Fusion des régions : à quel coût ?

Quatre mois après leur fusion, les nouvelles régions n’en font-elles vraiment qu’une ? L’œil du 20h est allé le vérifier en Languedoc-Roussillon-Midi-Pyrénées.

La capitale de la nouvelle région, c’est Toulouse. Pourtant, les élus se réunissent à Montpellier, pas dans l'ancien conseil régional mais dans un centre de conférences loué pour l'occasion. Coût de l’opération pour les 6 ans de mandature : 1,3 million d’euros.

Véhicules pour les délégués syndicaux

Pour certains fonctionnaires, c’est aussi le chassé-croisé permanent. Les neuf directeurs généraux adjoints des services de la région ont chacun des bureaux à Toulouse et à Montpellier. Ainsi, ces derniers multiplient les allers-retours entre les deux villes.

Mais il n’y pas que les élus et les fonctionnaires qui déménagent, les délégués syndicaux disposeraient d'un véhicule et seraient défrayés pour effectuer leurs déplacements. Cette initiative "témoigne de la volonté de la région d’encourager le dialogue social dans le contexte de l’union des régions". Et Carole Delga va beaucoup dialoguer avec les syndicats dans les prochains mois. Il va falloir aligner les primes des fonctionnaires des deux anciennes régions. Bref, encore des coûts supplémentaires.

Alcool dans les stades, le grand écart du ministère des Sports


Sur le terrain politique, peut-on jouer à la fois en attaque et en défense ? Pour le secrétaire d’Etat aux sports, Thierry Braillard, apparemment c’est possible. L’oeil du 20h va vous expliquer comment.

Le 19 avril, Thierry Braillard a reçu un rapport de 67 préconisations (voir ci-dessous)  pour aider le sport professionnel français. Parmi elles, la proposition 3.3 envisage un "assouplissement de la consommation de boissons alcoolisées dans les enceintes sportives". En clair, il s’agirait d’assouplir la loi Evin pour autoriser la vente de bière et de vin aux supporters. Tout cela afin de rendre les stades plus rentables.

Pour l’instant, ce n’est qu’une proposition qui sera débattue entre ministres, mais dans le Journal l’Equipe, Thierry Braillard a déjà déclaré être "à titre personnel, favorable à une expérimentation sur le sujet". Un secrétaire d’Etat aux sports qui fait la promotion de l’alcool dans les stades, n'est-ce pas un peu contradictoire ? D’autant plus que sur le site de son ministère, on trouve plusieurs recommandations pour limiter sa consommation d’alcool.

Toujours au chapitre prévention, le secrétaire d'Etat annonçait en octobre dernier le recrutement de volontaires du service civique pour des opérations de sensibilisation aux dangers de l’alcool autour des stades de foot. Pour Thierry Braillard, il n'y a aucune contradiction. 

Mais le ministre veut aussi réparer une injustice. De l’alcool, il y en a pour chaque match mais seulement dans les loges VIP. Pour les supporters des tribunes et des virages, la vente n’est autorisée que dix fois par an. Manifestement, ce n’est donc pas assez. 

Catastrophe nucléaire : sommes-nous bien informés ?


Que faire en cas d’accident nucléaire si l’on habite près d’une centrale ? Pour tirer les leçons de la catastrophe de Fukushima, un plan national a été adopté en 2014. Mais a-t-il été appliqué ?

Dans le plan de 2014, il est prévu que l’Etat organise des points de rassemblements, des plans d’évacuation et des lieux d’hébergements. Autour de chaque centrale, il y a un périmètre de sécurité de 10 kilomètres où les riverains doivent être informés des consignes à suivre en cas d’accident. Ce plan national devait être "décliné fin 2014 au niveau des départements" et connu du plus grand nombre au cas où il serait déclenché.

Nous nous rendons aux abords de la centrale de Saint-Laurent-des-Eaux, près de Blois pour vérifier si le plan national est bien appliqué. Résultat, le document dans lequel doivent figurer les consignes (plan particulier d'intervention, PPI) est introuvable. Il ne figure pas non plus sur le site internet de la préfecture. Les riverains ont bien reçu des pastilles d'iode à ingérer en cas d'incident mais ils ne connaissent pas les autres consignes de sécurité.

"C'est pas nous, c'est Matignon"

Quant aux recommandations de l'Autorité de sûreté nucléaire pour augmenter la taille des périmètres d'urgence autour des centrales nucléaires, la France est pour le moment restée silencieuse. Voilà pourquoi à 12km de Saint Laurent des Eaux, la seule chose qu’on sait, c’est qu’on ne sait rien. 

