Ce qu'il faut retenir du débat des vice-présidents

C'est le moment auquel ils se préparent depuis qu'ils ont été choisis - même si, avouons-le, le débat des vice-présidents n'a en général que peu d'effets sur les sondages ou sur le résultat de l'élection présidentielle. Quoi qu'il en soit, c'est donc hier que Mike Pence, colistier de Donald Trump, et Tim Kaine, colistier d'Hillary Clinton, se sont rencontrés pour un face-à face d'une heure et demie.  

Les enjeux : pour Tim Kaine, il fallait continuer sur la bonne lancée de ces derniers jours et profiter de la remontée d'Hillary Clinton dans les sondages ; pour Mike Pence, le but était justement d'inverser la tendance, après le débat perdu lundi dernier par Donald Trump. Le débat était également un moyen pour les colistiers de se faire connaître auprès du grand public, ainsi que, bien sûr, de défendre au mieux leur candidat respectif.

http://twitter.com/AFPusa/status/783358383550234625

Comme on pouvait s'y attendre, des divergences claires sont apparues entre les deux vice-présidents. L'exemple le plus frappant est peut-être le terrorisme. A la question "Le monde est-il plus sûr maintenant qu'il y a huit ans ?" Kaine a répondu : "Oui", et Pence: "Non", respectivement en défendant et en critiquant la politique menée par Obama depuis 2008.

Sur de nombreux sujets, comme l'économie, les armes, le rôle de la police ou encore l'immigration, les deux vice-présidents se sont fait la voix de leurs maîtres. Mike Pence a même tenté de justifier le dernier scandale de Donald Trump, qui n'aurait pas payé d'impôts durant 18 ans, selon un article du New York Times publié ce week-end. "Donald Trump a légalement utilisé la loi fiscale en sa faveur," l'a ainsi défendu Pence. "Et puis il a créé des dizaines de milliers d'emplois."

Pourtant, et c'est sans doute l'un des points à retenir de ce débat, la discussion a laissé apparaître des divergences assez importantes entre Mike Pence et Donald Trump. Pour rappel, Pence était, pendant la primaire, un soutien de Ted Cruz, et ce n'est qu'après la primaire qu'il s'est rallié à Trump. Cela peut expliquer les différences notables entre les deux colistiers, notamment en matière de politique étrangère. Pence s'est par exemple montré plus critique à l'égard de la Russie que ne l'est habituellement le candidat. A l'époque de la primaire, il avait également critiqué les positions de Trump sur l'immigration.

Tim Kaine, pourtant le régional de l'étape, puisqu'il est Sénateur de Virginie, l'Etat dans lequel avait lieu le débat, a eu du mal à tirer son épingle du jeu et est parfois apparu assez impuissant. A l'image, le montage (un écran coupé en deux, comme vous pouvez le voir sur la photo ci-dessus) avantageait clairement Mike Pence, beaucoup plus calme et éloquent, face à un Kaine agité et visiblement plus stressé.

Alors, qui a gagné ? Malgré son attitude posée et en tout point opposée à celle de Donald Trump lors du précédent débat, Pence a quand même eu du mal à défendre certaines positions de son candidat - il a mieux réussi à attaquer Clinton qu'à défendre Trump. Mais Kaine, moins bon orateur, coupant sans cesse la parole à son adversaire et au discours moins bien ficelé, a permis à Pence de ressortir sous son meilleur jour.

Après ce débat, Mike Pence est sans doute parvenu à rassurer quelques-uns des Républicains effrayés par la candidature de Trump, en plus de montrer à son candidat qu'on est meilleur quand on a révisé ses dossiers. Et à titre personnel, il marque des points pour le futur.

 

Conclusion du débat : Tim Kaine est candidat à la vice-présidence 2016 ; Mike Pence, lui, est déjà en campagne pour la Présidentielle 2020.

Insolite : Le parti républicain avait d'ailleurs fait beaucoup rire les Internautes, en publiant un message de félicitations à Mike Pence pour sa victoire au débat... 1h30 avant que le débat commence !

Florilège

Morceaux choisis du débat entre les vice-présidents :

Kaine à Pence : "Vous êtes l'Apprenti de Donald Trump" (référence à l'émission de télé-réalité The Apprentice à laquelle a participé Trump).

Kaine : "Trump a déclaré qu'il était intelligent car il n'avait pas payé d'impôts. Donc nous tous qui payons des impôts, nous sommes bêtes ?"

Pence : "Un pays sans frontières n'est pas un pays."

Kaine : "Est-ce que vous préférez être embauché par Hillary Clinton ou licencié par Donald Trump ?"  

Pence : "Nous allons reconstruire notre armée." - prononcé une dizaine de fois pendant le débat.

Pence : "J'essaye de passer un peu de temps à genoux chaque jour." (précision: c'est pour prier)

 

Anne Pouzargues

 

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[Vidéo] A New York, vivez à plus de 200 mètres d'altitude

A New York, jusqu'à présent, les sommets des gratte-ciel appartenaient aux grandes entreprises, les seules à avoir les moyens de se les offrir. Mais depuis quelques années, les bureaux ont laissé la place aux appartements de luxe. En prime : des panoramas sur Manhattan, une vue à couper le souffle.

Une frénésie architecturale s'est emparée de la ville, qui connaît un nouveau souffle après les attentats du 11 septembre et la crise financière de 2008. Désormais, de nouveaux projets sont en construction : 14 nouvelles tours d'habitation devraient sortir de terre d'ici 3 ans. Dans une ville où les terrains se font rares, construire à la verticale est la seule solution.

