Comme c’est désormais une tradition sur ce blog, on profite de l’été pour mettre en perspective l’année scolaire écoulée. Cette année, plus encore que d’habitude, il est intéressant de se replonger dans ce que fut l’actualité de l’école en 2019-2020 : le temps semble avoir filé à une vitesse inédite, morcelant les séquences et scindant très clairement l’année en deux. La grande affaire de la première moitié fut le dossier des retraites, auquel fut, dans la manœuvre et les faux-semblants, adossée la question de la revalorisation.
C’est l’objet de ce premier flash-back.
Le deuxième concernera l’autre grand sujet de l’année, la gestion de la crise covid-19 dans l’EN. Enfin un troisième flash-back regroupera les autres billets, marqués par les suicides dans l’EN et la condition des directeurs d’école.
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Salaires, retraite : le jour où Macron a enterré les espoirs enseignants
Mi-octobre, alors que la réforme des retraites commence à se préciser, que les profs en sont d’ores et déjà pointés comme les futurs grands perdants, le président Macron fait une sortie, en public à Rodez, qui va marquer durablement les esprits : « Si je voulais revaloriser, c’est 10 milliards. On ne peut pas mettre 10 milliards demain, c’est vos impôts, hein ». La réforme des retraites se fera-t-elle sans l’indispensable revalorisation compensatrice ?
(Re)valorisation, (re)connaissance
Fin octobre, il semble évident que l’année 2020 se fera sans revalorisation autre que les accords PPCR passés sous le gouvernement précédent et reportés par l’actuel qui n’a fait, depuis son arrivée au pouvoir, que rogner sur le pouvoir d’achat des fonctionnaires et singulièrement des profs. Mais après tout, pour revaloriser, il faut d’abord avoir valorisé… Et pour qu’il y ait reconnaissance, cela nécessite au préalable une réelle connaissance des enseignants…
Pourquoi les enseignants seront-ils massivement en grève le 5 décembre ?
Les médias ne semblent pas percevoir la colère qui monte, chez les profs, et sous-estiment la grève qui s’annonce. Mais ceux qui suivent savent, les raisons de l’ire enseignante sont nombreuses depuis des mois, la réforme des retraites dont ils seront les dindons de la farce et le mirage de la revalorisation jouent ici un rôle de catalyseur. De fait, la mobilisation sera une des plus importantes des deux dernières décennies.
Face à la mobilisation des profs, de la fonction publique, soutenue aussi par des salariés, l’exécutif fait mine de lâcher du lest : il coupe en deux le corps des travailleurs, annonçant que ceux nés avant le 1er janvier 1975 ne seraient plus concernés par la réforme. Au-delà de la manœuvre, qui vise à affaiblir la mobilisation mais qui masque une réalité plus complexe où les autres travailleurs seront aussi impactés, il faut dire haut et fort que c’est toute l’école de demain qui est en danger avec une telle réforme.
10 milliards de 1000 sabords !
La question d’une revalorisation compensatoire à la réforme de retraite prend un tournant fin 2019, quand le ministère communique sur le chiffre de 10 milliards consacrés aux augmentations de salaire des profs. 10 milliards que le président n’avait pas en octobre (« c’est vos impôts, hein ») mais qu’il compte budgétiser dans les années à venir. Le Figaro relaie la parole officielle, allant jusqu’à annoncer que « Les profs seront les grands de la réforme des retraites » et qu’ils toucheront 900 € mensuels de plus ! Le scénario est tellement énorme (il permet surtout d’annoncer partout qu’on va filer 10 milliards aux profs) qu’on songe davantage à un autre, celui de 10 milliards alloués au total.
Revalorisation : le scénario du choc budgétaire
Le précédent billet m’a valu les foudres et le mépris des journalistes du Figaro, qui soutiennent mordicus l’autre scénario, lu dans les propos sibyllins du ministère : ce seraient 10 milliards d’euros consacrés aux salaires des profs qui seraient ajoutés, à terme, au budget de l’éducation nationale !… On a du mal à y croire. Non seulement ce gouvernement a plutôt montré jusqu’ici son mépris pour le pouvoir d’achat des profs, mais les sommes engagées seraient alors colossales, entre 80 et 100 milliards d’ici 2037 (on rappelle qu’il n’y avait pas 10 milliards à donner aux profs en octobre). Et puis, 2037, c’est dans longtemps, non ?...
Revalorisation : que peut vraiment garantir le gouvernement ?
Le scénario du choc budgétaire vendu par le gouvernement et soutenu par une certaine presse prend du plomb dans l’aile. Le ministère a beau parler de sanctuarisation des retraites enseignantes, de revalorisation colossale à horizon 2037, il est rattrapé par la réalité : que peut-il, exactement ? La montagne accouche d’une souris : il ne peut pas grand-chose, 2037, c’est trop loin, la seule chose qu’il puisse faire est d’annoncer une loi quinquennale portant sur la période 2022-2026. Mais comme une telle loi de programmation est un outil « à la portée juridique assez faible » de l’aveu même du site officiel de la vie publique, et qu’elle couvre le prochain quinquennat, il apparait que seules 2021 et 2022 relèvent vraiment de ce gouvernement…
Ceci n’est pas une revalorisation
Nous sommes en février et le ministère présente ses propositions de revalorisation aux syndicats. Sauf qu’on ne peut plus parler de revalorisation : la revalorisation devrait déjà avoir eu lieu, tant le pouvoir d’achat des profs est en berne depuis des décennies. A partir du moment où la revalorisation est entendue comme contrepartie à la perte de pension liée à la future réforme des retraites, le terme de revalorisation est impropre (compensatrice, à la rigueur). Pire, les discours ministériels mettent de plus en plus l’accent sur les contreparties à cette soi-disant revalorisation : le métier d’enseignant va devoir changer, et pas qu’un peu. Le terme de revalorisation, définitivement dévalué et invalidé, est désormais à proscrire.
Le sujet de la revalorisation cède petit à petit la place à celui de la redéfinition du métier enseignant. Le ministère soumet aux profs une consultation où ils vont pouvoir dire leurs attentes, leurs idées, leurs volontés pour l’avenir. Ce n’est pas la première fois qu’on nous fait le coup de la consultation : en 2018, on avait parlé de « consultation fantoche » pour les nouveaux programmes, en 2019 celle concernant les directeurs d’écoles avait fait pschit, celle-ci est carrément… ouverte à tous.
Prochain volet, "Crise covid-19 à l'EN", le 5 août.
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