De l’escrime sur ordonnance pour surmonter le cancer du sein, ses traitements, sa chirurgie, et ses séquelles… À l’origine, c’est une idée de Dominique Hornus, elle-même escrimeuse et anesthésiste de profession à Toulouse.
Par Nathalie Rossignol
En 2014, « Solution Riposte » voit le jour, l’association essaime partout en France, notamment en Bretagne. C’est même la région la plus en pointe, puisque 12 clubs accueillent désormais des riposteuses.
Du bras droit, du bras gauche, les mouvements s’enchaînent comme un ballet bien réglé, au fil des consignes du maître d’arme Julio Navarro. Elles sont huit à se retrouver deux heures chaque semaine dans cette salle d’escrime briochine.
Derrière leur masque, rien ne paraît des épreuves qu’elles ont traversées ou traversent encore. Derrière la tenue qui les protège, aucune cicatrice ne se révèle. Pourtant, toutes partagent le même combat, la lutte contre un cancer du sein. Aucune n’avait pratiqué l’escrime auparavant. Sur les conseils de leur chirurgien, de leur oncologue, ou par bouche à oreille, les voilà, un sabre à la main.
Najoua Tinsa n’aurait jamais imaginé revêtir la tenue ni pratiquer ce sport qu’elle croyait réservé aux plus jeunes. Mais à la suite de son opération, elle avait totalement perdu l’usage d’un de ses bras et ne parvenait pas à récupérer, malgré les séances de kinésithérapie. « Je ne pouvais plus étendre mon linge, porter mes courses ». C’est une affichette aperçue dans une salle d’attente qui la conduit dans ce club. Depuis, au fil des exercices, elle a pu retrouver la mobilité de son membre et reprendre son travail.
Une efficacité qu’a pu constater François D’Halluin, chirurgien et oncologue au Centre hospitalier de Saint-Grégoire, en Ille-et-Vilaine. Père d’enfants escrimeurs, il avait entendu parler de la démarche de Dominique Hornus à Toulouse. Il est aujourd’hui président de l’association bretonne « Solution Riposte ».
« L’intérêt est d’abord physique quand on subit l’agression chirurgicale du cancer, on a besoin de se reconstruire, l’intérêt est physique pour la mobilité de l’épaule, les raideurs liées à la fibrose de la chirurgie, mais aussi on voit le bienfait pour les troubles du sommeil, la douleur, les troubles de la concentration et de l’attention, pour la récupération après la chirurgie. »
En Bretagne, 19 maîtres d’arme ont été formés aux gestes techniques que doivent répéter ces escrimeuses. Patrice Derbhilly, ancien champion et entraîneur de champions, aujourd’hui conseiller technique régional précise l’intérêt du maniement du sabre pour ces femmes en convalescence.
« On a choisi le sabre parce que c’est une arme où l’on touche avec le côté de la lame donc ça oblige à faire des parades hautes comme la parade de quinte. L’intérêt, c’est qu’on monopolise l’épaule et, sans en avoir l’air, elles font de la rééducation en fait ». A cela, s’ajoute un travail d’équilibre et de renforcement musculaire, du côté droit comme du côté gauche.
« Ça travaille le physique mais aussi le mental parce que la coordination n’est pas si simple dans ce sport » nous explique Solène Lemée. Chantal Noysette apprécie de son côté d’avoir amélioré la mobilité de son bras. Si elle non plus n’imaginait pas se mettre un jour à l’escrime, elle a désormais une certitude : « Je ne m’en passerai pas aujourd’hui ».
Si les riposteuses trouvent ici des moyens de rééducation ludiques, elles ont aussi noué des liens forts, les unes avec les autres. Chaque entraînement est accompagné d’un partage convivial, autour d’un café, d’un gâteau… Un prétexte pour échanger sur les douleurs des unes, les inquiétudes, les ressentis des autres… C’est surtout l’occasion de se remonter le moral mutuellement.
La présidente du club briochin Françoise Prigent mesure depuis deux ans l’évolution de ces nouvelles escrimeuses. « On a eu des dames qui sont arrivées avec un certain âge et qui nous ont dit « mais on n’a jamais fait de sport de notre vie. Étonnamment ce sont elles qui sont les plus fidèles. Et on sent dans leur façon d’être qu’elles ont évolué depuis qu’elles font de l’escrime. Je les sens de plus en plus ouvertes et épanouies. »
Ce n’est pas Hélène Louveau qui va la contredire… Pudiquement, elle avoue l’importance de ce rendez-vous et de ces nouvelles amies.
« C’était compliqué pour moi de venir au départ et après, je me suis rendu compte que c’était important, je savais que vous m’attendiez ; du coup même quand je n’avais pas envie de sortir, il y avait le fait de vous retrouver et puis de bouger mon corps de reprendre confiance dans des choses que je ne faisais plus depuis très longtemps. »
Reprendre confiance par le sport, par le partage… Voilà la clé du succès de cette initiative, d’autant plus accessible, qu’elle est gratuite la première année, que le matériel et la tenue sont fournis, et qu’en Bretagne, une nouvelle équipe de riposteuses va pouvoir se former à Vitré.
Reportage : Nathalie Rossignol, Thierry Bouilly, Alexis Guedes, Ludovic Decarsin.
Interviews : Solène Lemée (Riposteuse), Patrice Dherbilly (Conseiller technique régional), Najoua Tinsa (Riposteuse), Françoise Prigent (présidente du club d’escrime de Saint-Brieuc), Hélène Louveau (Riposteuse), François d’Halluin (Chrirurgien oncologue et président de Solution Riposte Bretagne).
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