Mais ceux qui font partie du select The 800ft Club, ou "club des gens qui vivent à plus de 200 mètres d'altitude" ne sont pas tous des milliardaires : étudiants ou artistes, ils sont de plus en plus nombreux à choisir ces appartements en hauteur.

Suivez notre équipe en haut des plus hautes tours d'habitation de New York. Un reportage de Valérie Astruc.

Le rôle des médias américains dans l'élection présidentielle: témoignage d'une journaliste de CNN

Les médias américains jouent un rôle clé dans l’élection présidentielle.

Contrairement à la France, ils peuvent officiellement soutenir un candidat à la présidentielle. A ce jour, 83 médias américains soutiennent officiellement Hillary Clinton. Cela peut aller du journal local à de grandes publications , le New York Times par exemple, a choisi de défendre la candidate démocrate.

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Le New York Times soutient officiellement la candidature d'Hillary Clinton

Seulement quatre publications ont officiellement exprimé leur soutien pour le candidat républicain, Donald Trump. Le mot “officiellement” ici peut être crucial pour les candidats, puisque certains medias restent neutres,mais en suivant l’actualité de près, il devient facile de deviner de quel bord politique ils se trouvent. Selon un sondage de Pew Research Center datant des élections de 2012, CNN aurait des affinités démocrates.

A noter que Time Warner, le grand groupe de presse propriétaire de CNN, est l'un des plus généreux donateurs de la campagne d'Hillary Clinton. En 2015, le groupe avait déjà financé la campagne de la candidate démocrate à la hauteur de 78 193 euros. Fox News, autre chaine d’information populaire aux Etats-Unis, aurait plutôt un pendant républicain.

Time Warner, propriétaire de CNN est le 8ème plus grand donateur dans la campagne d'Hillary Clinton.

Time Warner, propriétaire de CNN est le 8ème plus grand donateur dans la campagne d'Hillary Clinton.

Brianna Keilar est journaliste politique à CNN et couvre la champagne d’Hillary Clinton.

Elle la suit dans pratiquement tous ses déplacements, voyageant dans le pays plusieurs fois par semaines. Keilar vient tout juste de renter de Des moines dans L’Iowa où Hillary Clinton avait un meeting « en tant que journaliste politique, il faut être prêt à passer beaucoup de temps dans l’Iowa » dit-elle avec un sourire aux lèvres, « ce travail demande tellement de sacrifices; pas le temps de dormir, ni de faire du sport et encore moins de manger équilibré, mais ça vaut le coup ! Nous avons tellement de chance d’être au cœur de l‘actualité ».

Présentation de Brianna Keilar sur le site internet de CNN

Présentation de Brianna Keilar sur le site internet de CNN

Keilar a 36 ans et déjà 13 ans de journalisme derrière elle, dont quelques années passées à la Maison Blanche en tant que correspondante pour CNN. Elle se tient toujours droite et grande, les mains croisées devant elle.

Elle regarde droit devant elle, cheveux bien coiffés, maquillage parfait et tenue adéquate : robe blanche et veste de tailleur orange pour capter l’attention des téléspectateurs. Sans même s'en apercevoir, elle se tient toujours prête pour un impromptu duplex.

La télévision américaine est digne des plus grandes productions Hollywoodiennes. Entendez par là; les moyens sont illimités, et les acteurs principaux –soit les journalistes- ont une armada d’assistants avec eux.

Keilar explique que CNN a commencé à travailler sur la campagne présidentielle au début de l’année 2014, soit deux ans avant. La chaine d’info joue un rôle primordial lors les élections. En effet, elle organise les débats, interviews les candidats et les suit dans leurs déplacements au jour le jour.

En mars 2014, soit 13 mois avant que Clinton ne déclare sa candidature, Keilar commence à la suivre dans ses déplacements. « CNN avait prédit qu’il y avait de grandes chances pour qu’elle se présente, et nous voulions connaitre son positionnement sur certains thèmes de campagne, » dit-elle avant d’ajouter que travailler en amont de cette manière l’a aidé à faire son travail du mieux quelle le pouvait. « C’était génial, ça m’a vraiment permis d’entre opérationnelle et de faire un boulot plus approfondi à partir du moment où elle s’est déclarée candidate ».

A moins de deux mois du Jour-J, les médias américains sont sur le qui-vive, et se préparent à vivre un jour historique.

Clémentine Boyer Duroselle

Habiter sur Mars, ça vous tente ?

C'est le projet peut-être pas si fou que ça d'Elon Musk, le PDG de la société SpaceX : envoyer des hommes sur Mars pour coloniser la planète rouge. 

Dans un discours donné mardi au Congrès international de l'astronautique qui se tenait au Mexique, Musk a décrit deux alternatives possibles au futur de l'être humain : "La première est que nous restions sur Terre et que, inévitablement, un événement produise notre extinction." La seconde ? "Devenir une civilisation capable de parcourir l'espace, une espèce multi-planétaire."

Elon Musk a ensuite dévoilé une vidéo de son projet, le Système de transport interplanétaire, qui permettrait de se déplacer, à terme, de planète en planète. L'idée : propulser une navette spatiale et être capable de la ravitailler en carburant pendant qu'elle est en orbite. Une fois le plein fait, la navette quitterait l'orbite et pourrait ensuite utiliser l'énergie solaire pour aller jusqu'à Mars, en déployant de grands panneaux solaires.

