Le vote des personnes handicapées détermine-t-il le sort de l'élection ?

Le vote des personnes handicapées détermine-t-il le sort de l’élection présidentielle américaine ? A en croire une “légende tenace”, la réponse paraît acquise :

George Bush ayant inscrit dans son programme de campagne, la promesse de faire passer l’ADA (Americans with Disabilities Act), les suffrages des personnes handicapées auraient fait basculer l’élection de son côté en 1988”, rappelle Pierre-Yves Baudot (1), professeur de science politique à l’Université de Picardie.

 

À l’approche de l’élection présidentielle du 8 novembre, la mobilisation de ces quelques 34,5 millions d'électeurs potentiels constitue un enjeu non négligeable pour Hillary Clinton et Donald Trump. Certains chercheurs, comme Douglas Kruse et Lisa Schur (2), vont jusqu’à affirmer que le vote des personnes handicapées pourrait faire basculer quelques-uns des “Swing States” - "la Floride et la Caroline du Nord" - et “déterminer ainsi tout ou une partie de l’issue du scrutin”.

UN POIDS ÉLECTORAL IMPORTANT

Aux États-Unis, les personnes handicapées représentent près d'un cinquième du corps électoral, selon une étude conduite par le Centers for Disease Control and Prevention. Un nombre d’électeurs potentiels non négligeable, d’autant que ce chiffre ne prend pas en compte les familles (30%), les conjoints, les amis ou encore le corps médical, également exposés aux problèmes du handicap.

Dans une élection serrée, la mobilisation  de ce segment de la population est d’autant plus crucial que “leur niveau de participation est inférieur au taux moyen (lui-même peu élevé)”, explique le politologue Pierre-Yves Baudot.

DES POPULATIONS “DISENFRANCHISED”

Mais “dans les bureaux de vote, c’est souvent l’épreuve, confie Lydia X. Z. Brown, une activiste autiste, diplômée de la prestigieuse Université de Georgetown :

Pour beaucoup de personnes handicapées, voter s’avère très difficile : les bureaux de vote sont loins, parfois inaccessibles en transport collectif ou gérés par des personnes qui ne comprennent pas le rôle des aides à la personne, pourtant nécessaires lorsque l’on est invalide. Pire, certains handicapés sous tutelle peuvent être privés de leur droit de vote”.

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Lydia X. Z. Brown, activiste autiste

En 2005, ils étaient 30% à avoir rencontré des difficultés pour se rendre aux urnes. Comme l’explique Pierre-Yves Baudot :

Ces populations font partie de ce que plusieurs spécialistes de la participation électorale appellent des populations « disenfranchised », c’est-à-dire des personnes auxquelles le droit de vote est en pratique retiré, contribuant à cette distorsion de plus en plus insupportable entre l’électeur médian et l’américain moyen, le premier étant blanc, mâle et plus riche que le second”.

La mobilisation des personnes handicapées dépend donc de plusieurs facteurs, à commencer par les politiques publiques de mise en accessibilité des bureaux de vote et les campagnes de communication - particulièrement importantes cette année, autour du hashtag #cripthevote, destiné à favoriser les échanges autour de l’enjeu du handicap, entre les hommes politiques et les électeurs de tout bord.

UN ÉLECTORAT POLITIQUEMENT PARTAGÉ

Contrairement à une affirmation devenue lieu commun, “toutes les personnes  handicapées ne sont pas démocrates”, précise Kathy Brandt, une retraitée aveugle qui s’apprête à voter pour Donald Trump.

Dans  "People with Disabilities: Sidelined or Mainstreamed", Douglas Kruse et Lisa Schur montrent bien qu’en termes de positionnement partisan, les personnes handicapées sont relativement partagées. Les intentions de vote pour l’élection présidentielle de 2016 le confirment : d’après un sondage publié par le Pew Research Center le 22 septembre, l’écart entre Hillary Clinton (47%) et Donald Trump (40%) est de seulement 7 points.

LE SOCIAL AVANT LE HANDICAP

La seule revendication spécifique à ce groupequelle que soit son orientation partisane, est son souhait de voir l’État intervenir davantage dans les politiques d’emploi, d’éducation et de santé.

Sur ce point, “le contraste entre les deux principaux candidats est saisissant”, note un soutien d’Hillary Clinton, qui garde toujours en mémoire l’imitation humiliante d’un journaliste handicapé par Donald Trump.

En réalité, le candidat républicain n’a pas attendu la campagne de la primaire pour afficher son mépris envers les personnes handicapées. Dans "Crippled America" paru en 2011, l’ex-homme d’affaire avait déjà dénoncé l’existence d’un présumé racket des handicapés (Disability racket”), lequel était chiffré, sous sa plume, à 25 milliards de dollars.

Si Hillary Clinton ne propose “pas de solution radicalement nouvelle”, estime Pierre-Yves Baudot - elle indique vouloir appliquer pleinement l’Americans with Disabilities Act adopté en 1990 et révisé par l’American With Disabilities Act Amendment Act ADAAA en 2008. Sa vaste opération de séduction et ses différentes propositions en faveur des personnes handicapées pourraient s'avérer électoralement payant.

Depuis le début de la campagne, la candidate démocrate plaide en effet pour le renforcement des politiques de soutien à l’emploi et d’accessibilité des écoles pour les personnes en situation d’invalidité.

