Savez-vous que, là où vous travaillez, il existe peut-être un moyen d’aller gratuitement au cinéma, de ne pas payer le restaurant et même de voyager sans presque rien débourser ? Les représentants de votre comité d'entreprise (CE) – élus ou salariés – pourront sans doute vous en parler. Nous avons enquêté sur les pratiques de nombreuses sociétés, qui n'hésitent pas à courtiser les CE à coup de "cadeaux d'affaires". Leur espoir : décrocher de nouveaux marchés.
Des cadeaux aux représentants des comités d’entreprise ? Depuis 2016, une loi anticorruption impose aux sociétés de plus de 500 salariés d’établir un code de conduite, allant parfois jusqu’à l’interdiction de recevoir des cadeaux. Cette pratique a-t-elle pour autant cessé ? Certains fournisseurs nous le confirment. "Le côté cadeau n'existe quasiment plus au sein des CE", explique l'un d'entre eux. "Ça se traduit jamais par un cadeau, c’est beaucoup trop chaud. Il y a eu trop d’enquêtes sur ce sujet", renchérit un autre.
Une dizaine de cadeaux pour une valeur de 961 euros
Pour vérifier ces allégations, nous avons créé une entreprise spécialisée dans les travaux publics, baptisée "Yannick Sanchez Bâtiment". Cent cinquante salariés et 30 000 euros à dépenser. Pour cela, direction le Salon des comités d’entreprise à Paris, qui regroupe plus de 350 fournisseurs. Chocolatiers, vignerons, centres de thalasso et agences de voyages tentent d'appâter les visiteurs.
Dès le premier arrêt sur le stand d’un théâtre parisien, on vous propose un premier cadeau : un spectacle, deux billets, une économie de 30 euros. Non loin de là, un stand propose au CE une carte prépayée pour les restaurants. A chaque réservation, un repas offert. Au total, en deux jours, les journalistes ont accumulé une dizaine de cadeaux pour une valeur de 961 euros.
Mais est-ce légal ? Pour Matthieu Dary, avocat spécialisé en droit des affaires, il y a quand même quelques questions à se poser avant d’accepter un cadeau. "Si j’accepte ce cadeau d’affaires, est-ce que ça m’oblige à faire quelque chose en retour, interroge-t-il. Dès lors que ça risque d’influer leur comportement de manière non naturelle. Là, ils ont un risque d’être poursuivi pour corruption passive."