Le blog Trans'Europe Extrêmes a parcouru pendant la campagne des élections européennes cinq pays où la droite populiste et eurosceptique est en plein essor : la Finlande, le Royaume-Uni, l'Allemagne, l'Italie et la Hongrie.
Ils pourraient aussi bien faire une Union européenne des eurosceptiques. Après ces cinq semaines aux quatre coins de l'Europe, c'est ce qui est frappant. Les leaders des partis populistes et eurosceptiques utilisent la même réthorique. Et leurs sympathisants les mêmes exemples. Les premiers jouent sur les mêmes peurs et les seconds partagent des difficultés quotidiennes semblables.
Malgré les particularités nationales et des contextes différents, dans des pays en grande difficulté économique (Italie, Hongrie) comme dans d'autres qui tirent leur épingle du jeu (Finlande, Allemagne), j'ai entendu les mêmes phrases parfois même mot pour mot. Extraits.
"Y'en a marre de payer pour les autres"
C'est ce qui résume le mieux la pensée des eurosceptiques que j'ai rencontrés. En Finlande, au Royaume-Uni et en Allemagne, "l'autre" a un double sens, il est aussi bien l'autre issu d'un pays du Sud en faillite, Grèce, Italie, Espagne, Portugal, que l'immigré. En Italie du Nord, c'est autant l'Italien du Sud que le clandestin. En Hongrie, c'est le Rom.
Côté leader, la stigmatisation de l'immigration est un pilier de campagne qui se manie avec précaution. Il finit généralement en "Il n'y a pas de place pour tout le monde". "Nous on est bons, on est gentils, mais il ne faut pas être cons non plus, 4 millions de chômeurs, on ne peut plus accueillir personne", lance Matteo Salvini, leader de la Ligue du Nord en meeting à Vittorio Veneto (Italie). Tandis que le Ukip britannique fait campagne sur "26 millions de personnes cherchent un emploi en Europe, à qui veulent-ils le prendre ?" De son côté, Alternative für Deutschland veut changer la politique de droit d'asile "pour être sur que ce sont qui sont en danger et pas ceux qui veulent juste profiter du système social allemand". "Les immigrés viennent profiter des bénéfices sociaux, la Finlande est le meilleur pays pour ça", assène en écho Teuvo Hakkarainen, député des "Vrais Finlandais".
Côté sympathisants, c'est encore plus franc. "Il y a beaucoup trop d'immigrés ici, on ne peut même plus avoir de rendez-vous chez le médecin ni de place à l'école", m'explique Paul au meeting de Nigel Farage à Portsmouth. "C'est parce qu'ils viennent profiter du système social qu'on est contre [les immigrés], pas parce qu'ils sont noirs", détaille Ester à Trieste. Tandis que György, retraité Hongrois se désespère que la municipalité Jobbik n'ait pas chassé les 3 000 Roms "sous-peuple qui vivent comme des animaux et qui coûtent très cher".
"L'Union européenne ne nous apporte rien"
Chaque pays a son exemple de directive de Bruxelles absurde, handicapante pour son développement voire dangereuse. En Finlande, c'est haro sur la "directive Rikki", qui oblige les navires à diviser par 10 leur pollution en souffre. "Les directives européennes ne peuvent pas fonctionner sur le territoire finlandais, car elles sont décidées par la partie continentale de l'Europe", insiste ainsi Teuvo Hakkarainen, élu Perussuomalaisset qui dessine des grands ensembles bien distincts avec ses mains. Mais ça ne marche pas non plus en Italie, où la Ligue du Nord dénonce la directive sur les dimensions des filets de pêches -dans un village de pêcheur- ou celles sur l'agriculture. Pour Antonio, l'Europe, c'est ceux qui veulent "autoriser le vin lyophilisé" et "apprendre aux Italiens à faire de la mozzarella".
En Hongrie, le Jobbik a fait de la fin du moratoire sur la vente des terres arables aux étrangers, accordé par l'UE il y a 10 ans, un cheval de bataille. Et le chanteur d'un groupe rock ultra-nationaliste prisé des électeurs Jobbik me résume : "La Hongrie n'a pas sa place dans l'UE actuelle alors il faut en sortir. Cela nous apporte que des inconvénients et pas de bénéfices, on se fait humilier." "L'Union européenne n'a jamais apporté aucun bénéfice au Royaume-Uni", prêche, 1 500km plus à l'Ouest, le révérend Peter Mullen, très acclamé lors de la réunion annuelle du lobby europhobe Campaign for an Independant Britain.
"Nous devons résister"
Pour les eurosceptiques, c'est "la guerre". Le mot est prononcé tel quel au Royaume-Uni et en Hongrie. "Une nouvelle forme de guerre menée contre nos peuples par des gens qui n'ont pas été élus [...] Nous pouvons résister, nous DEVONS résister", crie, un peu près du micro, Monia Benini. Invitée des vétérans de la lutte contre l'UE, l'italienne présidente de "Per il Ben commune" dénonce en boucle la "dictature européenne".
"Nous ne sommes pas des esclaves nous devons reprendre courage et reconquérir notre patrie", disent les fascicules du Jobbik hongrois. "C'est la guerre, nous avons le droit de nous défendre", lance Ander Balazs à ses partisans. Tandis que son homologue Enikö Kovàcs Hegedü appuie ses discours sur le serment d'Istvan Dobö qui avait conclu un serment avec ses soldats en 1552, les faisant promettre de se battre contre les Turcs jusqu'au dernier.
La thématique de la résistance est aussi développée en Allemagne par les sympathisants d'Alternative für Deutschland, qui luttent "contre les vieux partis qui n'ont pas la solution". Ou en Italie où Matteo Salvini oppose "les banques et la Merkel" aux "petits qui se battent et qui ne lâchent rien". Et de martèler : "Le 25, on est d'un côté ou de l'autre, blanc ou noir, le passé ou le futur, on change de rail ou on se prend le mur." A Bergame le lendemain, Beppe Grillo du Mouvement 5 Etoiles fait la même dichotomie : "Le 25, c'est le vote le plus politique de toute notre vie, c'est eux ou c'est nous."