Les mécanismes étonnants de l'anorexie

daniellehelm

L’anorexie mentale est un trouble du comportement alimentaire caractérisé par une perte de poids importante, une peur pathologique ou un refus de prendre du poids malgré une insuffisance pondérale, une altération de la perception de la forme de son corps, une influence excessive du poids sur l’estime de soi et une aménorrhée chez les femmes.

Les femmes sont concernées par ce trouble dans 90% des cas (1,5% des jeunes femmes de moins de 20 ans contre 0,1% des hommes, ce dernier chiffre étant en augmentation). La période de l’adolescence, marquée par le changement physique et cognitif constitue un moment à risque pour l’apparition de l’anorexie mentale : les difficultés ont tendance à se focaliser sur l’image du corps et l’image de soi, intimement liées à cette période de l’adolescence.

L’anorexie mentale peut conduire à des complications médicales graves entraînant le décès chez 5% des malades. En outre, certaines de ces complications peuvent s’avérer irréversibles si les personnes sont diagnostiquées ou traitées trop tard.

Différents auteurs ont indiqué que les médias jouaient un rôle important dans la perception négative de la forme et du poids de notre corps. Ainsi, les hommes et les femmes s’efforceraient de rester minces dans le but d’adhérer à un idéal corporel standardisé :

Une perception déformée de l’image du corps a pour inconvénient d’augmenter le risque de développer des troubles du comportement alimentaire associés à une obsession de l’apparence physique.

Les mécanismes de l'anorexie mentale

Le modèle explicatif actuel de l’anorexie mentale est dit « biopsychosocial », c’est-à-dire que plusieurs facteurs entrent en jeu dans l’apparition du trouble : des facteurs génétiques, psychologiques, familiaux et socioculturels. C’est pourquoi le traitement donné aux malades est pluridisciplinaire et fait intervenir médecins, diététiciens, psychiatres, psychologues.

Il existe également un modèle animal de l’anorexie, qui est à la fois biologique et comportemental. Il s’agit du modèle « activity-based anorexia » ou A-BA. Explications :

Une caractéristique commune aux personnes atteintes d’anorexie mentale est l’augmentation de leur activité physique dans 50% des cas. Des chercheurs ont suggéré que cette augmentation de l’activité physique était l’un des premiers signe inquiétant observé chez les malades. La perte de poids peut être en effet attribuée en partie à la combinaison d’une faible consommation de nourriture et d’une importante dépense énergétique.

Différentes expériences sur les rats ont alors été menées pour étudier ce processus, notamment à travers le modèle A-BA. Dans ce modèle, les rats ont accès une seule fois par jour à de la nourriture et peuvent le reste du temps se consacrer à une activité physique (courir dans une roue). Si l’on observe une augmentation du temps alloué à l’activité physique et une baisse de la consommation de nourriture, on dit que les rats rentrent dans un cycle A-BA. L’entrée dans ce cycle implique une perte de poids qui conduit systématiquement à la mort des rats. Une fois que les rats sont entrés dans le cycle, il est difficile de les en faire ressortir. Le processus de l’A-BA est toujours le même : alors que l’animal augmente son temps d’activité, il diminue en même temps sa consommation alimentaire et perd du poids progressivement.

Au niveau biologique, la prise de nourriture entraîne une augmentation de la glycémie et donc une sécrétion d’insuline dans le sang. Celle-ci déclenche alors la sécrétion d’une substance, la leptine, qui a pour effet de diminuer la sensation de faim et ainsi réguler la prise alimentaire. Lorsque la glycémie diminue, la leptine cesse d’être sécrétée permettant à l’organisme de retrouver l’appétit. De plus, une faible concentration en leptine est associée à une chute de la température corporelle. Pour le dire autrement, la réduction de la prise alimentaire diminue la température corporelle. Pour élever à nouveau cette température et se maintenir en vie, l’organisme a alors le choix entre la prise nourriture (augmentant le taux de leptine) ou bien l’activité physique. Ces deux options ont le même effet d’augmenter la température corporelle. Or dans le protocole A-BA, les rats passent beaucoup plus de temps à faire de l’exercice physique plutôt qu’à s’alimenter. L’activité physique est donc plus souvent associée à l’augmentation de la température corporelle et prend alors une valeur de survie. Dans telles conditions, on peut prédire que les rats préfèreront s’engager dans une activité physique plus volontiers que de consommer de la nourriture, même s’ils ont le choix.

Pour résumer, les rats augmentent leur activité physique et diminuent leur consommation de nourriture car leur organisme y trouve un bénéfice de survie à court terme. Le modèle A-BA est utile pour la compréhension du trouble dans la mesure où certains malades utilisent l’exercice physique et la restriction alimentaire comme moyen de perdre du poids. On peut ainsi émettre l'hypothèse que ces personnes s'engagent dans une activité physique croissante qui, a partir d'un certain stade, n'est plus liée directement à une volonté de perdre du poids, mais plus à un mécanisme comportemental et biologique dont il est difficile de se sortir.

Sources :

NGuyen, H. M. (2004). Activity-Based Anorexia : The Effects of Resistant Starch. Louisiana State University.

Gelegen, C. et al. (2006). Behavioral, physiological, and molecular differences in response to dietary restriction in three inbred mouse strains. The American Journal of Physiology-Endocrinology and Metabolism, 291, 574-581.