Au départ, celui qu'on surnomme le Robinson Crusoé italien rêvait des mers du Sud... mais c'est la Grande Bleue qui l'a conquis. Mauro Morandi, 81 ans, est l’unique habitant de Budelli, une île paradisiaque au large de la Sardaigne. Depuis plus de trente ans, l’ermite veille sur ce trésor méditerranéen. Menacé d’expulsion depuis 2011, Mauro nous a accueilli dans sa cabane pour nous raconter sa vie hors du temps.
Ancien professeur originaire des Pouilles, Mauro Morandi a échoué à Budelli à bord de son catamaran en 1989, alors qu’il souhaitait naviguer jusqu’en Polynésie. Il ne l’a plus jamais quittée, élisant domicile dans un abri construit pendant la Seconde guerre mondiale.
Pour avoir la chance de le rencontrer, il est recommandé de lui apporter quelques vivres, car c’est essentiellement grâce à l'approvisionnement des visiteurs et de ses amis pêcheurs que l’insulaire survit. Depuis son débarquement il y a 30 ans, jamais l'Italien solitaire n'est retourné faire ses courses sur le continent.
Le sable rose de Budelli, de l'or en bouteille
L'un des rares points sur lequel l'Etat et Mauro se rejoignent, c'est sur la préservation de la Spiagga rosa, une plage qui tire son nom de la couleur rose de son sable, mais où il est interdit de s'aventurer. Très convoitée par les touristes désireux d'empocher secrètement ce sable original, cette plage est protégée par les autorités italiennes depuis une vingtaine d’années. Si sa beauté sauvage est remarquablement préservée, c’est aussi parce que Mauro Morandi s’assure, à sa manière, que personne n’y mette les pieds.
Protecteur et fin connaisseur de l’écosystème local, ce gardien autoproclamé occupe toutefois les lieux illégalement. L'île de Budelli a été rachetée en 2011 puis intégrée au parc national de l'archipel de La Maddalena, l'actuel propriétaire. Leurs demandes d'expulsion de Mauro Morandi sont devenues plus virulentes en 2017, année durant laquelle une pétition a permis de sauver le vieil homme.
Au printemps 2020, il pourrait à nouveau être délogé par le parc national, qui souhaite transformer sa maison en observatoire environnemental. Une nouvelle pétition de soutien adressée au ministre italien de l’Environnement a réuni plus de 68 000 signatures. Reportage d'Alban Mikoczy, Florence Crimon et Chloris Ploegaerts.
L'info en + : Ailleurs en Europe, les ermites comme Mauro sont au contraire les bienvenus. En Autriche, la commune de Saalfelden recrute régulièrement des candidats à la vie en solitaire, perché sur une falaise à 1 400 mètres d’altitude… sans eau ni électricité. Un moyen d’éviter la désertion de ce patrimoine ancestral.
Chloris Ploegaerts