La Ligue de Nord sans hésiter. Rencontrés sur la route du "Basta euro tour" du parti régionaliste et eurosceptique, sept Italiens de tous âges et horizons expliquent leur choix pour les élections européennes du 25 mai.
"On n'a rien à voir avec les Calabrais ou les Siciliens"
Ils veulent "sortir de l'euro qui les ruine", "voire sortir de ce pays". Matteo et Nicolo, deux frères de 27 et 22 ans, sont de "simples sympathisants". Mais "de grands admirateurs de Matteo Salvini", le secrétaire national de la Ligue du Nord, qu'ils suivent depuis longtemps. Même s'ils sont nés après les débuts de l'Union européenne, "c'est une union monétaire, une union des banques, pas basée sur les peuples", regrette l'aîné, pourtant pas en reste sur ses propres compatriotes.
Le drapeau du Veneto, rouge et or imprimé du lion de Saint-Marc noué autour du cou, Matteo, attaque : "Regarde-nous, on a rien à voir avec les Calabrais ou les Siciliens, on a une barbe rousse, un nom autrichien, rien à voir avec les barbes noires et les peaux mates du Sud". Et de désigner son cadet, copie conforme à l'exception des petites lunettes bleues. "Ne me fais pas dire ce que je n'ai pas dit, j'ai un bon ami qui vient du Sud", tient-il à préciser. "Mais on est différents en tout, la langue, la nourriture, la musique, les horaires de travail", la liste est débitée à un tel rythme que j'en perds la moitié.
Intarissable, le jeune homme poursuit : "L'Histoire montre que la Vénétie a été rattachée à l'Italie avec les fusils pointés sur le peuple". Puis rigole : "Je m'arrête avant de m'énerver", tandis que Nicolo acquiesce sans quitter des yeux l'emplacement où la caravane doit se garer. Employés dans une entreprise familiale qui s'occupe des installations électriques dans les églises, les deux frères votent surtout pour Salvini,u dont l'image leur plaît.
Mais de toutes façons, ils voteraient Lige du nord car "ce sont les seuls qui proposent vraiment de sortir de l'Europe". Quand Bepe Grillo "ne propose qu'un référendum consultatif, et encore, dans deux ans", entame le jeune homme qui blague immédiatement : "Et puis il est de Gênes et j'aime pas les Gênois, ils sont radins, ils ne savent que dépenser l'argent des autres."
"Bruxelles veut nous apprendre à faire de la mozzarella"
Cette fois-ci, c'est la bonne. Antonio, 64 ans, est venu voir Salvini en meeting à Vittorio Veneto. Vingt ans qu'il est militant et "cette année, il est particulièrement enthousiaste, il le sent bien". Grâce à Salvini, qui "est très bon", et "parce que la Vénétie n'en peut plus d'être exploitée et humiliée." Petite lunettes translucides, cheveux bien peignés qui tirent sur le gris, cet ancien employé des transports empile les exemples dans tous les sens. Un coup contre Rome, un coup contre Bruxelles, un coup contre le sud de l'Italie.
"Le président de l'Italie a plus de personnel à son service que le président des Etats-Unis." L'Europe, c'est ceux qui veulent "autoriser le vin lyophilisé". Mais aussi les Pays-Bas qui voulaient produire une copie du haricot de Lamon, "un vrai produit du terroir". "On a eu de la chance d'avoir Luca Zaia (de la Ligue du Nord) comme ministre de l'Agriculture (entre 2008 et 2010) pour aller taper du poing sur la table et empêcher ça". "Bruxelles veut nous apprendre à faire la mozzarelle aussi", s'agace-t-il.
"J'ai des amis dans le Sud, mais quand même, un village de 6 000 habitants en Sicile, il a 9 policiers, alors que le mien de village, il n'en a que 3 pour le même nombre d'habitants", se lance Antonio. Et puis, "une piqûre là-bas ça coûte 10 fois plus cher qu'ici, ils empochent la différence remboursée par la Sécu", assure encore le retraité. Et même s'il "veut bien comprendre Bruxelles, la politique de la Merkel, là, c'est abusé, c'est trop", martèle Antonio qui veut "un référendum pour que l'argent reste ici".
"On est contre parce qu'ils viennent profiter du système, pas parce qu'ils sont noirs"
"Ils sont trop forts, ce sont les meilleurs." Cristiana, Laura, Claudia et Ester sont unanimes sur la Ligue du Nord. Sur quoi le parti fait-il la différence pour les européennes ? Après quelques secondes de blanc, Laura envoie Claudia au front : "Vas-y, toi qui écoute la radio, il me pose une colle." "D'abord on veut sortir de l'euro", enchaîne Ester, "et de l'Union européenne qui détruit les emplois."
"Non à l'immigration clandestine", embrayent les copines à l'unisson, offusquées "d'être constamment prises pour des racistes". "Ils viennent sans papiers, sans argent, c'est ça notre colère", martèle Claudia, enseignante et mère d'un des députés de la Ligue du Nord à Rome. "C'est parce qu'ils viennent profiter du système social qu'on est contre, pas parce qu'ils sont noirs", renchérit Ester en agitant son basilic en pot dans un sac plastique.
Lancée, la septuagénaire rajeunie au bistouri poursuit : "Un handicapé reçoit 230 euros par mois et les immigrants ont 40 euros par jour." "Nous aussi, on a des problèmes, nous aussi on est malades, nous aussi faut, qu'on se protège", débite cette caissière à la retraite.
Cristiana, ancienne employée dans une clinique s'approche un peu plus, "moi la soi-disant 'méchante', 'raciste', la dernière fois j'ai offert à manger à deux Noirs qui venaient mendier dans la pizzeria où travaille ma fille", raconte-t-elle, sourcils froncés derrière ses petites lunettes cerclées de strass."Alors que les autres, les mêmes qui nous traitent de racistes, s'étaient éloignés ou avaient détourné le regard", pointe-t-elle. Et d'ajouter, "et ils étaient très bien élevés, ils m'ont remerciée."
Au moment de se quitter, Claudio me dit "au revoir" en français, et l'une des sympathisantes ajoute : "et vive Le Pen".