“UNE NOUVELLE MISE EN RÉCIT D’UN PROBLÈME PUBLIC”

Hillary Clinton a fait de la question du handicap l’un de ses thèmes de campagne, “en posant d’abord la question de l’autisme, puis plus frontalement, la question des inégalités économiques liées au handicap à Orlando”, rappelle le politologue Pierre-Yves Baudot.

Pour ce chercheur :

Le discours d’Orlando s’inscrit dans la construction progressive de cet enjeu dont l’équipe d’Hillary Clinton aimerait sans doute qu’il devienne saillant - c’est-à-dire que ce soit l’un des enjeux qui déterminent les choix des électeurs. Il ne s’agit pas, pour elle, de prendre simplement position, tous les candidats le font, mais de prendre possession de l’enjeu en proposant une nouvelle mise en récit d’un problème public.

Ce cadrage autour des inégalités économiques découlant des diverses discriminations dont sont l’objet les personnes handicapées est relativement nouveau, la question ayant aux États-Unis été davantage posée en termes de droits civils qu’en termes de droits sociaux”.

Si, comme l'affirme Douglas Kruse, cette question est susceptible de “déterminer tout ou une partie de l’issue du scrutin”, il est moins sûr, en revanche, qu'elle soit abordée tout court lors du premier débat entre Donald Trump et Hillary Clinton, ce soir.

Clara Tran


FullSizeRender (5)(1) Pierre-Yves Baudot est professeur de science politique à l’Université de Picardie – Jules Verne et chercheur au Centre Universitaire de Recherche sur l’Action Publique et Politique (CURAPP). Il a codirigé, avec Anne Revillard, "L’Etat des droits. Politique des droits et pratiques des institutions" (Presses de Sciences Po, 2015). Ses recherches portent principalement sur les politiques du handicap en France et sur les instruments de réformes de l’administration publique.

 

MJW_7814MJW_7898(2) Douglas Kruse et Lisa Schur sont chercheurs à Rutgers University. Spécialistes du rapport des personnes handicapées à l'économie et à la politique, ils ont publié ensemble "People with Disabilities: Sidelined or Mainstreamed?" (Cambridge University Press, 2014).

"Si un candidat à la présidentielle veut remporter l'élection, il doit gagner entre 40 et 45% de votes Hispaniques."

Laura Chinchilla a été la première femme élue présidente de la République du Costa Rica (2010-2014). A la fin de son mandat, elle a déménagé aux Etats-Unis avec sa famille. Elle vit maintenant à Washington D.C. et travaille comme consultante pour des organisations internationales. Elle est également professeur à l’Université Georgetown et reste active dans la communauté Hispanique.

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Le vote Latino-Américain depuis 1980. Pew Research Center

Laura Chinchilla s’exprime sur l’impact du vote Latino-Américain sur l’élection présidentielle de novembre prochain.

FRANCE 2. 13% des électeurs seront Hispaniques cette année. Concrètement, quel est le poids du vote Latino-Américain dans cette élection présidentielle ? Pourrait-il changer la donne ?

Laura Chinchilla. Selon les statistiques, le vote Hispanique est de plus en plus conséquent, mais je tiens à souligner que beaucoup de Latino-Américains ne s’enregistrent pas pour voter, et s'ils le font, la plupart d'entre eux ne vont même pas aux urnes le jour de l’élection.

FRANCE 2. Pourquoi décident-ils de ne pas voter au final ?

Laura Chinchilla. Ils ne sont pas intéressés par la politique. Petit à petit, ils réalisent qu’ils faut qu’ils participent plus et qu’ils votent s'ils veulent influencer la décision finale, mais il y a encore du chemin !

Selon les estimations, si un candidat à la présidentielle veut remporter l'élection, il doit gagner entre 40 et 45% de votes Hispaniques. Ce qu’il se passe en ce moment c’est que la plus part des Latino-Américains sont contre le Parti républicain. C’est pour cette même raison que beaucoup de démocrates pensent que Donald Trump ne pourrait pas devenir président : une infime partie des Latinos vont voter pour lui.

FRANCE 2. « Ils apportent avec eux la drogue. Ils apportent le crime. Ce sont des violeurs ». Voilà certaines déclarations de Donald Trump à propos les Latinos. Et pourtant, certains Hispaniques votent tout de même pour le Parti républicain. Selon un sondage récent, 18% d’entre eux comptent voter pour Donald Trump le 8 novembre prochain. Comment pouvez-vous expliquer cette intention de vote tout de même élevée pour un candidat républicain ?

Laura Chinchilla. Lorsque l'on interroge la population hispanique, 30% d’entre eux expliquent que ce qui compte vraiment, c’est l’économie et l’emploi. Le plus souvent ils disent que l’immigration n’est pas un problème.

 L’immigration arrive seulement en quatrième position. Donc le problème ici ce n’est pas si Donald Trump est contre l’immigration ou si Hillary Clinton en est en faveur, mais plus la façon dont les candidats s’adressent à eux et se sentent concernés par leur préoccupations.
Les préoccupations premières des Latinos-Americains sont l'économie et les soins de santé.

Les préoccupations premières des Latinos-Américains sont l'économie et les soins de santé.

 

 FRANCE 2. Le réel problème serait donc que les Latino-Américains ne trouveraient pas un candidat qui correspond à leurs attentes. Qu'est ce que les candidats pourraient faire pour gagner le soutien des Latino-Américains?

Laura Chinchilla. Ils devraient être capable de comprendre les besoins de cette communauté. Chose que tout candidat voulant remporter une élection est censé faire.

