L’eau a coulé sous les ponts depuis les temps anciens de Babylone, mais à Gavorrano, au milieu des vignes toscanes, elle continue d'alimenter les idées. Et même plus que des idées : des milliers de tomates. Dans le lacis de serres de Luigi Galimberti, on pratique l'hydroponie, une agriculture pensée pour le futur mais tirée du passé - des Jardins suspendus de Babylone, précisément.
Des légumes "au delà du bio"
Le principe ? Cultiver des légumes hors-sol, c'est-à-dire sans terre, et par extension sans eaux polluées, ni pesticides ou métaux lourds, que les terrains traditionnels ont tendance à absorber. Rien que de l'eau, de l'eau de pluie, et quelques nutriments. Des dizaines de bourdons pollinisent les fleurs ; et les plants prospèrent, au point de faire de la ferme hydroponique de Luigi la plus grande d'Europe du Sud. Il y produit 1 kilo de salade ou de tomates avec 2 litres d'eau (de pluie, donc), contre 75 litres d’eau en champ ouvert.
Ces légumes, bien loin des tomates super-résistantes de nos supermarchés, doivent néanmoins être consommés vite. Si la plus-value est dans le goût et la qualité nutritive ("en sortant des serres, aucune main humaine ne les a touchés. Les légumes sortent avec une charge bactérienne très basse contrairement aux tomates en vrac que tout le monde prend dans ses mains", assure Luigi), leur peau est fine et leur durée de vie courte. Aidé de 250 employés, le directeur voit plus loin : "répondre à une urgence mondiale" et penser l'agriculture de demain, celle qui devra nourrir les 10 milliards d'humains prévus en 2050. Reportage d'Alban Mikoczy, Manuel Chiarello, Anne Donadini et Valérie Parent.
L'info en + : si la France a suivi le modèle de l'hydroponie, la Hollande reste l’un des précurseurs de ce mode de culture en Europe, carence de soleil oblige, bien que devancée par les mastodontes friands de fermes verticales que sont les Etats-Unis et Singapour. Mais les vrais maîtres de l'hydroponie, après les débuts des Babyloniens, sont les Aztèques et les Mexicains. Ces peuples agricoles plongeaient les racines de leurs plantes dans l’eau des lacs au bord desquels ils vivaient. La preuve d'un savoir-faire... vraiment millénaire.
Anne Donadini