Les "Vrais Finlandais", côté pile et côté face

Teuvo Hakkarainen, député des "Vrais Finlandais" à Helsinki, le 23 avril 2014.

Le premier est aussi chaleureux que capable de proférer des horreurs... qui ont fait sa réputation. Le second, aussi modéré qu'austère. J'ai rencontré Teuvo Hakkarainen et Jussi Niinistö, tous deux députés des "Vrais Finlandais" au Parlement à Helsinki. Deux facettes d'un même parti qui n'hésite pas à faire le grand écart pour ratisser large.

Le premier, en costume mal ajusté et santiags défraîchies, est venu avec son attachée parlementaire. Elle nous "aidera à bien comprendre" le finnois qui confine parfois au dialecte de ce patron d'une scierie tout droit déboulé de Viitasaari, une ville de 7 000 habitants située au centre de la Finlande. Et à lui éviter aussi quelques dérapages dont il a le secret. D'ailleurs, le quinquagénaire a apporté un mémo avec des mots-clés en lettres capitales, sous les questions qu'il m'avait demandé d'envoyer avant d'accepter l'interview. Jussi Niinistö, numéro 2 du parti, lui, n'est accompagné de personne. Il se montre chic et imposant, du haut de ses deux mètres sur un de large, courtois mais efficace.

"Fier d'avoir voté 'non' à l'UE en 1994"

Tous deux s'accordent sur qui sont les "Vrais Finlandais" que Perussuomalaiset ("PS") entend représenter. "C'est moi", résume Hakkarainen, qui tire sur sa chemise blanche au niveau du cœur dans un sourire malicieux. C'est "quelqu'un issu de l'agriculture", confirme Jussi Niinistö. L'un s'est engagé en politique en 2007 "directement chez ceux qui critiquaient l'Union européenne car le monde rural était complètement délaissé". L'autre a d'abord milité chez les Kokkomus (les libéraux-conservateurs), durant ses années étudiantes, avant de rejoindre le parti il y a dix ans. Il est "toujours particulièrement fier" d'avoir voté "non" à l'entrée de la Finlande dans l'Union européenne lors du référendum de 1994.

SALOME LEGRAND / FRANCETV INFO

Tous deux citent en vrac dans leurs griefs envers Bruxelles, la "directive Rikki", mise en place en septembre 2012 et qui oblige les navires à diviser par 10 leur pollution en souffre : "Les navires finlandais font face à des conditions climatiques très particulières. Ils ne peuvent pas être contraints par des questions de pollution." On l'entendra en boucle chez les "PS" de la capitale.

"Les directives européennes ne peuvent pas fonctionner sur le territoire finlandais car elles sont décidées par la partie continentale de l'Europe", insiste Teuvo Hakkarainen, qui dessine de ses immenses mains abîmées deux cercles bien distincts sur la table pour signifier deux ensembles aux logiques différentes. Les deux députés pointent aussi du doigt les plans de sauvetage de la Grèce que leurs électeurs exècrent. "Ça ne marche pas, ils veulent toujours une nouvelle tranche d'aide", assène Jussi Niinistö.

"Les immigrés viennent profiter des bénéfices sociaux"

Mais le premier veut sortir de l'Europe ou, au moins de l'euro, quand le second se contente de vouloir "maximiser l'influence des Finlandais" au sein de l'Union en négociant avec les eurodéputés britanniques de l'Ukip ou les conservateurs qui leur offriront "le meilleur deal". Et puis, surtout, Hakkarainen n'y va pas par quatre chemins sur l'immigration.

"Les immigrés viennent profiter des bénéfices sociaux, la Finlande est le meilleur pays pour ça", explique-t-il. Et d'enchaîner : "En plus, ils sont responsables de la criminalité et des désordres dans le pays." Son visage se fend d'un large sourire quand on évoque sa possible éviction du parti au vu de ses sorties du genre aussi récurrentes que virulentes. Il reconnaît avoir reçu un avertissement après avoir dit que "musulmans et nègres ne respectaient pas les coutumes du pays".

Mais bon, il "ne savait pas que les caméras tournaient". Et puis c'est "juste un problème de sémantique, on dit plus facilement 'nègre' à la campagne", avance Pia Monaco, son attachée parlementaire. De toute façon, il le pense toujours. Ça, et le fait que "le viol n'est pas dans la culture des Finlandais alors qu'il l'est dans celle de l'islam". Des statistiques le prouveraient mais elles sont "tues par les médias, tous verts et de gauche". Il est lancé, petits yeux gris qui pétillent derrière ses pattes d'oies marquées. "On est les seuls à Perussomalaiset à foncer, à révéler, à dire les choses désagréables."

"Nous sommes la voie protestataire démocratique"

"Il n'y a pas de racistes au sein de Perussomalaiset", assure de son côté Niinistö qui détache bien chaque syllabe, impassible sous ses cheveux méticuleusement répartis le long d'une raie bien droite. Lui aussi voudrait "garder les questions d'immigration dans les mains nationales", comprendre au niveau de l'Etat-nation finlandais.

Comme Hakkarainen, Niinistö cite ce vieux proverbe finnois : "Maassa maan tavalla".  Littéralement : "Dans le pays, accroché à ses coutumes – du pays où l'on vit." Un genre d'équivalent de notre "charbonnier maître chez lui". Il admet au passage que des Finlandais "votent sûrement" pour son parti pour des motifs racistes, "chacun a ses raisons". "Nous sommes la voie protestataire démocratique", conclut-il. "Et on entend le rester."

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Publié par Souriez vous êtes soignés / Catégories : Finlande