Pour une déstigmatisation des troubles mentaux

San Clemente (Raymond Depardon, 1982)

Vous vous faites une opinion à propos du métier de psychologue ou de celui de psychiatre. De la même façon, vous avez une « idée » de ce que peut être la schizophrénie, les troubles bipolaires, l’anorexie, les paraphilies, l’alcoolisme et les troubles mentaux en général.

Vous avez tendance à penser que le psychologue passe son temps à vous « analyser », ou qu’il peut savoir ce que vous avez dans la tête. Vous croyez que les méthodes utilisées en psychothérapie relèvent plus de l’intuition que de la science. Vous blâmez les parents dont l’enfant est trop « agité », vous doutez qu’un patient atteint d’une dépression ne soit pas responsable de sa condition, et vous pensez qu’une personne ayant séjourné dans un hôpital psychiatrique ne doit pas être très fréquentable.

Les impacts de la stigmatisation 

Pour diverses raisons, votre vision du « monde psy » est souvent négative. Même si de temps en temps cette vision est vérifiée, elle est globalement très éloignée de la réalité.

Considérer la maladie psychiatrique (et le handicap d’une manière générale) comme une tare ou comme un signe d’infériorité relève de la stigmatisation. Les effets de la stigmatisation ont beaucoup été étudiés en psychologie sociale. On s’est aperçu par exemple que les élèves stigmatisés par leurs enseignants réussissaient moins bien à l’école : les attentes négatives des enseignants concernant les capacités de leurs élèves peuvent en effet avoir un impact sur leurs performances scolaires.

Les effets de la stigmatisation dans le champ de la maladie psychiatrique sont tout aussi importants. Ainsi, comme les troubles mentaux sont souvent associés, à tort, à une faiblesse ou à une perte de contrôle, les personnes en souffrance cachent soigneusement leur mal-être. Résultat : seulement une personne atteinte sur trois consulte un professionnel de santé, alors que les troubles peuvent être soignés.

Il y a donc un intérêt social et sanitaire à prévenir ces stigmatisations qui constituent à la fois les conséquences des troubles mentaux, mais surtout des facteurs d’aggravation.

Comment diminuer les stigmatisations ?

Poser un cadre légal

La législation touchant la santé mentale précise que toutes les personnes atteintes de troubles mentaux doivent être protégées de toute forme de discrimination et de tout traitement inhumain.

Informer

Internet permet aujourd’hui de diffuser énormément d’informations sur la réalité des troubles mentaux. Il existe des façons plus ou moins originales et plus ou moins encadrées pour essayer de sensibiliser l’opinion public sur la question.

Quelques exemples :

  • Ce film d’animation réalisé par un médecin psychiatre :
  • Des blogs de professionnels en santé mentale qui témoignent de leurs expériences :

https://coupsdegueuledelau.wordpress.com/2015/12/21/cest-drogue-et-ca-fait-des-enfants-voila-le-resultat/

http://www.lexpress.fr/actualite/societe/sante/j-ai-travaille-avec-les-fous-et-ce-n-est-pas-ce-que-vous-croyez_1746391.html

  • Depuis 25 ans, l’Association Française de Psychiatrie (AFP) organise les semaines d’information sur la santé mentale. Ses objectifs sont notamment de sensibiliser aux questions de santé mentale, de lutter contre la stigmatisation des personnes atteintes de troubles psychiques, d’aider à la prévention et aux soins, ou encore de faire connaître les réseaux de soutien.
  • La stigmatisation est présente également sur le marché du travail. Afin d’aider à lutter contre cette discrimination, l’association le Clubhouse France a créé un lieu d’accueil à Paris ayant notamment pour objectif d’aider à la réinsertion des personnes fragilisées par des troubles mentaux. L’association informe les acteurs du monde du travail ainsi que l’opinion publique sur les troubles psychiatriques des personnes malades pour tenter de faciliter leur réinsertion professionnelle.

De la difficulté à changer les attitudes

Malgré la multiplication de l’information et la mise en place d’un certain nombre d’actions plus ou moins officielles, il reste très compliqué de diminuer les comportements liés à la stigmatisation.

Aujourd’hui, il n’y a guère que les professionnels du soin et les familles de malades qui ont une perception à peu près juste de ce que peut être un trouble mental. Car pour changer les attitudes, il faut souvent plus qu’une mise en garde ou une explication théorique. Il est parfois nécessaire de se confronter à ce qui n’est tout simplement pas imaginable.

Des expériences inédites

Il existe des associations qui permettent aux plus curieux d‘entre vous de se confronter à la différence et ainsi d’en avoir une compréhension plus concrète. C’est le cas de l’association SHARE, en région parisienne, qui s’est donnée pour mission d’aller à la rencontre des plus marginaux en les traitant d’égal à égal. L’intérêt de ce type d’action est avant tout social. Mais cette expérience ouverte à tous a aussi l’avantage de pouvoir modifier vos comportements liés à la stigmatisation d’une manière souvent plus efficace que n’importe quel discours. Il s’agit d’expériences qui vont au-delà de la simple information dont la portée reste limitée.