Les Latino-Américains sont très traditionnels et la famille est très importante pour eux, tout comme pour les républicains. Ils ont une opportunité de remporter des votes ici, mais ils n’en profitent même pas.

FRANCE 2. Vous insinuez que le Parti républicain pourrait remporter plus de votes Hispaniques, mais ils n’essayeraient même pas?

Laura Chinchilla. Exactement. Ils devraient se concentrer sur les valeurs familiales. Par exemple beaucoup de Latino-Américains sont contre l’avortement, tout comme les républicains. Pourtant, ils n’utilisent pas ces sensibilités similaires pour remporter des voix.

FRANCE 2. L’actuel président des Etats-Unis, Barack Obama est noir. Si Hillary Clinton est élue présidente, elle serait la première femme élue à ce poste aux Etats-Unis. Pensez-vous que les Américains seraient prêts à élire un président Hispanique lors d'une prochaine élection?

Laura Chinchilla. Je pense que les Etats-Unis sont prêts à avoir un président Latino-Américain, parce ce qu’ils étaient prêts pour Barack Obama et ca veut dire beaucoup dans ce pays. Ce qu’il ne faut pas oublier aussi c’est que parfois il ne faut pas se focaliser sur l’origine ou le genre mais plus si le candidat a un programme intéressant ou pas.

Propos recueillis par Clémentine Boyer Duroselle

 

"L'idée qu'un Président puisse être une femme choque"

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Christine Delphy, le 9 février 2016 à la London School of Economics

Depuis le début de la campagne présidentielle américaine, Hillary Clinton et Donald Trump sont au coude à coude dans les sondages. Malgré ses expériences, l'ancienne secrétaire d'Etat ne parvient pas à creuser l’écart avec son rival businessman, ouvertement misogyne et relativement novice en politique. La faute au « sexisme», comme l'a soutenu, dimanche soir, le président Obama ? La campagne présidentielle américaine est-elle structurée par des effets de genre ? Eléments de réponse avec Christine Delphy, sociologue, directrice de recherche émérite au CNRS et cofondatrice avec Simone de Beauvoir, en 1981, de la revue Nouvelles Questions Féministes.                      

FRANCE 2. Le président Obama a affirmé, dimanche soir, à New York, que le sexisme dans la société américaine constituait un frein pour Hillary Clinton. Êtes-vous d'accord avec ce constat?

Christine Delphy. Evidemment, oui. L'idée qu'un Président puisse être une femme choque autant les opinions publiques, sinon plus que celle qu'il puisse être noir. Rappelons qu'aux Etats-Unis, le suffrage a été donné aux hommes noirs un demi-siècle avant les femmes et qu'ils ont pu accéder aux positions de pouvoir, plus rapidement.

FRANCE 2. Hillary Clinton n'hésite pourtant pas à mettre en avant sa féminité. Sur son compte Twitter, elle se définit à travers 10 substantifs. Les termes d’ « épouse », de « mère » et de « grand-mère » arrivent en première position là où celui de « candidate à la présidentielle de 2016 » est placé en dernier. Comment analysez-vous la "présentation de soi" de la candidate ? Que révèle-t-elle de l'usage stratégique de la féminité en politique ?

Christine Delphy. Ce n'est pas un "usage stratégique". C'est se prémunir contre les accusations de ne pas être une "vraie" femme.

FRANCE 2. Quelles sont les particularités des représentations sociales sur les femmes politiques ?

Christine Delphy. Les femmes politiques doivent à la fois être de "vraies" femmes, et donc être incapables d'être présidentes, et démontrer qu'en dépit de cela, elles en sont capables. C'est ce qu'on appelle le double bind, la double contrainte ou injonction contradictoire.

FRANCE 2. Depuis le début de la campagne, les deux candidats ne sont pourtant pas limités à des caractéristiques de genre fixées sur leur sexe : Hillary Clinton est accusée de « froideur » là où Donald Trump est raillé pour son « incompétence » et son « inexpérience ». Assiste-t-on à un glissement des statuts possibles de la féminité et de la masculinité en politique ?

Christine Delphy. Non. Les femmes vont être et sont la plupart du temps condamnées parce qu'elles sont de "vraies" femmes, et en même temps condamnées dès lors qu'elles montrent des traits réservés aux hommes : la "froideur"  –  dont aucun candidat masculin n'a jamais été accusé.

FRANCE 2. La victoire d’Hillary Clinton représenterait-elle, selon vous, une avancée pour les femmes ?

Christine Delphy. Non. Hillary Clinton n'a pas fait de la cause des femmes, son combat principal. Si elle l'avait fait, cela aurait été terrible pour sa candidature. Elle aurait sans doute du inscrire ce combat dans le cadre d'une lutte générale contre les discriminations subies par les minorités.

Propos recueillis par Clara Tran

 

Les enfants adoptés aux Etats-Unis entre les années 1950 et 1980 n’ont pas reçu la nationalité américaine.

Pendant des décennies, les Etats-Unis n’ont pas reconnu les enfants étrangers adoptés par des Américains comme citoyens américains.

