Ils n'ont pas de mots assez durs pour dénoncer le système de Bruxelles et ses "tortionnaires". Réunis au centre évangélique de l'Emmanuel, juste derrière le mythique Parlement de Westminster (Londres), les militants et sympathisants de "Campaign for an Independant Britain" (CIB) ont, trois heures et demi durant, partagé leurs griefs sous d'immenses lustres aux allures de soucoupes volantes dans une vaste salle en brique.
"L'option norvégienne"
A un mois des élections européennes, ce lobby transpartisan arc-bouté contre le projet européen depuis les années 1970, rassemble "un millier d'adhérents mais beaucoup plus de sympathisants grâce à l'internet", dixit son président d'honneur Donald Martin, 76 ans. Le regard gris bleu pétillant derrière ses lunettes aviateur, ce dernier ouvre la convention annuelle de CIB avec "un film qui, enfin, nous propose une manière de sortir de l'Union européenne". Sur une petite musique martiale, le documentaire loue "l'option norvégienne".
L'auteur, Peter Troy, que sa femme prend frénétiquement en photo dès qu'il passe derrière le pupitre, suggère que Londres continue à tirer des avantages commerciaux de ses bonnes relations avec Bruxelles tout en quittant l'Union. Descendu de l'estrade un peu vite, il glisse un petit mot aux organisateurs pour leur demander de faire la retape de son DVD à vendre à la sortie.
"Ils n'auront pas notre futur"
Monia Benini, elle, n'a que de l'énergie à revendre, qu'elle tire de son indignation envers Bruxelles, "responsable du désastre dans son pays", l'Italie. La présidente de "Per il Ben commune" dénonce en boucle la "dictature européenne", cette "prison", expressions prononcées plus d'une vingtaine de fois en quinze minutes d'intervention. Elle prophétise "une nouvelle forme de guerre menée contre nos peuples par des gens qui n'ont pas été élus". "Nous pouvons résister, nous DEVONS résister", crie-t-elle un peu près du micro, avant de scander : "Ils n'auront pas notre pays, ils n'auront pas notre futur."
La standing ovation est brève, tant est si bien que toute l'assistance, composée à 90% d'hommes de plus de 65 ans n'a pas eu le temps de se lever. Dans la foulée, John Mills, député travailliste et Leo McKinstry, éditorialiste au Daily Express, "seul journal de ce pays à être contre la Grande-Bretagne dans l'Union européenne" assomment l'assemblée de chiffres au sein desquels ils intercalent quelques bonnes blagues. Puisqu'on parle de sous, Donald Martin en profite pour lancer la quête, récoltée dans des bassines en plastique décorées de drapeaux européens barrés d'un large trait rouge.
Bruxelles, ses "sovkhozes" et son "Politburo"
Puis le révérend Peter Mullen, connu pour ses sorties polémiques, porte les derniers coups contre "un régime totalitaire". "L'Union européenne n'a jamais apporté aucun bénéfice au Royaume-Uni", prêche-t-il. "Yeah! yeah!", entend-on dans l'assemblée.
- "La gauche, anciennement eurosceptique s'est convertie à l'Europe, vous savez pourquoi ?"
- (Silence gourmand)
- "Parce que le collectivisme européen, la coopération forcée, la régulation et le contrôle à tout crin leur rappellent de bons souvenirs! Qu'est-ce-que sont les directives sur l'agriculture, si ce n'est les lois d'organisation des sovkhozes de Bruxelles ? Qu'est-ce que la Commission européenne, sinon le Politburo de l'UE ?"
Le révérend est lancé. "Ca ne va pas seulement se terminer dans les larmes mais aussi dans le sang!" Et de résumer sa pensée, après une longue digression sur les imperfections de l'âme humaine : "Le seul paradis que l'Union européenne peut prétendre être est celui des fous."
"Poutine, au moins, a organisé un référendum en Crimée"
L'assemblée, conquise, profite de la séance de questions pour étaler ses inquiétudes en vrac, de ceux qui pensent que l'option norvégienne n'est pas assez radicale à celle qui s'inquiète que "les étrangers qui ont le droit de vote" ne viennent gâcher les résultats d'un éventuel référendum pour ou contre la sortie de la Grande-Bretagne de l'Union européenne.
Un trentenaire, lunettes de soleil sur crâne rasé, s'agace des attaques menées contre l'Etat Providence en développant l'exemple d'un "pauvre chômeur laissé pour compte" qui pourrait très bien être lui. Il se voit rétorquer que "même (Margaret) Thacher n'ai jamais eu le courage d'introduire un peu de morale dans l'Etat providence, en le limitant aux seuls citoyens britanniques". Et le révérend lui rappelle catégorique que "le taux de prélèvement au Royaume-Uni dépasse ceux de la Chine communiste et de l'Union soviétique de Staline". Une militante de UKIP demande si "l'Union européenne n'est pas moins démocratique que la Russie de Poutine qui elle, au moins, a organisé un référendum en Crimée!"
Avant de lever la séance, le trésorier de CIB tente de rassembler les troupes : "Quand le référendum sera organisé, sachez que nos adversaires vont utiliser toutes nos divergences pour creuser des fossés entre nous. D'abord faisons campagne pour que le non (à l'UE) l'emporte." Pour le reste, "il sera grand temps de décider après."
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