L'enjeu de la soirée d'hier était de convaincre les "indécis," qui représentent environ 10% à 15% des électeurs. Chacun des candidats avait un objectif : pour Trump, il fallait se montrer plus "présidentiable," apte à la fonction présidentielle. Pour Clinton, il fallait montrer un côté plus humain et compréhensif, loin de son image de "Dame de fer" - alors, y sont-ils parvenus ?
Atteindre la prospérité :
L'économie et l'emploi étaient les premiers thèmes abordés hier. Sans surprise, les deux candidats avaient des propositions très différentes. Clinton a défendu une économie qui fonctionne pour tous, et pas seulement pour les plus riches. Pour cela, elle compte, entre autres, augmenter le salaire minimum et garantir l'égalité salariale entre les hommes et les femmes.
Trump a déploré que les emplois quittent le territoire et a critiqué la délocalisation. Son idée : ramener les emplois aux Etats-Unis, en renégociant notamment les traités internationaux. La Chine et le Mexique, principaux "coupables" de la fuite des entreprises selon Trump, sont cités dès les 10 premières minutes.
Mais leur opposition principale se situe au sujet des impôts. Clinton veut les augmenter pour les plus riches, alors que Trump veut les baisser pour que les entreprises ne partent pas.
La paix sociale :
Dans le contexte de violence qui sévit depuis quelques mois aux Etats-Unis, avec des tensions la semaine dernière encore à Charlotte, en Caroline du Nord, entre des policiers et la communauté afro-américaine, ce sujet était majeur. Et là encore, les deux lignes sont distinctes.
Pour Clinton, le but est de rebâtir la confiance entre les communautés et les forces de l'ordre. Deuxième objectif : régler "l'épidémie des armes," et exiger de plus grands contrôles lors de l'achat d'armes à feu. Pour Trump, deux mots : la loi et l'ordre, qu'il reprend dans tous ses discours de campagne, et qu'il érige comme des principes à renforcer et à défendre.
Derrière tout ça, on voit bien un schéma cousu de fil blanc : tenter de récupérer les voix des minorités, qui seront cruciales pour l'un comme pour l'autre.
Sécuriser l'Amérique :
Ce volet commence par la cybersécurité. Clinton attaque la Russie, "responsable d'avoir hacké plusieurs systèmes informatiques américains." C'est à se demander si la candidate démocrate n'a pas tendu, ici, le bâton pour se faire battre. En effet, la riposte de Trump est immédiate : "On ne sait pas qui sont les hackers, mais en tous cas on sait ce qu'ils ont révélés," dit-il, faisant référence aux e-mails du Comité national démocrate, qui montraient une volonté des cadres du parti de favoriser Clinton aux dépens de son adversaire à la primaire Bernie Sanders.
Sur l'organisation Etat islamique (EI) : Trump accuse Clinton et l'administration Obama d'avoir créer l'EI en déstabilisant le Moyen-Orient. Clinton, elle, attaque le candidat républicain sur son fameux "plan secret" pour combattre l'EI : le plan existe-t-il vraiment ?
Les points communs :
Eh oui, il y en a ! Les deux candidats sont notamment tombés d'accord sur la nécessité de mettre en place un congé maternité ; de ramener à la normale les relations tendues entre la police et la communauté afro-américaine ; ou encore d'interdire la vente d'armes aux personnes figurant sur la no fly list, c'est-à-dire qui ne sont pas autorisées à prendre l'avion car elles sont suspectées de terrorisme.
L'ambiance :
De manière générale, l'atmosphère a été moins tendue que ce que l'on aurait pu attendre, et plus centrée sur les faits que sur les anecdotes.
Il aura fallu pas moins de 40 minutes avant que les classiques de la campagne sortent, à savoir les déclarations d'impôts de Trump et les e-mails de Clinton. "Je publierai mes impôts quand elle publiera ses e-mails," a déclaré le candidat républicain quand le sujet a été abordé.
Donald Trump, on releasing his tax returns pic.twitter.com/GdKzXJJsCY
— NYT Politics (@nytpolitics) September 27, 2016
Le bilan
Donald Trump est définitivement un meilleur orateur qu'Hillary Clinton ; de ce fait, il prend la main sur la première partie du débat, enchaînant les petites phrases qui font rire le public.
On ne sait pas qui est le plus compétent. Mais celui qui fait rire et mène la danse c'est Donald ! #debatenight
— Jacques Cardoze (@JacquesCardoze) September 27, 2016
Hillary Clinton a notamment souffert de ce que l'on pourrait appeler le "syndrome de la continuité" : quand l'expérience n'est pas un atout, mais un défaut. Elle a été très attaquée sur les bilans de son prédécesseur démocrate Barack Obama, ainsi que sur celui de son mari Bill Clinton.
Mais plus le débat avance, plus Clinton revient dans la course, avec moins d'approximations et plus de faits que son adversaire. "Il faut être précis, et c'est ça que je veux faire," dit-elle. Elle remporte ainsi la deuxième manche haut la main.
Après une heure et demi de discussion - sans coupure de publicité, ce qui est assez rare aux Etats-Unis pour être précisé - difficile à dire si les indécis seront convaincus.
Sur le fond, il n'y a rien à dire. Hillary l'emporte. Les fact checks sont formels. (1) @franceinfo
— Jacques Cardoze (@JacquesCardoze) September 27, 2016
Florilège
Trump attaque Clinton sur le temps qu'elle a passé au pouvoir : "En 30 ans vous n'avez pas pu ramener les emplois."
Clinton : "J'ai l'impression qu'on va tout me reprocher ce soir."
Trump : "Pourquoi pas ?"
Trump au modérateur Lester Holt, qui le reprend sur des faits : "Vous avez tort."
Clinton : "Monsieur Trump me critique car j'ai préparé ce débat. Oui je me suis préparée. Et vous savez ce à quoi je me suis aussi préparée ? A être présidente."
Clinton : "Donald" - la Secrétaire d'état a appelé son adversaire par son prénom tout au long du débat.
Trump : "J'ai un meilleur tempérament que Clinton. C'est mon plus grand atout."
Clinton : "Quelqu'un qui s'énerve pour un tweet ne peut pas avoir le doigt près du bouton des armes nucléaires."
Trump : "Hillary Clinton a de l'expérience, mais c'est de la mauvaise expérience."
Prochains rendez-vous : débat des vice-président le 4 octobre ; débats présidentiels 9 octobre et 19 octobre. #Debates2016
— France 2 Washington (@F2Washington) 27 septembre 2016
Anne Pouzargues
Twitter: @AnnePouzargues
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