La vérité sur le métier de psychologue

me_maya
Dans un article paru récemment sur le site d'information Huffingtonpost, on peut lire le témoignage d'un chirurgien, d'une sexologue, d'un médecin généraliste, d'une psychothérapeute et d'une psychologue nous expliquant leurs "trucs pour déconnecter après le boulot".
C'est vrai que le travail de certains professionnels de la santé est réputé difficile. Et notamment celui du psychologue qu'on pense souvent être un métier "moralement éprouvant", car "écouter tous les jours les difficultés des autres, ben ça doit pas être facile" (sic).
Non seulement dans cet article les témoignages des deux "psys" en question sont un peu lisses, mais surtout ils sont très peu représentatifs du métier...
Peu de psychologues sont dans leur cabinet assis derrière un bureau

Bon, il faut d'abord savoir que les psychologues ne font pas tous la même chose. Sur les 40 000 psychologues en exercice sur le territoire, environ 80% travaillent en équipe :

- 50% dans les hôpitaux, pour l’Education Nationale, dans la fonction publique territoriale, le domaine judiciaire, la police ou l'armée,
- et environ 30% sont salariés du secteur associatif conventionné (dont le secteur du handicap).

Les 20% restant se divisent entre des psychologues ayant une activité dans le secteur privé des entreprises, et ceux ayant un statut professionnel libéral exerçant de façon indépendante dans un cabinet. Cette dernière partie de l'activité est donc très minoritaire (environ 10%) et pourtant c'est l'image populaire de la profession (l'exercice en libéral est d'ailleurs assez difficile, c'est peut-être aussi pour cela que peu de professionnels se lancent dans l'aventure). Source SFP 2005

Un métier éprouvant ?
Il y a tellement de façons d'être psychologue aujourd'hui qu'il est devenu impossible de généraliser les difficultés de ce métier. Et en fonction de chaque psychologue, le même poste peut être vécu plus ou moins bien. Les psychologues en cabinet libéral sont donc relativement peu nombreux. Leurs consultations restent relativement bien cadrées et bordées (voire choisies), ce qui facilite la prise de distance avec les situations.
Lorsque le psychologue est en poste dans une institution et qu'il travaille en équipe, il doit en plus gérer ce fonctionnement institutionnel : le rapport avec la direction et les collègues deviennent souvent plus compliqués à appréhender que la relation avec les patients ou les usagers eux-mêmes.

Dans mon cas personnel, j'interviens beaucoup auprès de personnes atteintes de troubles du développement, comme l'autisme. J'ai des confrères pour qui ce type d'accompagnement est beaucoup trop difficile, alors que pour moi, c'est une bonne source d'épanouissement.
Mais j'ai également une autre activité. J'interviens dans un service d'aide à des victimes d'infractions pénales (agressions, viols, accidents de la route, etc.) ou à des personnes confrontées au suicide de proches.
Nous sommes 6 psychologues à travailler dans ce service, épaulés par des juristes et des assistantes sociales. Nous intervenons uniquement dans un département d'Ile-de-France.

Entre le 1er et le 15 septembre 2015, nous avons été sollicités pour intervenir auprès de 8 victimes de violences conjugales dont une avec persécution, 2 victimes de vol avec violence, 7 victimes d'agressions physiques, 3 victimes de viol, 1 victime de vol à main armée, 5 victimes d'agressions sexuelles dont une sur mineur, et une dont l'auteur est...un professionnel de santé, 5 victimes d'accidents de la voie publiques dont un mortel.
Au cours de ces 15 premiers jours de rentrée, nous sommes également intervenus auprès de 3 familles suite à un meurtre, une tentative d'homicide et un suicide.

Les morts brutales, l'extrême violence sociale, la terreur dans les yeux des victimes, les troubles mentaux associés, l'impuissance des systèmes judiciaires, l'impuissance des psychologues face à beaucoup de situations... Régulièrement, des professionnels n'en peuvent plus et quittent ce service.
Voilà une pratique qui pour moi est éprouvante.