Selon Musk, il faudrait entre 40 et 100 ans pour pouvoir établir sur Mars une vraie colonie autosuffisante. Pour cela, il faudrait envoyer pas moins de 1000 navettes, avec à leur bord 200 personnes, et effectuer environ 10 000 voyages. Elles partiraient tous les 26 mois, lorsque la distance entre la Terre et Mars est la plus faible. Le voyage vers la planète rouge prendrait tout de même entre 80 et 140 jours ! Il y aurait en effet plus de 50 millions de kilomètres à parcourir.

Et les ambitions du PDG de SpaceX ne s'arrêtent pas à la planète Mars. Dans sa ligne de mire sont aussi des objets plus éloignés, comme Enceladus, un satellite de Saturne sur lequel les scientifiques de la Nasa ont récemment découvert un océan qui pourrait être propice à la vie.

Par contre, la Lune n'est pas une candidate idéale au développement multi-planétaire de l'espèce humaine : "Elle est trop petite, n'a pas pas de ressources ni d'atmosphère, et une journée sur la Lune dure 28 jours terrestres, alors qu'une journée sur Mars dure 24,5h, ce qui est très proche des 24h de la Terre," a déclaré Musk lors de son discours.

Déploiement des panneaux solaires de la navette spatiale.

Déploiement des panneaux solaires de la navette spatiale.

Outre un défi technologique, le projet pose aussi un grand défi financier : Elon Musk estime pour l'instant le coût du ticket pour Mars à... 10 milliards de dollars par personne. Pour réduire le prix, le PDG de SpaceX mise sur l'énergie solaire et la possibilité de créer de l'énergie sur Mars pour le trajet du retour. Il espère ainsi pouvoir faire baisser le prix à 100 000 dollars.

SpaceX souhaite lancer les premières missions vers Mars, inhabitées, en 2018, et y envoyer les premiers hommes à l'horizon 2022.

Anne Pouzargues

Les champions de NASCAR reçus à la Maison Blanche

Le président américain a reçu à la Maison Blanche, ce matin, l’équipe de NASCAR (La National Association for Stock Car Auto Racing), une compétition automobile. L’équipe américaine a remporté la fameuse Sprint Cup Series en 2015.

Cérémonie en l'honneur de l'équipe américaine de Nascar, ce matin à la Maison Blanche

Cérémonie en l'honneur de l'équipe américaine de Nascar, ce matin à la Maison Blanche

Barack Obama a pris l'habitude tout au long de ses deux mandats de recevoir les sportifs de haut niveau. C'est dans une atmosphère détendue que le président a félicité le champion Kyle Busch. Il a profité de sa présence à la Maison Blanche pour lui faire part - sur le ton de la rigolade - de son projet de conduire une voiture de course à la fin de son mandat. « Dans quelques mois je pourrais enfin faire ce qu'il me plait, » raconte le président avant de se reprendre et d’annoncer que Michelle ne le laisserait jamais conduire une voiture recouverte de M&M's, « elle voudrait sûrement avoir des carottes dessus à la place, » dit-il sur le ton de la plaisanterie.

Voiture de Kyle Busch, sponsorisé par M&M's

Voiture de Kyle Busch, sponsorisée par M&M's

 

Le champion Kyle Busch a offert son casque au président pour le remercier de son hospitalité. Obama en a profité pour prendre une photo avec toute l’équipe… et le casque de Kyle Busch dans les mains!

Comme souvent lors de ses apparitions publiques, le président nous faire part de son sens de humour sans faille. Il a, cette fois-ci fait référence à Jeb Bush, le frère de l'ancien président républicain George W. Bush et qui a été candidat aux primaires républicaines cette année. « On est en 2016, certaines personnes pensaient que l’on allait revoir un Bush ici à la Maison Blanche. Ils ne se doutaient pas que ça allait être Kyle».

Cérémonie en l'honneur de l'équipe américaine de Nascar, ce matin à la Maison Blanche

Cérémonie en l'honneur de l'équipe américaine de Nascar, ce matin à la Maison Blanche.

Clémentine Boyer Duroselle

Que retenir du premier débat présidentiel ?

L'enjeu de la soirée d'hier était de convaincre les "indécis," qui représentent environ 10% à 15% des électeurs. Chacun des candidats avait un objectif : pour Trump, il fallait se montrer plus "présidentiable," apte à la fonction présidentielle. Pour Clinton, il fallait montrer un côté plus humain et compréhensif, loin de son image de "Dame de fer" - alors, y sont-ils parvenus ?

Atteindre la prospérité :
L'économie et l'emploi étaient les premiers thèmes abordés hier. Sans surprise, les deux candidats avaient des propositions très différentes. Clinton a défendu une économie qui fonctionne pour tous, et pas seulement pour les plus riches. Pour cela, elle compte, entre autres, augmenter le salaire minimum et garantir l'égalité salariale entre les hommes et les femmes.

Trump a déploré que les emplois quittent le territoire et a critiqué la délocalisation. Son idée : ramener les emplois aux Etats-Unis, en renégociant notamment les traités internationaux. La Chine et le Mexique, principaux "coupables" de la fuite des entreprises selon Trump, sont cités dès les 10 premières minutes.

Mais leur opposition principale se situe au sujet des impôts. Clinton veut les augmenter pour les plus riches, alors que Trump veut les baisser pour que les entreprises ne partent pas.