Visa d'un bébé né en Corée du Sud pour retourner aux Etats-Unis avec ses nouveaux parents. Photo de Kyong-Ah Jong

Visa d'un bébé né en Corée du Sud pour retourner aux Etats-Unis avec ses nouveaux parents. Photo de Kyong-Ah Jong

Après la seconde guerre mondiale, beaucoup d’Américains ont adopté des enfants en Allemagne. Après la guerre de Corée, environ 100 000 Coréens ont été adoptés par des Américains. L’histoire se répète pour la guerre du Vietnam, et la révolution iranienne. Adopter des enfants à l’étranger était très populaire aux Etats-Unis jusqu'aux années 2000. Le processus était simple et le délai d’attente très court. Pour le plus grand bonheur des parents qui pouvaient ramener à la maison leur bébé de quelques mois seulement. Ces enfants ont été élevés aux Etats-Unis, et leur langue maternelle est l’anglais.

En grandissant, ils ont voulu voyager, et ont demandé des passeports. Demandes rejetées.

Ils ont voulu aller à l’Université et ont demandé des prêts étudiants. Demandes rejetées.

Petit à petit ces enfants sont devenus grands et ont découvert qu’ils n’avaient pas la nationalité américaine.

Il leur était impossible de trouver du travail. Pire, ils ont découvert qu’ils étaient sur le sol américain illégalement. Certains d’entre eux ont même été deportés dans leur pays de naissance.

A ce moment là, il n’y avait que très peu de supervision et les agences d’adoption étaient elles-mêmes mal informées. Les parents n’étaient alors pas au courant qu’il fallait demander à ce que leur enfant devienne citoyen américain.

Document prouvant que Kyong-Ah Jong, utilisant maintenant le prénom Jane est devenue une citoyenne Américaine. Photo de Kyong-Ah Jong

Document prouvant que Kyong-Ah Jong, utilisant maintenant le prénom Jane, est devenue une citoyenne américaine.
Photo de Kyong-Ah Jong

Aujourd’hui beaucoup de parents d’enfants adoptés à l’étranger se retournent contre le gouvernement américain.

Selon le Service d’Immigration et de Citoyenneté américain, un enfant adopté à l’étranger par des parents américains reçoit automatiquement la nationalité américaine. Mais la subtilité de ce message - et ce que peu de personnes savaient à l’époque - c’est que les parents doivent en faire la demande.

Par "automatiquement", le Service d’Immigration et de Citoyenneté américain entend que les parents n’ont pas besoin de postuler, d'entrer dans un long processus pour que les enfants deviennent Américains, plus simplement ces enfants sont dans le droit d’acquérir la même nationalité que leur parents, mais il faut la demander.  Une procédure simplissime mais inconnue par les personnes concernées.

Par "automatiquement", les parents et beaucoup d'agences d’adoption pensaient qu’ils n’avaient aucune démarche à faire. Erreur. En arrivant sur le sol américain, ces enfants ont reçu le statut de résident permanent, mais ne savaient pas qu’il fallait renouveler leur carte de résident permanent régulièrement. Une fois que la carte est périmée, il devient compliqué de la renouveler.

Ils ont grandi avec les avantages d’être Américains, sans savoir qu’ils ne l’étaient pas.

En grandissant, ces enfants ont pu obtenir un numéro de sécurité social, passer leur permis de conduire, certains ont même pu voter! Mais lorsqu’ils ont voulu renouveler un document officiel, les documents administratifs qu’ils avaient n’étaient plus suffisants.

Que s’est-il passé entre temps?

Le gouvernement est devenu beaucoup plus strict à la fin des années 90 et début des années 2000, et demandait plus de justificatifs pour renouveler ou acquérir des documents officiels.

The Child Citizenship of 2000

"The Child Citizenship of 2000"

Lorsque le pot au roses à été découvert à la fin des années 90, le gouvernement a réagi et une loi a été votée  «The Child Citizenship Act» en février 2001. Cette loi garantit la nationalité américaine pour tout enfant de moins de 18 ans adopté à l’étranger. Plus de 100 000 adoptés ont pu en bénéficier.

Mais que se passe t-il pour ceux qui ont plus de 18 ans?

Beaucoup d’entre eux sont explusés.

Photo de famille de Ki Hong. Il avait 2 ans lorsqu'il a été adopté par des parents Américains

Photo de famille de Ki Hong. Il avait 2 ans lorsqu'il a été adopté par des parents américains

Ki Hong en a fait les frais. Dans une interview au Washington Post le 2 septembre dernier, il explique qu’il s’est retrouvé apatride. Il avait plus de 18 ans lorsque le «Child Citizenship Act» a été voté, il est donc susceptible d’expulsion. Il vit maintenant comme un immigrant illégal, ayant peur d’être renvoyé à tout moment vers un pays qu’il ne connait, et dont il ne parle même pas la langue.

Une seconde loi pour faire justice

Depuis novembre 2015, la sénatrice démocrate de l’Etat du Minnesota, Amy Klobuchar se bat pour proposer une seconde loi, incluant cette fois-ci les enfants ayant plus de 18 ans, «the Adoptee Citizenship Act». Cette loi est toujours en attente d’être votée. « Ces enfants adoptés ont grandi dans des familles américaines, sont allés dans des écoles américaines, vivent comme des américains typiques. Cette menace constante [d’être renvoyé] est injuste, nous devons reconnaitre les adoptés internationaux comme citoyens américains, » explique t-elle.

La sénatrice démocrate de l’Etat du Minnesota, Amy Klobuchar propose une seconde loi, incluant cette fois-ci les enfants ayant plus de 18 ans.

La sénatrice démocrate de l’Etat du Minnesota, Amy Klobuchar propose une seconde loi, incluant cette fois-ci les enfants ayant plus de 18 ans.

