Après un premier billet consacré au dossier retraites / revalorisation, deuxième volet récapitulatif de l’année scolaire écoulée : on revient sur la gestion de la crise covid-19 au sein de l’éducation nationale, sur les errances, les couacs et les manœuvres du ministère, la solitude des profs, les traces que tout cela laissera.
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La crise covid débute avec la fermeture des écoles, annoncée par le président Macron le jeudi 12 mars au soir. Le lendemain vendredi 13 mars, alors qu’on attend des consignes officielles de l’institution qui ne viendront pas, que les informations les plus contradictoires circulent sur le territoire, nous nous retrouvons sur le terrain en mode gestion de crise : nous avons nos élèves, encore, et seulement quelques heures pour décider ce que nous allons faire, à l’échelle de l’école, avant de laisser filer nos élèves pour une durée indéterminée.
Seuls, avec nos élèves et leur famille
Une semaine plus tard, l’école à la maison est lancée. Les enseignants sont sur le pont depuis le 13 mars, ils ont mis sur pied un mode de fonctionnement pour garder le lien avec leurs élèves et les familles, ont construit en un weekend les bases de ce qu’on appellera pompeusement « la continuité pédagogique » (premier slogan d’un ministère apprenant), partout en France les profs font preuve de créativité, d’imagination, en quelques heures seulement ils ont inventé de nouveaux outils, de nouvelles formes, pour leurs élèves. La reconnaissance des parents est là, réelle. Le ministre, quant à lui, fait le tour des médias, mais dans les faits l’institution est muette.
Quelques enseignements du confinement à l’usage de ceux qui dirigent l’école
Presque un mois après la fermeture des écoles, on commence à avoir assez de recul pour formuler quelques éléments de réflexion. La fermeture des écoles était une évidence, survenue sans doute une semaine trop tard (à ce moment-là, on pense encore que l’école est un haut lieu de contagion, ce n’est que plus tard que la sous-contagiosité des enfants sera mise en évidence) ; l’école à la maison, malgré l’engagement des profs, des élèves et des parents, est un pis-aller, on sent déjà que les inégalités vont se creuser, les rapports élève-enseignant et élève-groupe souffrent d’être différés ; il apparait que tout ce qui tient, tout ce qui marche, on le doit aux profs, à leur professionnalisme, à leur expertise, ce qui est un pied-de-nez majeur à la stratégie d’infantilisation et à la volonté de mainmise pédagogique du ministère.
A deux jours du déconfinement et de la réouverture des écoles, on s’interroge. Reprendre ? Mais on n’a pas arrêté ! Les profs sont sur le pont depuis deux mois… Mais comme tout le monde a ras-le-bol du confinement, que les parents n’en peuvent plus de gérer leurs enfants et l’école à la maison (on peut le comprendre, chacun son métier), le pays va avoir tendance, aidé en cela par le ministère, à sous-estimer les conditions de la reprise en classe. Le délai pour tout organiser est court, les consignes très floues, le protocole sanitaire très strict, et l’école rouverte ne ressemblera pas du tout à ce qu’elle était avant, ni à ce que croient beaucoup de parents… En première ligne, les profs vont, et ce n’est que la première fois, se retrouver entre le marteau et l’enclume.
Pour la première fois depuis arrivée rue de Grenelle en 2017, le ministre est remis en cause par une partie de la presse : plusieurs articles pointent les difficultés de JM Blanquer depuis le début de la crise covid-19. Non seulement il s’est trouvé plusieurs fois, et dès le 12 mars, en porte-à-faux avec les déclarations du président et du premier ministre (il lui est reproché de ne pas être précis, de parler pour le plaisir d’exister…), mais il a dû subir un rapport au vitriol de la commission sénatoriale en avril, et la parole se libère aussi au sein du ministère, dont une quinzaine de hauts-cadres signent en mai une tribune d’une grande violence contre JMB. Il faut dire que la liste de ses déclarations hasardeuses, mensongères ou fumeuses est longue depuis le début de la crise…
Comment les non-dits de la communication ministérielle retombent sur les profs (et les directeurs)
Avec le déconfinement et la réouverture des écoles, les profs se retrouvent sous le feu des critiques : ils font preuve de mauvaise volonté, ne veulent pas rouvrir les écoles, voire « reprendre » le travail, une certaine presse se déchaine, les profs sont des tire-au-flanc accusés de désertion... Cela est principalement dû au décalage entre la réalité du terrain et la communication ministérielle, qui fait croire que la continuité pédagogique à la maison va se poursuivre sans problème alors même que la grande majorité des profs ont repris à plein temps en classe, et qui a survendu la reprise en classe en taisant les impératifs sanitaires…
Il ne sera rien épargné aux enseignants… Alors que le président Macron annonce le 14 juin au soir que les écoles accueilleront dès le 22 tous les élèves selon les règles de présence normale, JM Blanquer annonce le lendemain matin qu’il faudra respecter une distance de sécurité de « un mètre latéral », inventant une nouvelle injonction contradictoire. Le problème, c’est que la plaisanterie va durer plusieurs jours, plongeant les enseignants dans l’expectative (comment organiser cette énième modification ?) et générant une fois de plus de nombreuses incompréhensions chez les parents, à qui l’on dit une fois de plus que la réalité ne sera pas celle qu’ils croient…
Une année qui va laisser des traces
Entre le dossier retraites/revalorisation qui a occupé la première moitié de l’année, et la crise covid-19, qui a couvert la seconde, l’année scolaire 2019-2020 laissera des traces pour l’école. D’un côté les profs, et singulièrement les directeurs, en ressortent marqués par le mépris de l’institution et le prof bashing de juin qui a achevé d’user leur moral ; de l’autre, le ministre Blanquer semble plus que jamais coupé de toutes les composantes de l’école, profs bien sûr, mais aussi personnels de direction (y compris, chose rare, dans le privé), hiérarchie intermédiaire et cadres académiques, hauts-fonctionnaires… Cela ne l’empêchera pas d’être promu dans le gouvernement Castex, dont il est désormais 3ème dans le protocole.
Dernier volet, "D'autres humeurs", disponible le 20 août.
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