La paix sociale :
Dans le contexte de violence qui sévit depuis quelques mois aux Etats-Unis, avec des tensions la semaine dernière encore à Charlotte, en Caroline du Nord, entre des policiers et la communauté afro-américaine, ce sujet était majeur. Et là encore, les deux lignes sont distinctes.

Pour Clinton, le but est de rebâtir la confiance entre les communautés et les forces de l'ordre. Deuxième objectif : régler "l'épidémie des armes," et exiger de plus grands contrôles lors de l'achat d'armes à feu. Pour Trump, deux mots : la loi et l'ordre, qu'il reprend dans tous ses discours de campagne, et qu'il érige comme des principes à renforcer et à défendre.

Derrière tout ça, on voit bien un schéma cousu de fil blanc : tenter de récupérer les voix des minorités, qui seront cruciales pour l'un comme pour l'autre.

Sécuriser l'Amérique : 
Ce volet commence par la cybersécurité. Clinton attaque la Russie, "responsable d'avoir hacké plusieurs systèmes informatiques américains." C'est à se demander si la candidate démocrate n'a pas tendu, ici, le bâton pour se faire battre. En effet, la riposte de Trump est immédiate : "On ne sait pas qui sont les hackers, mais en tous cas on sait ce qu'ils ont révélés," dit-il, faisant référence aux e-mails du Comité national démocrate, qui montraient une volonté des cadres du parti de favoriser Clinton aux dépens de son adversaire à la primaire Bernie Sanders.

Sur l'organisation Etat islamique (EI) : Trump accuse Clinton et l'administration Obama d'avoir créer l'EI en déstabilisant le Moyen-Orient. Clinton, elle, attaque le candidat républicain sur son fameux "plan secret" pour combattre l'EI : le plan existe-t-il vraiment ?

Les points communs :
Eh oui, il y en a ! Les deux candidats sont notamment tombés d'accord sur la nécessité de mettre en place un congé maternité ; de ramener à la normale les relations tendues entre la police et la communauté afro-américaine ; ou encore d'interdire la vente d'armes aux personnes figurant sur la no fly list, c'est-à-dire qui ne sont pas autorisées à prendre l'avion car elles sont suspectées de terrorisme.

L'ambiance :
De manière générale, l'atmosphère a été moins tendue que ce que l'on aurait pu attendre, et plus centrée sur les faits que sur les anecdotes.

Il aura fallu pas moins de 40 minutes avant que les classiques de la campagne sortent, à savoir les déclarations d'impôts de Trump et les e-mails de Clinton. "Je publierai mes impôts quand elle publiera ses e-mails," a déclaré le candidat républicain quand le sujet a été abordé.

Le bilan

Donald Trump est définitivement un meilleur orateur qu'Hillary Clinton ; de ce fait, il prend la main sur la première partie du débat, enchaînant les petites phrases qui font rire le public.

Hillary Clinton a notamment souffert de ce que l'on pourrait appeler le "syndrome de la continuité" : quand l'expérience n'est pas un atout, mais un défaut. Elle a été très attaquée sur les bilans de son prédécesseur démocrate Barack Obama, ainsi que sur celui de son mari Bill Clinton.

Mais plus le débat avance, plus Clinton revient dans la course, avec moins d'approximations et plus de faits que son adversaire. "Il faut être précis, et c'est ça que je veux faire," dit-elle. Elle remporte ainsi la deuxième manche haut la main.
Après une heure et demi de discussion - sans coupure de publicité, ce qui est assez rare aux Etats-Unis pour être précisé - difficile à dire si les indécis seront convaincus.

 

Florilège

Trump attaque Clinton sur le temps qu'elle a passé au pouvoir : "En 30 ans vous n'avez pas pu ramener les emplois."

Clinton : "J'ai l'impression qu'on va tout me reprocher ce soir."
Trump : "Pourquoi pas ?"

Trump au modérateur Lester Holt, qui le reprend sur des faits : "Vous avez tort."

Clinton : "Monsieur Trump me critique car j'ai préparé ce débat. Oui je me suis préparée. Et vous savez ce à quoi je me suis aussi préparée ? A être présidente."

Clinton : "Donald" - la Secrétaire d'état a appelé son adversaire par son prénom tout au long du débat.

Trump : "J'ai un meilleur tempérament que Clinton. C'est mon plus grand atout."

Clinton : "Quelqu'un qui s'énerve pour un tweet ne peut pas avoir le doigt près du bouton des armes nucléaires."

Trump : "Hillary Clinton a de l'expérience, mais c'est de la mauvaise expérience."

 


Anne Pouzargues
Twitter: @AnnePouzargues

 


 

Cet article est extrait de notre newsletter "Spéciale élection Présidentielle" : chaque jour jusqu'au 8 novembre, nous décortiquons et analysons les derniers événements de la campagne. Suivez-nous ! Pour vous abonner, c'est en cliquant sur ce lien: 

Le vote des personnes handicapées détermine-t-il le sort de l'élection ?

Le vote des personnes handicapées détermine-t-il le sort de l’élection présidentielle américaine ? A en croire une “légende tenace”, la réponse paraît acquise :

George Bush ayant inscrit dans son programme de campagne, la promesse de faire passer l’ADA (Americans with Disabilities Act), les suffrages des personnes handicapées auraient fait basculer l’élection de son côté en 1988”, rappelle Pierre-Yves Baudot (1), professeur de science politique à l’Université de Picardie.