Nous avons voulu soumettre les résultats de notre enquête au Ministère de l’Intérieur, dont dépendent les préfectures. Réponse de la communication : "C’est pas nous, c’est Matignon". Réponse de Matignon : "Merci de vous rapprocher du ministère de l’Intérieur". Finalement, au Ministère de l’Intérieur, on nous l’assure, 10 exercices d’évacuation de grande ampleur seront réalisés. Une nouvelle promesse que nous ne manquerons pas de vérifier. 

Wikipédia, terrain de jeu des communicants


Il y a 40 ans, rédiger une encyclopédie, c’était une affaire de professionnels. Aujourd’hui, les auteurs de l’encyclopédie la plus consultée au monde, ce sont des milliers de bénévoles anonymes. Mais parfois, derrière ces contributeurs se cachent des services de presse qui enjolivent ou qui censurent.

La fiche Wikipédia de la faculté de médecine de Marseille était assez succincte en janvier dernier. Jusqu’à ce qu’un mystérieux contributeur ne commence à l’enrichir de quelques superlatifs : un certain Protis et GyptisCette ligne élogieuse par exemple : "La faculté de médecine bénéficie de l’excellence française en matière de soins, de formation clinique et de recherche." Quant aux futurs locaux de la faculté, sous la plume de ce contributeur, ils devenaient tout simplement "unique(s) au monde". 

L'auteur de ces lignes est en fait la chargée de communication de la faculté de médecine. Elle aurait dû le savoir: réécrire sa propre page Wikipédia, c’est interdit. Mais il y a pire que l'embellissement d'article, la suppression de passages gênants est devenue une spécialité de certains services de communication.

Suppression d'un paragraphe sur un rapport de la Cour des comptes

Un des salariés de l’institut de sondages BVA, a supprimé à plusieurs reprises (ici ou ) un passage sur une condamnation de l’entreprise pour discrimination syndicale. Pourquoi ce coup de ciseaux ? Réponse de BVA : "Je considère que quand on veut savoir ce que fait la société BVA ce n'est pas forcément une information essentielle".

Même coup de gomme sur la fiche du Théâtre National de Bretagne où l’on pouvait prendre connaissance d'un rapport de la cour des comptes bretonne dénonçant les excès financiers du TNB. Ce rapport existe pourtant bel et bien (voir ci-dessous). Nous avons appelé le service de presse du théâtre. Pas de réponse.

Plus d’un million sept cent mille articles sont en ligne sur la version française de Wikipédia. Combien ont été retouchés par un service de presse ? On attend la fiche Wikipédia pour vous répondre.

 

Quand Coca-Cola finance la recherche


Dans les sodas, le sucre n’a plus vraiment la cote. Alors pour alléger leur recette, les industriels misent sur un ingrédient : les édulcorants. Des études scientifiques démontrent leur bénéfice pour la santé. Mais sont-elles indépendantes ? L’oeil du 20h a enquêté sur le budget recherche du géant Coca-Cola.

Lors d'un congrès sur la nutrition en 2012, un spécialiste du diabète est interrogé pour parler des bienfaits des édulcorants. Il s'agit du professeur Fabrice Bonnet. Cet expert ne tarit pas d'éloges sur les édulcorants : "le point majeur, c'est d'offrir saveur sucrée, plaisir, sans élévation de la glycémie et sans prise de poids". Problème, sur sa dernière déclaration publique d’intérêt, le diabétologue dévoile des collaborations avec plusieurs laboratoires pharmaceutiques, mais il affirme n'avoir aucun autre lien d’intérêt avec des fabricants de sodas.

719 000 euros pour une étude sur les édulcorants

Pourtant, sur la liste des partenariats de Coca-Cola France, on peut lire que l'entreprise finance des projets de recherche. L’IEEP (Institute for European Expertise in Phisiology) a ainsi touché 719 200 euros pour une étude sur les édulcorants intenses. Le professeur Fabrice Bonnet était justement chargé de la recherche.

Contacté cet après-midi, Coca-Cola n'a pas donné suite à notre demande d'interview. Les autorités sanitaires françaises sont aujourd’hui formelles sur la consommation d’édulcorants intenses : à court ou moyen terme, elle n’a pas d’effet sur la glycémie chez le sujet sain ou diabétique.

