L’aube ne s’est pas encore levée, ce samedi 11 décembre, que le raisin gèle enfin. Les vignerons de Morgex, dans la Vallée d’Aoste, sont ravis. Pour eux, les vendanges tardives représentent un moment crucial dans l’année. Quarante-cinq minutes leur suffiront. Pour vendanger ce raisin unique en Europe, celui qui grandit le plus haut sur le Vieux Continent, il faut braver le froid (entre – 5 et – 10°C), un vent sec encouragé par les 1200 mètres d’altitude et plus de 50 centimètres de neige qui cachent d’un gros manteau blanc ces vignobles discrets, seulement une trentaine d’hectares. Bien sûr, être au pied du Mont Blanc ajoute du cachet à l'étiquette. De l’autre côté des montagnes s’étend Chamonix, la voisine française de Morgex.
« Le raisin doit être gelé pour qu’une fois pressé, il ait une haute teneur en sucre » explique Nicolas Bovard, président de la Cave Mont Blanc qui produit ce vin doux à la robe jaune, le Chaude Lune. Durant l’automne, on produit ici une dizaine d’autres vins blancs ; l’exploit se poursuit lorsque l’un d’eux, la Cuvée des Guides, est porté encore plus près des sommets. C’est dans l’une des stations de Courmayeur, à 2173 mètres, que l’on vinifie ce mousseux avant de prendre un savoureux plaisir à le sabrer au piolet, en haut des pistes. A cette hauteur, la pression atmosphérique est basse, la minéralité renforcée, le perlage très fin, nous explique-t-on.
Au total, les 60 familles qui co-expérimentent ces vendanges d’altitude produisent 150 000 bouteilles par an et ravissent les dégustateurs curieux souvent venus de Lombardie, du Piémont, de Suisse ou de France. Autour du vin, les célèbres jambons de Bosses et fontina locaux finissent de convaincre que la Vallée d’Aoste est l’une de ces régions qui vaut aussi le coup, loin des sentiers habituels du tourisme italien, de briser la glace. Reportage d’Alban Mikoczy, Laura Tositti et Anne Donadini.
Anne Donadini