 

À l’approche de l’élection présidentielle du 8 novembre, la mobilisation de ces quelques 34,5 millions d'électeurs potentiels constitue un enjeu non négligeable pour Hillary Clinton et Donald Trump. Certains chercheurs, comme Douglas Kruse et Lisa Schur (2), vont jusqu’à affirmer que le vote des personnes handicapées pourrait faire basculer quelques-uns des “Swing States” - "la Floride et la Caroline du Nord" - et “déterminer ainsi tout ou une partie de l’issue du scrutin”.

UN POIDS ÉLECTORAL IMPORTANT

Aux États-Unis, les personnes handicapées représentent près d'un cinquième du corps électoral, selon une étude conduite par le Centers for Disease Control and Prevention. Un nombre d’électeurs potentiels non négligeable, d’autant que ce chiffre ne prend pas en compte les familles (30%), les conjoints, les amis ou encore le corps médical, également exposés aux problèmes du handicap.

Dans une élection serrée, la mobilisation  de ce segment de la population est d’autant plus crucial que “leur niveau de participation est inférieur au taux moyen (lui-même peu élevé)”, explique le politologue Pierre-Yves Baudot.

DES POPULATIONS “DISENFRANCHISED”

Mais “dans les bureaux de vote, c’est souvent l’épreuve, confie Lydia X. Z. Brown, une activiste autiste, diplômée de la prestigieuse Université de Georgetown :

Pour beaucoup de personnes handicapées, voter s’avère très difficile : les bureaux de vote sont loins, parfois inaccessibles en transport collectif ou gérés par des personnes qui ne comprennent pas le rôle des aides à la personne, pourtant nécessaires lorsque l’on est invalide. Pire, certains handicapés sous tutelle peuvent être privés de leur droit de vote”.

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Lydia X. Z. Brown, activiste autiste

En 2005, ils étaient 30% à avoir rencontré des difficultés pour se rendre aux urnes. Comme l’explique Pierre-Yves Baudot :

Ces populations font partie de ce que plusieurs spécialistes de la participation électorale appellent des populations « disenfranchised », c’est-à-dire des personnes auxquelles le droit de vote est en pratique retiré, contribuant à cette distorsion de plus en plus insupportable entre l’électeur médian et l’américain moyen, le premier étant blanc, mâle et plus riche que le second”.

La mobilisation des personnes handicapées dépend donc de plusieurs facteurs, à commencer par les politiques publiques de mise en accessibilité des bureaux de vote et les campagnes de communication - particulièrement importantes cette année, autour du hashtag #cripthevote, destiné à favoriser les échanges autour de l’enjeu du handicap, entre les hommes politiques et les électeurs de tout bord.

UN ÉLECTORAT POLITIQUEMENT PARTAGÉ

Contrairement à une affirmation devenue lieu commun, “toutes les personnes  handicapées ne sont pas démocrates”, précise Kathy Brandt, une retraitée aveugle qui s’apprête à voter pour Donald Trump.

Dans  "People with Disabilities: Sidelined or Mainstreamed", Douglas Kruse et Lisa Schur montrent bien qu’en termes de positionnement partisan, les personnes handicapées sont relativement partagées. Les intentions de vote pour l’élection présidentielle de 2016 le confirment : d’après un sondage publié par le Pew Research Center le 22 septembre, l’écart entre Hillary Clinton (47%) et Donald Trump (40%) est de seulement 7 points.

LE SOCIAL AVANT LE HANDICAP

La seule revendication spécifique à ce groupequelle que soit son orientation partisane, est son souhait de voir l’État intervenir davantage dans les politiques d’emploi, d’éducation et de santé.

Sur ce point, “le contraste entre les deux principaux candidats est saisissant”, note un soutien d’Hillary Clinton, qui garde toujours en mémoire l’imitation humiliante d’un journaliste handicapé par Donald Trump.

https://www.youtube.com/watch?v=MZcuWba_HgU

En réalité, le candidat républicain n’a pas attendu la campagne de la primaire pour afficher son mépris envers les personnes handicapées. Dans "Crippled America" paru en 2011, l’ex-homme d’affaire avait déjà dénoncé l’existence d’un présumé racket des handicapés (Disability racket”), lequel était chiffré, sous sa plume, à 25 milliards de dollars.

Si Hillary Clinton ne propose “pas de solution radicalement nouvelle”, estime Pierre-Yves Baudot - elle indique vouloir appliquer pleinement l’Americans with Disabilities Act adopté en 1990 et révisé par l’American With Disabilities Act Amendment Act ADAAA en 2008. Sa vaste opération de séduction et ses différentes propositions en faveur des personnes handicapées pourraient s'avérer électoralement payant.

Depuis le début de la campagne, la candidate démocrate plaide en effet pour le renforcement des politiques de soutien à l’emploi et d’accessibilité des écoles pour les personnes en situation d’invalidité.

“UNE NOUVELLE MISE EN RÉCIT D’UN PROBLÈME PUBLIC”

Hillary Clinton a fait de la question du handicap l’un de ses thèmes de campagne, “en posant d’abord la question de l’autisme, puis plus frontalement, la question des inégalités économiques liées au handicap à Orlando”, rappelle le politologue Pierre-Yves Baudot.