Jérôme Cahuzac, l'homme qui voulait combattre l'opacité du Panama


Bien avant les révélations des "Panama papers"un homme politique français avait alerté sur l’opacité de ce petit pays d’Amérique centrale. Cet homme politique, c’est Jérôme Cahuzac. En 2011, alors que la France considérait le Panama comme un paradis fiscal, Jérôme Cahuzac s'était élevé contre l'accord de coopération et d'échange d'informations entre la France et le Panama : "il ne me semble pas aujourd'hui que les éléments soient réunis pour retirer le Panama de la liste grise".

Pour l'ancien député du Lot-et-Garonne, il n'était pas question de négocier de convention avec ce paradis fiscal. "Société offshore", "opacité", Jérôme Cahuzac semblait bien connaître le dossier Panama. Il faut dire qu'à l'époque, le député avait un compte non déclaré au Singapour. Et, selon les révélations de nos confrères de l'ICIJ, c'est Mossack Fonseca - le cabinet au centre des Panama Papers - qui l'aurait aidé à le cacher grâce à des sociétés-écrans. L'une se trouvait justement dans le petit état d'Amérique centrale. Son avocat nous l’assure : Jérôme Cahuzac ignorait ces details du montage fiscal mis en place par ses conseillers financiers. A croire que le député passionné de finances publiques n’était pas très curieux quand il s’agissait de ses deniers.

 

Loi El Khomri : on a vérifié les éléments de langage de Pierre Gattaz


Pour Pierre Gattaz, les prud’hommes c’est "un épouvantail, c'est la roulette russe, c'est la loterie". C'est pourquoi il faudrait selon lui plafonner les indemnités pour licenciement abusif. Pour appuyer sa proposition, le président du MEDEF cite l'exemple d'un chef d'entreprise condamné à payer "198 000 euros" à un employé licencié pour faute grave.   

Nous sommes allés à Bédarieux, dans l’Hérault, pour retrouver l'entrepreneur cité par Pierre Gattaz. La justice n’a pas retenu le harcèlement dont parlait Pierre Gattaz mais l’a condamné pour licenciement abusif. Pourquoi une sanction aussi lourde ? Sur 195 000 euros, le patron a été condamné à payer près de 98 000 euros en heures supplémentaires, des indemnités pour travail dissimulé, un peu de congés payés. Et toutes ces indemnités, la loi n’a jamais prévu de les plafonner. Le plafond défendu par Pierre Gattaz ne concerne que les indemnités pour licenciement abusif, soit 50 000 euros dans cette affaire.

Avec le plafonnement, les indemnités auraient pu être 2 355 euros plus élevées

Cinquante-mille euros, ça reste une somme. Alors le plafond tel qu’il était prévu initialement dans la loi El Khomri aurait-il allégé la sanction ? Pour le savoir, nous avons demandé au salarié licencié et à son avocat de faire le calcul en reprenant le dossier et en appliquant le plafond envisagé. Résultat, en appliquant le plafond ça aurait pu être 2 355 euros de plus pour le salarié. En visite à Lyon le 5 avril dernier, Pierre Gattaz en parlait encore : "la boîte a déposé le bilan, le carnage, 10 chômeurs".

L'entreprise n'a pas fermé mais en attendant, l’affaire citée en exemple n’est toujours pas terminée. Le patron condamné s’est pourvu en Cassation. Il sera fixé dans les prochains jours, soit sept ans après avoir licencié son salarié.

Des armes à feu dans les contes de fées


D'habitude, la propagande du lobby américain des armes à feu se fait à travers des clips qui s'apparentent à des films de guerre. Mais pour toucher les plus jeunes, la NRA (National Rifle Association) n’a pas inventé la poudre, mais les contes de fées avec des armes à feu. 

Dans la version transcrite par Charles Perrault, la grand-mère est mangée par le loup, qui se déguise avec ses vêtements pour piéger la petite fille et la manger à son tour. Mais dans la nouvelle version de la NRA, la petite fille armée fait peur au loup qui s'enfuit et file chez la grand-mère qui lui réserve un accueil tout aussi chaleureux. Voici le passage sur le site de la NRA family : "Les grandes oreilles entendirent le cliquetis caractéristique du loquet de sécurité. Les grands yeux virent que la grand-mère avait un fusil à dispersion, pointé droit sur lui".