De nos jours, les ambassades et agences d’adoption internationales sont bien mieux informées, et ce genre de déboires n'est plus d’actualité.

Cependant, plus de 75 000 adoptés sont encore dans l’attente d’une régularisation de leur statut.

 

Clémentine Boyer Duroselle

[Vidéo] Aux Bahamas, des îles de milliardaires à vendre

Des plages de sable fin, une eau turquoise... les Bahamas offrent un paysage de rêve. L'archipel compte pas moins de 700 bouts de terre, éparpillés sur 260 000km2. Et de nombreux îlots y sont à vendre, des morceaux de paradis accessibles, pour la plupart, seulement par avion privés.

Johnny Depp, Shakira, Beyoncé, Bernard Arnault ou encore David Copperfield comptent parmi les propriétaires d'îles dans le pays. Sur d'autres îlots, des hôtels ou des résidences sont en cours de construction, avec toujours une volonté de protéger la nature et de rester à l'écart des paquebots de croisière qui passent au large.

Pour les Bahaméens, la ruée vers les îles est à la fois une aubaine et une inquiétude. Le tourisme réussira-t-il à coopérer avec la nature et les pêcheurs ?

Suivez l'équipe de France 2 Washington aux Bahamas.

Les mots et l'urgence : comment trouver un juste milieu ?

Quand un nouvel événement montre que la communication de crise n'est pas quelque chose d'inné... 

1er round, les réactions à chaud

Samedi soir, une bombe a explosé en plein coeur de Manhattan, dans le quartier de Chelsea. Pendant plusieurs heures, rien ne filtre concernant l'origine de l'explosion, et les autorités, manquant d'informations, prennent longtemps des pincettes pour désigner la nature de l'explosion.

Mais tout le monde n'a pas pris ce genre de précaution. Donald Trump, à peine descendu de son avion pour donner un meeting à Colorado Spring, dans le Colorado, s'est empressé de dire à ses électeurs qu'une "bombe" avait explosé à New York - alors même qu'à ce moment-là, personne ne savait ce qu'il s'était réellement passé.

Le candidat républicain a ensuite été très critiqué pour avoir parlé si tôt et sans rien savoir. Cependant, l'empressement était le même côté démocrate, puisqu'Hillary Clinton a employé le même terme à peu près au même instant, alors qu'elle s'adressait à des journalistes dans son avion de campagne.

Mais cela n'a été découvert que plus tard. En effet, la chaîne d'informations CNN, qui couvrait l'événement, est accusée d'avoir trafiqué les images d'Hillary Clinton, et d'avoir coupé toutes mentions d'une "bombe." C'est un journaliste d'ABC, présent dans l'avion de campagne, qui a plus tard révélé le pot aux roses. Bref, alors que les médias sont souvent accusés de parler sans aucune confirmation, les deux candidats à la présidentielle ont prouvé ce week-end qu'ils en étaient eux aussi capables, et que leur communication de crise est peut-être à revoir.

2ème round, les confirmations

Après une journée de dimanche plutôt confuse et aux informations contrastées, les autorités annoncent, lundi, qu'un suspect est recherché. Il s'agit d'Ahmad Khan Rahami, un homme de 28 ans, qui sera arrêté quelques heures plus tard dans l'Etat du New Jersey, proche de la ville de New York.

Hillary Clinton et Donald Trump prennent rapidement la parole. On retrouve alors les clivages traditionnels, redondants pendant cette campagne. D'un côté la candidate de "l'expérience" et de "l'unité" face à la menace terroriste. De l'autre celui adepte de l'adage "il vaut mieux prévenir que guérir," qui a argué hier en faveur du profilage.

La confirmation de la bombe a également donné à Trump l'occasion de se réjouir, puisqu'il s'est donc avéré qu'il disait vrai quand il parlait de "bombe" dès samedi soir. Un point qu'il n'a pas manqué de relever, hier pendant une intervention : "Je devrais être journaliste," a-t-il dit pendant une interview sur la chaîne de télévision Fox News, "car j'ai donné l'information avant les autres. Et ce que j'ai dit était tout à fait vrai."

Hillary Clinton, quant à elle, a incité à la modération : "Devant de tels événements, c'est important de connaître les faits avant de pouvoir s'exprimer. Il est plus sage d'attendre d'avoir toutes les informations en main, avant de faire des conclusions hâtives.

Vers quel 3ème round ?

Deux candidats, deux styles. Ce n'est pas une nouveauté, mais, pour tous les électeurs américains, c'est une piqûre de rappel, à tout juste une semaine du premier débat télévision qui opposera Clinton et Trump. L'attaque sera-t-elle un sujet du débat ?

En tous cas, la sécurité intérieure sera au menu. D'autant qu'Ahmad Khan Rahami, né en Afghanistan, est au Etats-Unis depuis très longtemps et a obtenu la nationalité américaine. Comment gérer ces radicalisations, qu'on appelle aux Etats-Unis homegrown terrorism (= terrorisme intérieur) ?

Les premières ébauches de programmes de déradicalisation sont en cours aux Etats-Unis. En avril, dans le Minnesota, quatre hommes accusés d'avoir apporté un soutien matériel à l'organisation Etat islamique avaient été présentés à Daniel Koehler, un expert allemand de la déradicalisation, pour qu'il puisse se prononcer sur leurs chances de réhabilitation.