Pour ce chercheur :

Le discours d’Orlando s’inscrit dans la construction progressive de cet enjeu dont l’équipe d’Hillary Clinton aimerait sans doute qu’il devienne saillant - c’est-à-dire que ce soit l’un des enjeux qui déterminent les choix des électeurs. Il ne s’agit pas, pour elle, de prendre simplement position, tous les candidats le font, mais de prendre possession de l’enjeu en proposant une nouvelle mise en récit d’un problème public.

Ce cadrage autour des inégalités économiques découlant des diverses discriminations dont sont l’objet les personnes handicapées est relativement nouveau, la question ayant aux États-Unis été davantage posée en termes de droits civils qu’en termes de droits sociaux”.

Si, comme l'affirme Douglas Kruse, cette question est susceptible de “déterminer tout ou une partie de l’issue du scrutin”, il est moins sûr, en revanche, qu'elle soit abordée tout court lors du premier débat entre Donald Trump et Hillary Clinton, ce soir.

Clara Tran


FullSizeRender (5)(1) Pierre-Yves Baudot est professeur de science politique à l’Université de Picardie – Jules Verne et chercheur au Centre Universitaire de Recherche sur l’Action Publique et Politique (CURAPP). Il a codirigé, avec Anne Revillard, "L’Etat des droits. Politique des droits et pratiques des institutions" (Presses de Sciences Po, 2015). Ses recherches portent principalement sur les politiques du handicap en France et sur les instruments de réformes de l’administration publique.

 

MJW_7814MJW_7898(2) Douglas Kruse et Lisa Schur sont chercheurs à Rutgers University. Spécialistes du rapport des personnes handicapées à l'économie et à la politique, ils ont publié ensemble "People with Disabilities: Sidelined or Mainstreamed?" (Cambridge University Press, 2014).

"Si un candidat à la présidentielle veut remporter l'élection, il doit gagner entre 40 et 45% de votes Hispaniques."

Laura Chinchilla a été la première femme élue présidente de la République du Costa Rica (2010-2014). A la fin de son mandat, elle a déménagé aux Etats-Unis avec sa famille. Elle vit maintenant à Washington D.C. et travaille comme consultante pour des organisations internationales. Elle est également professeur à l’Université Georgetown et reste active dans la communauté Hispanique.

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Le vote Latino-Américain depuis 1980. Pew Research Center

Laura Chinchilla s’exprime sur l’impact du vote Latino-Américain sur l’élection présidentielle de novembre prochain.

FRANCE 2. 13% des électeurs seront Hispaniques cette année. Concrètement, quel est le poids du vote Latino-Américain dans cette élection présidentielle ? Pourrait-il changer la donne ?

Laura Chinchilla. Selon les statistiques, le vote Hispanique est de plus en plus conséquent, mais je tiens à souligner que beaucoup de Latino-Américains ne s’enregistrent pas pour voter, et s'ils le font, la plupart d'entre eux ne vont même pas aux urnes le jour de l’élection.

FRANCE 2. Pourquoi décident-ils de ne pas voter au final ?

Laura Chinchilla. Ils ne sont pas intéressés par la politique. Petit à petit, ils réalisent qu’ils faut qu’ils participent plus et qu’ils votent s'ils veulent influencer la décision finale, mais il y a encore du chemin !

Selon les estimations, si un candidat à la présidentielle veut remporter l'élection, il doit gagner entre 40 et 45% de votes Hispaniques. Ce qu’il se passe en ce moment c’est que la plus part des Latino-Américains sont contre le Parti républicain. C’est pour cette même raison que beaucoup de démocrates pensent que Donald Trump ne pourrait pas devenir président : une infime partie des Latinos vont voter pour lui.

FRANCE 2. « Ils apportent avec eux la drogue. Ils apportent le crime. Ce sont des violeurs ». Voilà certaines déclarations de Donald Trump à propos les Latinos. Et pourtant, certains Hispaniques votent tout de même pour le Parti républicain. Selon un sondage récent, 18% d’entre eux comptent voter pour Donald Trump le 8 novembre prochain. Comment pouvez-vous expliquer cette intention de vote tout de même élevée pour un candidat républicain ?

Laura Chinchilla. Lorsque l'on interroge la population hispanique, 30% d’entre eux expliquent que ce qui compte vraiment, c’est l’économie et l’emploi. Le plus souvent ils disent que l’immigration n’est pas un problème.

 L’immigration arrive seulement en quatrième position. Donc le problème ici ce n’est pas si Donald Trump est contre l’immigration ou si Hillary Clinton en est en faveur, mais plus la façon dont les candidats s’adressent à eux et se sentent concernés par leur préoccupations.
Les préoccupations premières des Latinos-Americains sont l'économie et les soins de santé.

Les préoccupations premières des Latinos-Américains sont l'économie et les soins de santé.

 

 FRANCE 2. Le réel problème serait donc que les Latino-Américains ne trouveraient pas un candidat qui correspond à leurs attentes. Qu'est ce que les candidats pourraient faire pour gagner le soutien des Latino-Américains?

Laura Chinchilla. Ils devraient être capable de comprendre les besoins de cette communauté. Chose que tout candidat voulant remporter une élection est censé faire.

Les Latino-Américains sont très traditionnels et la famille est très importante pour eux, tout comme pour les républicains. Ils ont une opportunité de remporter des votes ici, mais ils n’en profitent même pas.

FRANCE 2. Vous insinuez que le Parti républicain pourrait remporter plus de votes Hispaniques, mais ils n’essayeraient même pas?

