Dernier concert, dernier bonheur : Beethoven à La Havane. Et pas que Beethoven - Mozart, Dvorak, etc. C'est le pianiste de jazz Joachim Horsley qui revisite ainsi les compositeurs classiques.
Revisiter les classiques façon jazz
Et le fringant Américain a déjà battu le record de ventes de Cd: 500 achats "coup de coeur", 20 % du public, c'est beaucoup. Mais il y a de quoi car on s'est laissé volontiers prendre à cette fougue toujours musicale, Horsley étant, en plus d'un excellent musicien, un remarquable pianiste.
Et qui sait s'entourer: le trop discret contrebassiste Damian Nueva Cortes, les deux percussionnistes, Cyrille Maillard aux timbales et à la batterie, Pedro Barrios aux percussions plus caraïbes.
L'idée est aussi simple que celle de Steve Hackman sur Coldplay: prendre des compositeurs classiques et les revisiter façon jazz. Il paraît que Chucho Valdes l'a fait abondamment avant Horsley; et aussi, dans le domaine de la variété, notre grand Gainsbourg. Après ça il y a l'art et la manière. Et l'on passe un vrai bon et beau moment avec Horsley et ses musiciens.
Et réunir les traditions religieuses occidentales et caraïbes
Horsley qui nous explique, dans un américain très compréhensible (il faudra bientôt être bilingue pour assister aux concerts nantais), qu'il a découvert cette musique (caraïbe et plus spécialement cubaine) par hasard, lors d'un séjour à La Havane (on croyait qu'il était compliqué aux Américains d'y aller) et qu'il a eu l'idée de réunir, avec une sorte de mysticisme assez américain, les traditions occidentales "où les racines de la musique, si anciennes (700 ans) étaient religieuses au départ, tournées vers un Dieu situé au ciel" et celles de Caraïbes souvent d'origine africaine "où il y a au contraire des divinités de la terre et des eaux"
En fait cette explication de texte sert surtout à nous présenter un des morceaux les plus surprenants: le Lacrimosa du Requiem de Mozart, rebaptisé Lacrimoson (le son est un des grands genres de la musique cubaine), et qui devient, au lieu de la douleur de l'original (peut-être le passage le plus poignant de ce Requiem) un morceau apaisé, harmonieux, presque paisible, émouvant d'une autre manière.
Danser sur la Rumba du Nouveau Monde
Ce genre de concert, évidemment, est peut-être encore plus gratifiant quand on connaît les morceaux mais à en juger par l'accueil et le public il y avait probablement beaucoup de spectateurs moins versés dans la musique classique et qui étaient venus écouter du bon jazz -mission réussie aussi par Horsley. D'autant que cette fichue absence de programme se faisait sentir comme les autres jours. Pour moi qui étais parvenu à en arracher un (littéralement), j'avais déjà apprécié comme il se doit la New World Rumba (sur la Symphonie du Nouveau Monde de Dvorak, qui reprend déjà des thèmes folkloriques indiens) ou l' Impromptuno sur un Impromptu de Schubert. Déjà plus difficile à identifier (car bâti sur le mouvement lent) The Island Emperor sur le Concerto pour piano du même nom, Beethoven enfin, mais c'est du piano remplaçant du piano, même si c'est piano jazz à la place de piano classique.
Mahler à La Havane -et ça marche!
En fait ce qui est très bien dans ce genre de concert (et ce qui était très bien aussi dans celui-là!), c'est quand vous lisez des intitulés de morceaux qui vous paraissent improbables et qu'à l'écoute vous vous dîtes: "Ah! oui, quand même, ça fonctionne vachement bien!" Le Lacrimosa de Mozart donc. Ou la Symphonie "Résurrection" de Mahler en rumba -oui, oui, et c'était formidable. On aura même appris qu'il y a trois sortes de rumba: celle pour couple (on devine), celle pour senior, un vieux monsieur solitaire qui danse doucement et harmonieusement, celle, "colombienne", pour les plus jeunes, qui est "flashy" et (on suppose), "caliente". Tout ça sur du Mahler.
De Beethoven à la Russie en mode cubano
Il y avait des petits intermèdes où les autres musiciens montraient leur talent. Il y avait même Horsley qui nous faisait du jazz tout simple mais toujours caliente. Il y a eu (il fallait bien justifier d'être à cette Folle Journée) Beethoven in Havana en mode assez gonflé car bâti sur la Marche funèbre de la 7e symphonie. Il y eut enfin en "bis" un éblouissant Schéhérazade au Cap-Vert sur le Schéhérazade de Rimsky-Korsakov, qui est l'oeuvre la plus langoureuse qui soit, pas du tout dansante. Horsley ne savait sûrement pas que Rimsky et ses camarades seraient programmés l'an prochain mais cette heureuse et intuitive conclusion était un joli pont musical entre la Folle Journée qui s'achevait et la perspective de l'année prochaine.
Beethoven à La Havane: Joachim Horsley et ses musiciens revisitent en mode caraïbe Beethoven, Mozart, Schubert, Bach, Dvorak, Mahler et Rimsky-Korsakov.