Autre exemple réussi : il y a deux semaines, Jesse Morton, un ancien recruteur d'Al-Qaïda maintenant repenti, faisait son entrée au sein de la prestigieuse George Washington University, pour enseigner au Centre de cybersécurité et de sécurité intérieure. L'homme avait passé plus de 10 ans derrière les barreaux, d'abord pour trafic de drogue, puis pour avoir monter un groupuscule sur Internet, appelant ouvertement à tuer des Américains. C'est pendant son séjour en prison que le FBI assure être parvenu à le déradicaliser.

A.P.

 

Une partie de cet article est extraite de notre newsletter quotidienne, dans laquelle nous vous tenons informés de l'évolution de la campagne présidentielle. Pas encore abonnés ? Ce n'est pas trop tard, et c'est par ici que ça se passe: 

John Kerry et Ségolène Royal se mobilisent pour sauver nos océans

Depuis le 8 août 2016, la Terre vit à crédit. C’est-à-dire que nous avons épuisé toutes les ressources que la Terre nous apporte en un an. Ce « jour du dépassement » comme les scientifiques l’appellent, arrive de plus en plus tôt chaque année.

La situation est telle que John Kerry, Secrétaire d’Etat des Etats-Unis, a fait de la sauvegarde des océans sa priorité. “ Il y a toujours eu un lien entre le réchauffement climatique et les océans”, explique t-il dans le cadre d’une conférence à l’Université Georgetown de Washington DC, vendredi 16 septembre.

Thomas Banchoff, Vice Président de Global Engagement et Directeur du centre Berkley à l'Université de Georgetown à interroger un panel de professionnels sur la conservation de nos océans. Avec; Ségolène Royal, Présidente de la COP21, Susana Malcorra, Ministre des Affaires Etrangères d’Argentine, Isabella Lovin, Ministre du Développement International et du Climat en Suède, Isabel de Saint Malo de Alvarado, Vice Présidente et Ministre des Affaires Etrangères de la République du Panama.

Légende photo: Thomas Banchoff, Vice-président de Global Engagement et Directeur du centre Berkley à l'Université Georgetown à interroger un panel de professionnels sur la conservation de nos océans. Avec: Ségolène Royal, Présidente de la COP21, Susana Malcorra, Ministre des Affaires Etrangères d’Argentine, Isabella Lovin, Ministre du Développement International et du Climat en Suède, Isabel de Saint Malo de Alvarado, Vice-présidente et Ministre des Affaires Etrangères de la République du Panama.

Les politiciens passent à l'action

Pour la troisième année consécutive, Washington DC accueille le sommet « our ocean » autrement dit, «notre océan» du 15 au 16 septembre. Cette conférence, créée par John Kerry a pour but premier de promouvoir les zones de protection sous-marines, une pêche équitable et alarmer la population sur la pollution de nos océans et les conséquences engendrées par la destruction de la flore sous-marine. Depuis la première conférence en 2014, « our ocean » a déjà récolté 4 milliards de dollars pour protéger les océans.

Ces deux jours de conférences ont également pour but de faire signer au plus grand nombre de pays « the port state measures agreement », un traité qui renforce les mesures de prévention contre la pêche illégale, et qui protège les océans. Alors qu’en 2014, seulement 10 pays avaient signé ce traité, John Kerry a annoncé fièrement que cette année, plus de 60 pays l'ont signés.

La France fait également partie de ce mouvement

En tant que présidente de la COP21, ministre de l’environnement, de l’énergie et de la mer, Ségolène Royal s’est également adressée aux étudiants de l’Université Georgetown. La ministre a commencé son discours sous une ovation d’applaudissements pour son travail pour la protection des océans. “Nous devons nous battre pour nos océans et notre terre, nous savons maintenant que l’océan est la principale victime du réchauffement climatique”, explique t-elle.

Alors que la climatisation tourne à plein régime dans l’université, les intervenants expliquent à tour de rôle que nous pouvons individuellement, à échelle humaine, faire des efforts pour protéger nos océans. Selon l’ONG Global Footprint Network, nous aurions besoin de 1,6 planètes pour répondre aux besoins en ressources naturelles de l’humanité.

A noter que si tous les pays consommaient autant que les Etats-Unis, nous aurions besoin de 5 planètes pour suffire à nos besoins.

Ségolène Royal, qui est aussi chargée des relations internationales sur le climat au sein du gouvernement, a expliqué qu’il fallait faire des efforts en commun. Pour elle, “l’océan doit être reconnu comme patrimoine commun de humanité”.

Ségolène Royal s’adresse aux étudiants de l’Université de Georgetown

Ségolène Royal s’adresse aux étudiants de l’Université Georgetown

La montée des eaux est l’une des conséquences les plus flagrantes du réchauffement climatique.

En 2016, nous ne pouvons plus nier le lien entre le réchauffement climatique et la destruction des océans. Ils représentent 75% de la surface de la terre et fournissent l'alimentation à presque 8 milliards d’êtres humains. Le réchauffement climatique a un impact sur les espèces sous-marines, et les tue une par une. Le problème, c’est que ce réchauffement détruit l’équilibre fragile de notre écosystème.

Si vous aussi, vous voulez conserver nos océans et faire des petits efforts au quotidien, cliquez sur ce lien pour quelques conseils.

Clémentine Boyer Duroselle

Tout comprendre aux sondages américains

A moins de deux mois de l'élection présidentielle, Donald Trump et Hillary Clinton sont aux coude-à-coude dans les sondages, se dépassant l'un et l'autre à tour de rôle, avec rarement plus de quelques points de différence. De nouveaux sondages sont publiés chaque semaine, et les résultats varient au gré des scandales et des discours. Alors, comment sont faits les sondages aux Etats-Unis, et peut-on vraiment analyser leurs résultats ?