Laura Chinchilla. Exactement. Ils devraient se concentrer sur les valeurs familiales. Par exemple beaucoup de Latino-Américains sont contre l’avortement, tout comme les républicains. Pourtant, ils n’utilisent pas ces sensibilités similaires pour remporter des voix.

FRANCE 2. L’actuel président des Etats-Unis, Barack Obama est noir. Si Hillary Clinton est élue présidente, elle serait la première femme élue à ce poste aux Etats-Unis. Pensez-vous que les Américains seraient prêts à élire un président Hispanique lors d'une prochaine élection?

Laura Chinchilla. Je pense que les Etats-Unis sont prêts à avoir un président Latino-Américain, parce ce qu’ils étaient prêts pour Barack Obama et ca veut dire beaucoup dans ce pays. Ce qu’il ne faut pas oublier aussi c’est que parfois il ne faut pas se focaliser sur l’origine ou le genre mais plus si le candidat a un programme intéressant ou pas.

Propos recueillis par Clémentine Boyer Duroselle

 

"L'idée qu'un Président puisse être une femme choque"

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Christine Delphy, le 9 février 2016 à la London School of Economics

Depuis le début de la campagne présidentielle américaine, Hillary Clinton et Donald Trump sont au coude à coude dans les sondages. Malgré ses expériences, l'ancienne secrétaire d'Etat ne parvient pas à creuser l’écart avec son rival businessman, ouvertement misogyne et relativement novice en politique. La faute au « sexisme», comme l'a soutenu, dimanche soir, le président Obama ? La campagne présidentielle américaine est-elle structurée par des effets de genre ? Eléments de réponse avec Christine Delphy, sociologue, directrice de recherche émérite au CNRS et cofondatrice avec Simone de Beauvoir, en 1981, de la revue Nouvelles Questions Féministes.                      

FRANCE 2. Le président Obama a affirmé, dimanche soir, à New York, que le sexisme dans la société américaine constituait un frein pour Hillary Clinton. Êtes-vous d'accord avec ce constat?

Christine Delphy. Evidemment, oui. L'idée qu'un Président puisse être une femme choque autant les opinions publiques, sinon plus que celle qu'il puisse être noir. Rappelons qu'aux Etats-Unis, le suffrage a été donné aux hommes noirs un demi-siècle avant les femmes et qu'ils ont pu accéder aux positions de pouvoir, plus rapidement.

FRANCE 2. Hillary Clinton n'hésite pourtant pas à mettre en avant sa féminité. Sur son compte Twitter, elle se définit à travers 10 substantifs. Les termes d’ « épouse », de « mère » et de « grand-mère » arrivent en première position là où celui de « candidate à la présidentielle de 2016 » est placé en dernier. Comment analysez-vous la "présentation de soi" de la candidate ? Que révèle-t-elle de l'usage stratégique de la féminité en politique ?

Christine Delphy. Ce n'est pas un "usage stratégique". C'est se prémunir contre les accusations de ne pas être une "vraie" femme.

FRANCE 2. Quelles sont les particularités des représentations sociales sur les femmes politiques ?

Christine Delphy. Les femmes politiques doivent à la fois être de "vraies" femmes, et donc être incapables d'être présidentes, et démontrer qu'en dépit de cela, elles en sont capables. C'est ce qu'on appelle le double bind, la double contrainte ou injonction contradictoire.

FRANCE 2. Depuis le début de la campagne, les deux candidats ne sont pourtant pas limités à des caractéristiques de genre fixées sur leur sexe : Hillary Clinton est accusée de « froideur » là où Donald Trump est raillé pour son « incompétence » et son « inexpérience ». Assiste-t-on à un glissement des statuts possibles de la féminité et de la masculinité en politique ?

Christine Delphy. Non. Les femmes vont être et sont la plupart du temps condamnées parce qu'elles sont de "vraies" femmes, et en même temps condamnées dès lors qu'elles montrent des traits réservés aux hommes : la "froideur"  –  dont aucun candidat masculin n'a jamais été accusé.

FRANCE 2. La victoire d’Hillary Clinton représenterait-elle, selon vous, une avancée pour les femmes ?

Christine Delphy. Non. Hillary Clinton n'a pas fait de la cause des femmes, son combat principal. Si elle l'avait fait, cela aurait été terrible pour sa candidature. Elle aurait sans doute du inscrire ce combat dans le cadre d'une lutte générale contre les discriminations subies par les minorités.

Propos recueillis par Clara Tran

 

Les enfants adoptés aux Etats-Unis entre les années 1950 et 1980 n’ont pas reçu la nationalité américaine.

Pendant des décennies, les Etats-Unis n’ont pas reconnu les enfants étrangers adoptés par des Américains comme citoyens américains.

Visa d'un bébé né en Corée du Sud pour retourner aux Etats-Unis avec ses nouveaux parents. Photo de Kyong-Ah Jong

Visa d'un bébé né en Corée du Sud pour retourner aux Etats-Unis avec ses nouveaux parents. Photo de Kyong-Ah Jong

Après la seconde guerre mondiale, beaucoup d’Américains ont adopté des enfants en Allemagne. Après la guerre de Corée, environ 100 000 Coréens ont été adoptés par des Américains. L’histoire se répète pour la guerre du Vietnam, et la révolution iranienne. Adopter des enfants à l’étranger était très populaire aux Etats-Unis jusqu'aux années 2000. Le processus était simple et le délai d’attente très court. Pour le plus grand bonheur des parents qui pouvaient ramener à la maison leur bébé de quelques mois seulement. Ces enfants ont été élevés aux Etats-Unis, et leur langue maternelle est l’anglais.