La NRA veut-elle faire des petits lecteurs de futurs consommateurs d’armes ? Contactée par téléphone, le lobby américain n’a pas dégainé très vite pour nous répondre. Quant à l’auteure de la nouvelle version et des dessins, qui se décrit comme écrivain-patriote, voici sa position: “Si le petit chaperon rouge avait porté une arme, il aurait bien plus été en sécurité”.

Chaque année aux Etats Unis, 30 000 personnes perdent la vie à cause d’une arme à feu. On est bien loin du conte de fée. Et pendant ce temps-là, à la NRA, ils vécurent heureux et eurent beaucoup d’armes.

Les aventures de Lionel Messi au Panama

Balle au pied, Lionel Messi passe rarement inaperçu, mais quand il s‘agit de gérer l’argent de ses 5 ballons d’or, le meilleur footballeur du monde préfère la discrétion. L’Oeil du 20h vous raconte les aventures dans un paradis fiscal d’un des joueurs les mieux payés au monde.

Au Panama, Lionel Messi et son père sont actionnaires de la société “Mega Star Enterprise”. Leurs signatures figurent bien en bas de ce document. La vice-présidente de Mega Star s’appelle Yakeline Perez. Mais quand on cherche à la joindre, c’est sur un cabinet d’avocats que l’on tombe : le cabinet Mossack Fonseca. Un cabinet panaméen à l'origine des Panama Papers, cette gigantesque fuite de documents sur la création de sociétés-écrans dans des paradis fiscaux.  

Dans la palette de services offerts par ce cabinet d’avocats, il y aurait la fourniture de prête-noms. Yakeline Perez - la vice-présidente de la société de Lionel Messi et de son père - représente ou dirige pas moins de 2214 entreprises.

Le transfert de la gestion au lendemain du scandale de fraude fiscale

Alors pourquoi Lionel Messi et son père ont-ils investi au Panama ? La star du ballon rond a démenti toute volonté de dissimuler des revenus dans ce paradis fiscal d’Amérique centrale. Mais un détail est tout de même assez troublant. Ce détail, c’est la date à laquelle les conseillers de Lionel Messi ont commencé à transférer la gestion de Mega Star vers Mossack Fonseca au Panama. C’était le 13 juin 2013, un jour avant que le scandale de fraude fiscale n'éclate. 

Lionel Messi et son père sont accusés d’avoir dissimulé 10 millions d’euros derrière des sociétés basées au Belize, en Uruguay, au Royaume-Uni et en Suisse. Au Panama, espéraient-ils échapper à nouveau au fisc espagnol ? Là encore, Lionel Messi a démenti : sa société basée au Panama est toujours restée inactive et n’a jamais reçu de fonds. Ce soir, le fisc espagnol a ouvert une enquête sur le cabinet panaméen. A lui de voir si Messi était réellement hors-jeu.

Parlement : les secrets pour sauter les obstacles législatifs


En sport hippique ou au Parlement, quand on veut contourner un obstacle, on fait appel à un cavalier. Le principe du cavalier législatif consiste à glisser un amendement dans une loi qui n'a rien à voir, et il est très prisé par les parlementaires. Revue des meilleurs sauts d'obstacles législatifs.

En 2011, les travaux de la fondation Louis Vuitton près de Paris, sont à l'arrêt. Le permis de construire a été annulé. Les députés décident alors de faire passer un amendement sur-mesure pour permettre l'achèvement des travaux. Grâce à ce petit jeu, on peut finalement amender des textes sur à peu près tous les sujets.

Récemment, les parlementaires ont dégainé cet atout au sujet de la lutte contre le terrorisme. Dans la dernière Loi de finances - la loi qui prévoit le budget de l’Etat - un amendement a été glissé pour permettre aux policiers une consultation simplifiée du fichier national des comptes bancaires.

Autre exemple, dans la loi étudiée en ce moment pour relancer l'activité maritime française, un amendement punissant l'intrusion de migrants dans certaines zones portuaires a été glissé. Le député (PS) des français établis hors de France, Arnaud Leroy, à l'origine de l'amendement conteste le terme de cavalier législatif. Il faut dire qu'à l'Assemblée, certains voient dans ce cavalier une manœuvre du gouvernement. Selon Pierre Januel, spécialiste des coulisses parlementaires, cet amendement immigration glissé dans une loi sur l’économie de la mer a clairement un goût de déjà-vu.

Un cavalier législatif, qui surgit de nulle part ou presque ça sert donc à être discret. Mais ça ne marche pas toujours. Depuis 2012 nous avons fait les comptes, 11 cavaliers législatifs ont été annulés par le Conseil Constitutionnel.