Electeurs inscrits / électeurs dits “probables”

Il existe deux types de sondage d’opinion : les sondages qui prennent en compte les électeurs inscrits sur les listes électorales (registred voters) et ceux qui sont réalisés auprès des électeurs dits « probables » (likely voters), qui se disent prêts à se rendre aux urnes le jour de l’élection.

A l’approche du scrutin, qui aura lieu le 8 novembre, les sondages prenant en compte ce deuxième type d’échantillonnage se multiplient. Or, ils tendent à booster le camp républicain, qui bénéficie d’un électorat plus actif et légitimiste que le parti démocrate.

Sondages nationaux vs. sondages par Etat

Les sondages nationaux donnent un aperçu global de l’état de l’opinion. S’ils sont souvent considérés comme plus fiables et plus intelligibles que les sondages par Etats (dont la représentativité de l’échantillon est parfois remise en question), il faut noter que le président des Etats-Unis est élu en fonction du vote de chacun des Etats.

Démocrates et Républicains, un intérêt inégal

Face à l'élection présidentielle, les membres des différents partis ne montrent pas le même enthousiasme à se rendre aux urnes. Trois sondages, menés par les chaînes de télévision Fox News, ABC et CBS, semblent en effet affirmer que les Républicains s'intéressent plus à l'élection.

Pour le sondage de CBS, 67% des Républicains déclarent qu'ils font attention à ce qui se passe pendant la campagne, contre 61% des Démocrates - une différence significative. Même son de cloche chez Fox, pour qui 83% des Républicains se disent intéressés par les élections et seulement 70% des Démocrates.

De plus, le nombre diminue chez les Démocrates, et rapidement, puisqu'il était encore de 79% fin août. A l'inverse, il augmente chez les Républicains : il n'était que de 74% en mai.

L'incontournable marge d'erreur

Il est important de se rappeler que les sondages comportent toujours une marge d'erreur. La raison principale : ils se fondent sur une fraction de la population pour imaginer le point de vue de la population globale. Il faut donc toujours prendre en compte la marge d'erreur.

Par exemple, le dernier sondage d'ABC montre que Donald Trump a 41% de soutien parmi les électeurs probables, avec une marge d'erreur de plus ou moins 4,5 points. Cela signifie que son taux de soutien est entre 36,5% et 45,5%. Il en va de même pour Clinton : avec 46% et la même marge d'erreur, elle a en fait 41,5% et 50,5% de soutien.

Et la marge d'erreur peut amener les sondages à passer totalement à côté du résultat. Un exemple récent : lors du premier caucus républicain, en février dans l'Etat d'Iowa, tous les sondages annonçaient Donald Trump gagnant... mais c'est finalement son adversaire Ted Cruz qui a remporté le caucus, avec 27,6% contre 24,3% pour Trump et 23,1% pour Rubio.

Clara Tran et Anne Pouzargues

Barack Obama finira-t-il par gracier Edward Snowden ?

Le temps est compté, alors les soutiens d'Edward Snowden mettent les bouchées doubles pour que Barack Obama accorde son pardon au lanceur d'alerte avant son départ de la Maison Blanche. Hier, une nouvelle pétition en ligne a été lancée par Amnesty International, Human Rights Watch et l'Amercian Civil Liberty Union (ACLU), une puissante association de défense des libertés.

L'appel a déjà été signé par un casting de choix, composé, entre autres, des acteurs Daniel Radcliffe et Viggo Mortensen, du cofondateur d'Apple Steve Wozniak, ou encore des deux journalistes qui ont travaillé avec Snowden en 2013, Glenn Greenwald et Laura Poitras.

Eric Holder, l'ancien procureur général des Etats-Unis, a déclaré que le lanceur d'alerte a "rendu service aux citoyens, en provoquant un débat et des changements." Côté politique, Bernie Sanders a appelé à la "clémence" à l'égard d'Edward Snowden.

Snowden, désormais réfugié en Russie, risque jusqu'à 30 ans de prison. Ancien membre de l'agence de renseignement américaine NSA, le gouvernement américain lui reproche d'avoir révélé l'ampleur du réseau de surveillance mis en place après les attentats du 11 septembre. Il est accusé d'avoir enfreint l'Espionage Act, une loi datant de la Première guerre mondiale, et que beaucoup jugent non adaptée au monde actuel.

Mais la Maison Blanche reste ferme. Dans une allocution à la presse hier, le porte-parole Josh Earnest a réaffirmé que Snowden avait mis en péril "les secrets de sécurité nationale des Etats-Unis" et qu'il devait "rentrer pour être jugé." En juillet, le gouvernement avait déjà mis fin à une pétition rassemblant 170 00 signatures.

Cette nouvelle campagne, disponible sur le site PardonSnowden.org, aura-t-elle de meilleurs résultats ? Les soutiens de Snowden mettent en tous cas tout en oeuvre pour y parvenir.

Dans le Washington Post daté d'hier, l'ACLU a publié une page entière de publicité, avec un lien vers la pétition accompagné de la mention "Edward Snowden s'est battu pour notre liberté. Il est temps qu'il ait la sienne."

Pour les soutiens de Snowden, si le lanceur d'alerte a enfreint la loi américaine, c'était pour agir pour le bien commun. Ils déclarent que, grâce à lui, des lois anticonstitutionnelles ont été amendées, et que la vie privée des citoyens est mieux protégée, notamment sur Internet.

