Au terme d'une session spéciale du Conseil de sécurité de l'ONU, les États-Unis ont posé leur véto face à un projet de résolution pour combattre le viol comme arme de guerre. En cause, un paragraphe du texte qui évoquait les droits sexuels et reproductifs des femmes.
Les Etats-Unis continuent de se montrer hostiles aux droits des femmes : Mardi 23 avril, Washington a posé son veto après que l'ONU ait proposé de combattre le viol comme arme de guerre. Dans le dit-texte, un paragraphe déplait fortement aux États-Unis : il comprendrait un vocabulaire sur l’aide aux victimes issu de services de planification familiale, aide que refuse de donner l'administration Trump aux femmes américaines.
Une seule expression serait litigieuse, et se trouve dans une clause qui « invite instamment les entités des Nations unies et les donateurs à offrir aux personnes ayant subi des violences sexuelles, sans aucune discrimination, une gamme complète de soins de santé, notamment sexuelle et procréative, un soutien psychosocial, une aide juridictionnelle et des moyens de subsistance, ainsi que d’autres services multisectoriels, compte tenu des besoins particuliers des personnes handicapées ». Les Etats-Unis refusent d'accepter le passage évoquant la « santé sexuelle et procréative ». Et pour cause, Washington estime que ces termes sous-entendent un soutien à l’avortement.
« Ce serait une énorme contradiction que de parler d’une approche centrée sur les survivants et de ne pas mentionner les services de santé sexuelle et reproductive, ce qui est pour moi essentiel », a souligné Pramila Patten, représentante spéciale des Nations unies pour les violences sexuelles dans les conflits.
« Nous devons agir »
« La violence sexuelle est répandue dans les zones de guerre. Nous devons agir », a écrit le ministre allemand des affaires étrangères, Heiko Maas, dans une tribune publiée lundi dans le Washington Post et signée avec l’actrice Angelina Jolie, qui milite de longue date contre les crimes sexuels. C’est l’Allemagne, qui préside actuellement le Conseil de sécurité de l’ONU, qui est à l’initiative de la résolution sur la prévention des crimes sexuels. « Le viol et d’autres formes de violence sexuelle sont utilisés comme tactique de guerre et de terrorisme dans les conflits du monde entier», constate Heiko Maas.
Ils proposent que l'ONU se concentre désormais sur trois aspects : que les auteurs d’actes de violence sexuelle soient tenus responsables de leurs actes et que la coopération internationale permette de réunir les preuves contre eux ; que le contrôle soit accru, alors que les résolutions du Conseil de sécurité de l’ONU « restent lettre morte » et que des parties prenantt part à des conflits « ne respectent pas du tout leurs obligations »; Enfin, tous deux attendent que les victimes soient entendues et aient accès à la justice ainsi qu’à des réparations financières.
La France dénonce
La France a vivement dénoncé la décision des Etats-Unis « Nous sommes consternés par le fait qu’un Etat ait exigé le retrait de la référence à la santé sexuelle et reproductive pourtant agréée », a déclaré François Delattre l’ambassadeur français à l’ONU. « Des concessions importantes ont été accordées sous la pression de plusieurs membres permanents qui n’ont pas permis au texte d’aller aussi loin que nous l’aurions souhaité », a-t-il poursuivi. « Il est inexplicable que l’accès à la santé sexuelle et reproductive ne soit pas explicitement reconnu aux victimes de violences sexuelles, elles qui sont souvent la cible d’atroces exactions et de mutilations barbares ».
Nadia Murad et Denis Mukwege réclament justice
La lutte contre les violences sexuelles s'est démocratisée lorsque le prix Nobel de la paix a récompensé l'activiste Yézidie Nadia Murad, persécutée par l’organisation Etat islamique, et le médecin congolais Denis Mukwege, engagé depuis toujours engagement contre les mutilations génitales pratiquées sur les femmes en république démocratique du Congo. Ces derniers ont appelé mardi le Conseil de sécurité de l’ONU à ce que justice soit rendue aux victimes de violences sexuelles dans les conflits.
« Pas une seule personne n’a été traduite en justice pour esclavage sexuel », a dénoncé Nadia Murad en évoquant sa communauté détruite par le groupe djihadiste Etat islamique en Irak et en Syrie. « Les espoirs d’une génération entière ont été détruits », a-t-elle ajouté, évoquant un « échec collectif » de la communauté internationale.
« Nous prononçons des discours à l’ONU mais aucune mesure concrète ne suit » en matière de justice et « rien n’a été fait », a-t-elle insisté. « Qu’attend la communauté internationale pour rendre justice aux victimes ? », s’est interrogé Denis Mukwege, en demandant lui aussi l’établissement de tribunaux nationaux et internationaux consacrés au jugement des coupables de violences sexuelles dans les conflits.