Sous la mer Méditerranée, l'agriculture 3.0

Pour les poissons, Gianni Fontanesi est un drôle d'oiseau. Ondulant autour de six serres subaquatiques en forme de chêne, ils regardent évoluer cet étrange plongeur italien comme s'il était dans un aquarium. À l'intérieur de sa bulle remplie d'air, accompagné de la bande son des "Gardiens de la Galaxie", Gianni cajole ses plantes, observe les racines et surveille les niveaux d'oxygène et de Co2. C'est ici, dans le premier potager sous-marin du monde tendrement baptisé "Jardin de Nemo", qu'il pense l'agriculture du futur depuis 2013. Nous sommes à moins de 10 mètres de profondeur et moins de 10 mètres de la rive de Noli, sur le littoral ligure.

Novatrice, cette culture échappe aux parasites, aux produits chimiques et à la différence de température entre le jour et la nuit, que les plantes n'apprécient guère sur terre. Mieux : ce type de botanique hydroponique (sans terre, donc) s'autoalimente grâce à l'eau douce transpirée par les plantes et permet ainsi d'éviter le gaspillage, si courant dans les cultures en champs.

« Nous sommes un véritable observatoire »

Au banc d'essai : des fleurs, des fruits et légumes (fraises, tomates, laitues, chicorées, choux), des plantes aromatiques (basilic, thym, marjolaine, sauge, origan, menthe) et des plantes médicinales. « Soit elles s’adaptent, soit elles meurent. », résume Gianni. Celles qui s’adaptent poussent plus vite que terre et sont plus riches en caroténoïdes, par exemple. Une fois récolté, le butin est envoyé en laboratoire pour analyse. D’autres sont replantées, bien que beaucoup succombent au changement d’environnement : la pollution, la lumière, le bruit qui les accueillent sur Terre ont raison des plantes. « Quand tu les sors de l’eau, elles peuvent faire, comme les humains, une embolie. Pour elles, c’est un traumatisme de sortir. »

En attendant de pouvoir rendre l’idée extensible au reste du monde, Gianni a été contacté par l'ISS, la Station Spatiale Internationale, désireuse d’implanter une agriculture propre sur Mars. Bien que l’espace n’ait pas les mêmes caractéristiques que les fonds marins, l’ambition est la même : penser l’impensable. Reportage d’Alban Mikoczy, Alizée Chiappini, Anne Donadini, Christian Biancheri et Laura Tositti.

Anne Donadini

L’info en + : Pourquoi avoir choisi de placer les plantes à une profondeur entre 5 et 10 mètres ? Car travailler sous l’eau est extrêmement ardu ; une action qui demande 5 minutes hors de l’eau peut demander 15 minutes sous l’eau. Plus on plonge profond, plus les opérations sont longues, compliquées et à risque. La température, également, est plus froide et il n’y a plus assez de lumière, pourtant nécessaire à la photosynthèse. 8 mètres est la profondeur idoine pour que les plantes reçoivent une quantité suffisante de lumière.