En 2014, la dette étudiante a dépassé les mille milliards de dollars aux Etats-Unis. Elle n’a cessé d’augmenter depuis. Alors que les frais de scolarité des universités américaines atteignent des sommes rarement égalées dans le reste du monde, l’université américaine semble ne plus jouer son rôle et creuser les inégalités.
Avec leurs frais de scolarité, "les universités de reposent plus que jamais sur l'inégalité du système"
Le montant moyen de la dette d’un étudiant dépasse désormais les 30 000 dollars, révèle l'enquête 2016 du Pell Insistute. Rien d’étonnant quand on sait que le coût moyen d’une université américaine s’élève à 20 000 dollars par an, alors que l’Etat ne cesse de diminuer ses investissements. Ces frais exorbitants – qui dépassent souvent les 50 000 dollars dans les meilleures universités du pays –, sont devenus indispensables aux établissements de l'enseignement supérieur qui fonctionnent en grande partie grâce aux frais versés par leurs étudiants.
Lors de leur cérémonie de remise des diplômes, les étudiants ont inscrit le montant de leur dette sur leur "graduation cap".
Dépendantes de ces frais, les universités admettent en majorité des étudiants à hauts revenus qui pourront débourser les sommes demandées - ou contracter des prêts. « Les universités se reposent plus que jamais sur l’inégalité du système », écrivait The Atlantic en 2013. Quatre ans plus tard, le constat est le même. En effet, les universités pouvant se permettre d’octroyer de nombreuses bourses sont rares et les aides de l’état ne couvrent en général que jusqu’à 20% des frais de scolarité.
Salaires stagnants et chômage élevé pour les jeunes diplômés
A la sortie, les salaires stagnent et les perspectives d’emplois sont rares voire inexistantes dans certains secteurs, comme le souligne l'étude publiée en avril 2016. Entre avril 2014 et mai 2015, le taux de chômage moyen des jeunes diplômés âgés de 21 à 24 ans était de 7,2%, alors que le taux national moyen avoisinait les 5,5%.
Graphique comparant l'évolution de la dette étudiante moyenne (en violet) à celle du salaire moyen (en vert), de 1990 à 2015. Source: The Huffington Post, 2016.
Endettés et sans emploi, nombreux sont les anciens étudiants se retrouvant rapidement dans une situation précaire, après quatre, six ou même huit ans d’études. Certains diplômés désespérés décident d'intégrer à nouveau l'université, poursuivant l'espoir qu'un master ou un doctorat les sortira de la précarité. Une décision qui, dans l'immédiat, ne fait que creuser leur dette.
Choisir son université, une décision déterminante
Mais ce n’est pas qu’à la sortie que les inégalités de creusent. Pour beaucoup, tout se joue avant même la fin du lycée, au moment de choisir leur université. Ainsi, les étudiants issus des foyers les plus riches représentent 74% des élèves des 146 meilleures universités du pays. En cause, manque d’informations, autocensure, mais surtout ces fameux frais de scolarité.
Les élèves ne pouvant pas se permettre de telles dépenses doivent donc souvent se contenter de choix moins ambitieux ou de diplômes en deux ans dans des « community colleges », moins onéreux. Enfin, faute de moyens, certains doivent parfois tout simplement renoncer aux études supérieures.
Dans un pays où le classement des universités est tenace, la provenance du diplôme détermine souvent le salaire – et la position – à la sortie. On assiste alors à un cercle vicieux qui nourrit et perpétue les inégalités.
"Je suis étudiante et employée à plein temps, mais je n'ai pas le choix"
Autre facteur d’inégalités, les élèves les moins aisés doivent souvent cumuler études et emploi étudiant. Un duo qui, s’il peut parfois être bénéfique à l’étudiant, fait rarement bon ménage sur le plan scolaire. L’étude note ainsi que les étudiants désignent cet emploi comme la première cause d’échec à l’université.
Kristen fait partie de ces étudiants qui doivent travailler afin de pouvoir s’offrir une éducation. Etudiante à plein temps en troisième année à l’université de George Mason en Virginie, elle est employée, en parallèle, quarante heures par semaine. Un rythme éprouvant pour cette aspirante psychologue qui n’a pas vraiment le choix.
Septième d’une famille de huit enfants, Kristen a pu bénéficier, comme ses frères et sœurs, du soutien financier de ses parents pendant ses deux premières années d’études. Désormais, c’est à elle de trouver les fonds pour financer le reste de ses études. Une situation qu’elle trouve « totalement normale » : « Certaines familles ont les moyens de payer pour leurs enfants ou de rembourser leurs prêts, moi je dois travailler. Mais je ne suis pas un cas isolé, beaucoup d’étudiants autour de moi travaillent. »
Quant aux conséquences sur le plan scolaire, l’avis de Kristen vient confirmer les conclusions de l’étude. « J’ai moins de temps à consacrer à mes études et je suis évidemment plus fatiguée, donc moins efficace en cours », nous confie-t-elle.
Ils restent cependant nombreux, même en ayant travaillé durant leurs études, à ne pas pouvoir rembourser leur emprunt dans les délais. Un problème qui pourrait bientôt dépasser le cadre estudiantin puisque ces défauts de paiement en chaîne pourraient entraîner une nouvelle crise, celle de la dette étudiante.