Comme quoi, tout peut arriver... Le directeur de la Commission fédérale des communications (FCC), Tom Wheeler, a fait une annonce historique en faveur de la neutralité du net -l'obligation de traiter tous les internautes de manière égale - aux Etats-Unis!
En pratique, cela se traduit par un nouvel ensemble de règles, qui empêcheront les opérateurs internet de faire varier la vitesse de leur service. Désormais, l'ensemble des données doivent être traitées de la même manière. Il est aussi illégal de bloquer l'accès d'un concurrent à un réseau.
En revanche, la FCC n'a pas cherché à encadrer le marché de l'Internet aussi attentivement que les marchés de l'eau ou de l'électricité. Les opérateurs seront toujours libres des prix pratiqués.
La neutralité du net était réclamée à grand cris par de nombreux activistes du net, mais aussi des corporations comme Google ou Amazon. Elle garanti en fait que tout utilisateur et tout site internet dispose des même chances et des mêmes outils.
Les opérateurs protestent contre l'implémentation de la neutralité du net, car ces règles les empêchent de proposer des services « premium» à certains utilisateurs ou certains sites. Par exemple, l'accord passé entre Comcast et Netflix, qui offrait un débit plus rapide vers la plate-forme de streaming, devient illégal.
Les opérateurs considèrent aussi qu'une vitesse unique sur internet risque de dissuader les investissements en infrastructure et de ralentir globalement la vitesse des services.
En raison de son passé de lobbyiste pour les opérateurs de télécommunication, Tom Wheeler était considéré comme opposé à la neutralité du net. Dans un sketch extrêmement critique datant de l'année dernière, l'humoriste Tom Oliver déclarait: « Mettre Tom Wheeler à la FCC, c'est un peu comme engager un dingo [le chien sauvage australien] comme nounou. »
Sketch de John Oliver sur la neutralité du net datant du 1er juin 2014
Mais surprise! Comme le note le New Yorker, Tom Wheeler est à présent un héros des partisans de la neutralité du net. Son annonce utilise à plein le mandat de la FCC. La commission est en effet en mesure de décider des règles qui s'appliquent aux opérateurs sans passer par un vote du Congrès.
Et heureusement! Du côté des républicains, qui contrôlent le Congrès américain, la réaction à cette proposition a été féroce. « L'équivalent du maoïsme au XXIème siècle » selon Paul Rand, candidat à l'investiture républicaine.
Rush Limbaugh en rajoute, évoquant les ratés du lancement du site internet de l'Obamacare : « La neutralité du net, c'est leur nouvelle arnaque. Vous n'aimez peut-être pas Comcast, A&T ou Time Warner [opérateurs internet américains], mais vous voulez vraiment que les gars qui ont créé Obamacare dirigent votre internet? »
L'annonce est venue de Wheeler, mais les républicains essayent d'y rattacher Barack Obama, faisant de la neutralité du net: « le fruit de l'intervention de la Maison Blanche dans les affaires d'une commission indépendante. »
GOP vows to fight FCC #netneutrality proposal. They say it's product of White House meddling in an independent agency http://t.co/4wfaU1Jrqj
— WSJD (@WSJD) February 6, 2015
L'ironie, c'est que les républicains ne sont pas contre la neutralité du net. La seule différence entre le plan qu'ils ont proposé sur la question et les nouvelles règles de la FCC, c'est que les Républicains comptent priver la commission de tout pouvoir décisionnaire au profit du Congrès. Le reste, internet égal pour tous, pas de blocage de la concurrence, prix libres pour les opérateurs était préservé...
Mais les démocrates ont frappé les premiers, et les républicains se sentent obligés d'adopter la position inverse. L'élection présidentielle approche, et l'heure n'est pas au bipartisanisme.
T.L