus importants rendus par la Cour Suprême ces dernières années. Ce dossier provient d'une plainte déposée en 2013 dans l'Idaho par un couple gay, considérant que la loi contre le mariage gay de l'état présentait une discrimination contre les homosexuels légalement mariés hors de l'Ohio. L'un des deux hommes, John Arthur, était atteint d'une sclérose latérale amyotrophique en phase terminale et souhaitait que son partenaire, James Obergefell, puisse être considéré comme son conjoint légal lors de la succession. Malgré l'avis d'une cour locale, l'attorney general de l'Ohio a déclaré vouloir défendre la loi contre le mariage gay de l'état.

Après un avis favorable puis un retournement en cour d'appel, la loi a fait son chemin dans le système judiciaire américain jusqu'à la Cour Suprême, agrégé à plusieurs autres cas. Les couples homosexuels estiment que l'absence de reconnaissance du mariage gay dans certains états présente une discrimination par rapport au 14ème amendement de la Constitution américaine, qui garantit « l'égale protection » des citoyens.

La Cour Suprême a accepté de se saisir du dossier en janvier dernier et, le 17 avril dernier, posé les questions suivantes:
1. Le 14ème amendement oblige t'il un état à autoriser le mariage entre deux personnes du même sexe?
2. Le 14ème amendement oblige t'il un état à reconnaître le mariage de deux personnes du même sexe effectué en dehors de l'état?

Curieusement, la première question posée dépasse le spectre du cas Obergefell. En la posant, la Cour Suprême se donne le pouvoir de régler une fois pour toutes le débat sur la légalité du mariage gay aux Etats-Unis. Si elle estime que la Constitution autorise de fait le mariage gay, il deviendra impossible pour un état de l'interdire. Cela entraînerait de fait une légalisation du mariage gay à l'échelle de l'ensemble des Etats-Unis. Dans le cas inverse, les 50 états seront libre de légiférer sur cette interdiction comme bon leur semble.

Les délibérations sur le sujet sont très serrées et portent sur de nombreux points - la définition du mariage, la liberté religieuse, l'égalité des droits... - mais la plupart des observateurs donnent la Cour en faveur d'une légalisation générale par 5 voix contre 4. Vous pouvez retrouver la position adoptée par les juges lors des auditions de mardi dans cet excellent article de Yahoo News et le résumé du cas par Scotus blog - site d'information spécialisé dans les cas de la Cour Suprême. L'ensemble des délibérations est disponibles à cette adresse.

2L'injection létale est-elle « cruelle et inhabituelle » ?

Si le premier cas examiné par la Cour est un matériel historique, celui-ci serait plutôt le pain quotidien des Justices. Un cas de vie ou de mort (littéralement) qui remet en cause une énorme partie du système judiciaire et légal américain en ne s'intéressant qu'à un point de vue technique.

En l'occurrence, la Cour ne s'intéresse qu'à l'utilisation d'un anesthésique - le midazolam - dans la procédure d'injection létale de l'Oklahoma. Le midazolam est utilisé pour endormir le condamné avant l'injection létale, mais trois prisonniers du couloir de la mort contestent son efficacité. Il y a un an, l'exécution de Clayton Lockett tournait à l'horreur. Sans que l'on connaisse les raisons précises, Lockett s'était mis à se convulser et grogner 14 minutes après avoir été déclaré inconscient, tentant même de se relever de la table après avoir été injecté le produit létal. Malgré l'arrêt de la procédure, il était mort trois quart d'heures plus tard après l'injection du sédatif.

A priori, largement de quoi interdire durablement le midazolam, en vertu du huitième amendement de la Constitution, qui interdit les châtiments« cruels et inhabituels ». Mais les partisans de la peine de mort à la Cour ont également des arguments dans leur besace - le bon fonctionnement du midazolam dans plusieurs exécutions antérieures et surtout, la crainte du mouvement abolitionniste.

En effet, la Cour actuelle est profondément divisée sur la question de la peine de mort. S'il n'est pas question pour la Cour de l'interdire, ses partisans craignent une « guérilla légale » - pour reprendre les mots de l'un des juges - contre les moyens utilisés pour l'appliquer. Les Etats-Unis ont beaucoup de mal à se procurer les produits nécessaires depuis que les compagnies européennes qui les produisent refusent de les vendre si elles doivent servir à des exécutions - pour pallier au problème, certains états préfèrent les pelotons d'exécution.

De l'autre côté, les juges libéraux ont comparé l'injection létale à être « brûlé sur un bûcher » en terme de souffrances infligées. Quoi qu'il en soit, quel que soit le résultat dans ce cas, le débat sur la peine de mort aux Etats-Unis est loin, très loin d'être terminé.

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