Avec la loi sur le non-cumul, 184 députés ont dû rendre leur écharpe de maire.
Mais certains ont trouvé la parade pour cumuler sans cumuler : l’Œil du 20h vous révèle leurs trucs et astuces.
A Yerres, dans l’Essonne, pour la plupart des habitants interrogés, le patron c’est toujours «Nicolas Dupont-Aignan». Pourtant, l’ancien candidat à la présidentielle est député, mais plus maire de la ville : il a été remplacé cet été par Olivier Clodong, son ancien adjoint.
Pourtant, sur le site de la commune, la photo de Nicolas Dupont-Aignan, devenu conseiller municipal, est aussi grande que celle du nouveau maire. Et sur les publications municipales il est omniprésent ! Et il l’assume : voici par exemple ce qu’il a écrit le jour de la passation à ses administrés. Enfin… ex-administrés : «Le pilote devient copilote et le copilote devient pilote. Ainsi vous avez la garantie d’une évolution sans rupture.»
Nicolas Dupont-Aignan a même conservé son bureau de maire à l’hôtel de ville. Nous l’avons appelé : pas de réponse. Nous sommes donc allés voir son successeur. Et devinez qui le suivait comme son ombre ce jour-là... Nicolas Dupont-Aignan. «Les Yerrois ont deux maires pour le prix d’un ! affirme en souriant le député de l’Essonne. On travaille ensemble sur la ville depuis 10 ans, ça se passe très très bien. Tout va bien, cherchez pas les emmerdes !»
On aurait quand même aimé interroger le nouveau maire : mais l’ancien n’a pas voulu. «Maintenant vous sortez de la fête de la ville et vous allez en ville, nous ordonne Nicolas Dupont-Aignan, agacé qu’une équipe de télévision le suive. Vous le faites sinon c’est moi qui le fait !»
Le président de Debout la France finit par faire appeler la police municipale, via son ancien directeur de cabinet. Une compétence normalement réservée au maire. Les forces de l’ordre nous raccompagnent en dehors du site, pourtant libre d’accès…
Un comité de direction informel
A Saint-Dizier en Haute-Marne, le cumul est plus discret. François Cornut-Gentille, réélu député, abandonne la mairie et la tête de l’agglomération. Mais pour garder la main après 22 ans de pouvoir, il a créé un comité de direction informel. Sa composition ? La nouvelle maire, le nouveau président de l’agglomération et bien sûr… lui-même !
«Il y a tromperie sur l’application de la loi, s’indigne Nicole Samour, conseillère municipale d’opposition. En positionnant sur les postes principaux de l’agglo des gens qui lui ont toujours été acquis, c’est évident qu’il garde la main sur les grandes décisions.» Contacté, l’entourage de François Cornut-Gentille ne voit pas le problème.
«Ça montre que je suis intelligent. J’ai lu la loi !»
Mais la méthode la plus étonnante, on la doit à Jacques Bompard, maire d’Orange, dans le Vaucluse.Au cours d’un conseil municipal houleux le 25 juillet dernier, l’opposition se lève et dénonce les « tambouilles » du cofondateur du Front national.
Pourquoi ? Voici la combine : réélu député, Jacques Bompard doit conserver ce mandat, car c’est le dernier qu’il a obtenu : c’est la loi. Il est donc censé renoncer à la mairie. Mais il veut y rester ! L’astuce : il rend son écharpe de maire ; quelques jours plus tard il se représente au même poste et il est réélu par sa majorité. Le dernier mandat obtenu devient ainsi celui de maire. A l’Assemblée, c’est sa suppléante, à ses côtés depuis 22 ans, qui siègera à sa place. «Ça montre que je suis intelligent, estime Jacques Bompard, malicieux. J’ai lu la loi ! Le dernier mandat prime. Eh bien le dernier mandat c’est maire.»
Cerise sur le gâteau, sa suppléante continuera d’employer les deux fils de Jacques Bompard comme assistants parlementaires. «Ils sont d’excellents conseils, répond Marie-France Lorho, nouvelle députée du Vaucluse. Et j’ai confiance. C’est très important en politique d’avoir confiance.»
Selon nos informations, un élu d’opposition a saisi le Conseil constitutionnel. Il dénonce ce qu’il appelle «les manœuvres» de Jacques Bompard. Décision des Sages attendue d’ici la fin de l’année.