En grandissant, ils ont voulu voyager, et ont demandé des passeports. Demandes rejetées.

Ils ont voulu aller à l’Université et ont demandé des prêts étudiants. Demandes rejetées.

Petit à petit ces enfants sont devenus grands et ont découvert qu’ils n’avaient pas la nationalité américaine.

Il leur était impossible de trouver du travail. Pire, ils ont découvert qu’ils étaient sur le sol américain illégalement. Certains d’entre eux ont même été deportés dans leur pays de naissance.

A ce moment là, il n’y avait que très peu de supervision et les agences d’adoption étaient elles-mêmes mal informées. Les parents n’étaient alors pas au courant qu’il fallait demander à ce que leur enfant devienne citoyen américain.

Document prouvant que Kyong-Ah Jong, utilisant maintenant le prénom Jane est devenue une citoyenne Américaine. Photo de Kyong-Ah Jong

Document prouvant que Kyong-Ah Jong, utilisant maintenant le prénom Jane, est devenue une citoyenne américaine.
Photo de Kyong-Ah Jong

Aujourd’hui beaucoup de parents d’enfants adoptés à l’étranger se retournent contre le gouvernement américain.

Selon le Service d’Immigration et de Citoyenneté américain, un enfant adopté à l’étranger par des parents américains reçoit automatiquement la nationalité américaine. Mais la subtilité de ce message - et ce que peu de personnes savaient à l’époque - c’est que les parents doivent en faire la demande.

Par "automatiquement", le Service d’Immigration et de Citoyenneté américain entend que les parents n’ont pas besoin de postuler, d'entrer dans un long processus pour que les enfants deviennent Américains, plus simplement ces enfants sont dans le droit d’acquérir la même nationalité que leur parents, mais il faut la demander.  Une procédure simplissime mais inconnue par les personnes concernées.

Par "automatiquement", les parents et beaucoup d'agences d’adoption pensaient qu’ils n’avaient aucune démarche à faire. Erreur. En arrivant sur le sol américain, ces enfants ont reçu le statut de résident permanent, mais ne savaient pas qu’il fallait renouveler leur carte de résident permanent régulièrement. Une fois que la carte est périmée, il devient compliqué de la renouveler.

Ils ont grandi avec les avantages d’être Américains, sans savoir qu’ils ne l’étaient pas.

En grandissant, ces enfants ont pu obtenir un numéro de sécurité social, passer leur permis de conduire, certains ont même pu voter! Mais lorsqu’ils ont voulu renouveler un document officiel, les documents administratifs qu’ils avaient n’étaient plus suffisants.

Que s’est-il passé entre temps?

Le gouvernement est devenu beaucoup plus strict à la fin des années 90 et début des années 2000, et demandait plus de justificatifs pour renouveler ou acquérir des documents officiels.

The Child Citizenship of 2000

"The Child Citizenship of 2000"

Lorsque le pot au roses à été découvert à la fin des années 90, le gouvernement a réagi et une loi a été votée  «The Child Citizenship Act» en février 2001. Cette loi garantit la nationalité américaine pour tout enfant de moins de 18 ans adopté à l’étranger. Plus de 100 000 adoptés ont pu en bénéficier.

Mais que se passe t-il pour ceux qui ont plus de 18 ans?

Beaucoup d’entre eux sont explusés.

Photo de famille de Ki Hong. Il avait 2 ans lorsqu'il a été adopté par des parents Américains

Photo de famille de Ki Hong. Il avait 2 ans lorsqu'il a été adopté par des parents américains

Ki Hong en a fait les frais. Dans une interview au Washington Post le 2 septembre dernier, il explique qu’il s’est retrouvé apatride. Il avait plus de 18 ans lorsque le «Child Citizenship Act» a été voté, il est donc susceptible d’expulsion. Il vit maintenant comme un immigrant illégal, ayant peur d’être renvoyé à tout moment vers un pays qu’il ne connait, et dont il ne parle même pas la langue.

Une seconde loi pour faire justice

Depuis novembre 2015, la sénatrice démocrate de l’Etat du Minnesota, Amy Klobuchar se bat pour proposer une seconde loi, incluant cette fois-ci les enfants ayant plus de 18 ans, «the Adoptee Citizenship Act». Cette loi est toujours en attente d’être votée. « Ces enfants adoptés ont grandi dans des familles américaines, sont allés dans des écoles américaines, vivent comme des américains typiques. Cette menace constante [d’être renvoyé] est injuste, nous devons reconnaitre les adoptés internationaux comme citoyens américains, » explique t-elle.

La sénatrice démocrate de l’Etat du Minnesota, Amy Klobuchar propose une seconde loi, incluant cette fois-ci les enfants ayant plus de 18 ans.

La sénatrice démocrate de l’Etat du Minnesota, Amy Klobuchar propose une seconde loi, incluant cette fois-ci les enfants ayant plus de 18 ans.

De nos jours, les ambassades et agences d’adoption internationales sont bien mieux informées, et ce genre de déboires n'est plus d’actualité.

Cependant, plus de 75 000 adoptés sont encore dans l’attente d’une régularisation de leur statut.

 

Clémentine Boyer Duroselle