Anthony D. Romero, le directeur exécutif de l'ACLU, a publié hier une tribune dans laquelle il écrit : "Il est incontestable que notre démocratie se porte mieux grâce au travail d'Edward Snowden, et c'est précisément pour des cas comme celui-ci que le pouvoir de gracier existe. Le Président américain devrait utiliser ce pouvoir pour agir pour le bien, plutôt que de laisser un lanceur d'alerte américain bloqué en exil."

Depuis la Russie, Edward Snowden s'est dit "ému de recevoir autant de soutien." Il a également insisté sur le rôle des lanceurs d'alerte, qu'il a décrit comme des "contre-pouvoirs face aux abus de pouvoir."

Le lancement de la pétition correspond à la sortie du film Snowden, réalisé par Oliver Stone, qui lui aussi se bat pour la liberté du lanceur d'alerte. On rappellera également le très bon documentaire Citizenfour, réalisé par une des journalistes qui a travaillé avec Snowden en 2013, Laura Poitras.

Anne Pouzargues

« En politique, communiquer sur sa maladie est devenu une obligation »

Depuis le malaise d'Hillary Clinton, en marge des commémorations des attentats du World Trade Center, à New York, et l'annonce retardée du diagnostic de sa pneumonie, la presse sérieuse et tabloïd s'accorde pour dire que la communication de crise de la candidate démocrate est ratée. Peut-on rester présidentiable et parler de sa maladie aux Etats-Unis ? Décryptage avec Pierre-Emmanuel Guigo, chercheur Associé au Laboratoire Communication et Politique (CNRS) et maître de conférence à Sciences Po Paris.

FRANCE 2. Alors qu'une vidéo devenue virale depuis le 11 septembre montre Hillary Clinton chancelante, la candidate a assuré ne pas avoir fait de malaise lundi soir sur CNN. En voulant à tout prix euphémiser ce qu'il s'est passé - elle a évoqué un « vertige », une simple « perte d'équilibre » -, la démocrate ne risque-t-elle pas de renvoyer un sentiment de condescendance, voire d’impunité ?

Pierre-Emmanuel Guigo. Hillary Clinton risque surtout de renforcer son image de froideur déjà très ancrée dans l'opinion et qu'elle avait pourtant tenté d'adoucir en s'affichant notamment avec sa fille ou son mari ou en utilisant les réseaux sociaux. Mais elle est aussi bloquée par son concurrent, Donald Trump, qui est toujours en difficulté et n'ayant guère d'argumentaire solide à avancer, préfère l'attaquer sur sa personne.

FRANCE 2. Au sujet de l'affaire, David Axelrod, conseiller politique de Barack Obama, s’est fendu d’un commentaire acide : « On peut soigner une pneumonie avec des antibiotiques mais quel est le traitement pour un goût maladif du secret qui crée des problèmes à répétition ? » Pourquoi Hillary Clinton ne parvient-elle pas à gagner en transparence depuis le début de la campagne ?

Pierre-Emmanuel Guigo. Il est clair qu'Hillary Clinton n'aime guère se livrer sans tout contrôler. Cela est peut-être dû à sa psychologie, mais surtout à ses expériences personnelles. Il ne faut pas oublier qu'elle a vécu durement le dévoilement non maîtrisé de sa vie privée avec le scandale Lewinsky dans les années 1990.

FRANCE 2. Pourquoi Donald Trump fait-il profil bas depuis ce week-end? La mauvaise santé présumée de sa rivale était pourtant devenue un angle d’attaque incontournable de sa campagne...

Pierre-Emmanuel Guigo. Donald Trump n'avait guère de choix que de changer de stratégie. Il était largement donné perdant dans tous les sondages. Son style tout en excès pouvait répugner les électeurs au moment de mettre leur bulletin dans l'urne. Et le recentrement, après les primaires, est d'ailleurs une stratégie classique de second tour.

FRANCE 2. Pensez-vous que la santé d’Hillary Clinton sera évoquée lors du premier débat entre les deux candidats, qui se tiendra dans l'Etat de New York, le 26 septembre prochain ?

Pierre-Emmanuel Guigo. Assurément. On a déjà vu dans les débats présidentiels des candidats devoir s'expliquer sur leur vie privée. La "peopolisation" du politique et le dévoilement de la vie privée y sont beaucoup plus développés qu'en France.  Il y a un souci de transparence qui est bien loin des habitudes françaises. Dès les années 1950, Nixon, alors vice-président avait dû s'expliquer sur les cadeaux qu'il avait reçu et notamment son petit chien Cheekers.

FRANCE 2. On peut donc rester présidentiable et communiquer sur sa maladie...

Pierre-Emmanuel Guigo. Je dirais même que c'est devenu une obligation. Outre l'importance de la vie privée des politiques dans le débat public américain, la santé est un élément crucial de l'exercice du pouvoir. On sait comment les maladies de Georges Pompidou ou de François Mitterrand ont pu peser sur la fin de leurs mandats. En outre, pour la première fois depuis longtemps on a deux présidentiables âgés et les électeurs peuvent donc s'inquiéter de leur état de santé. On retrouve d'ailleurs cela en France avec les attaques sur l'âge d'Alain Juppé qui n'a cessé de se montrer en bonne forme, allant jusqu'à jouer au "beer-pong" avec des jeunes.

Propos recueillis par Clara Tran