Folle journée de Nantes: les jeunes talents nous font voyager avec Mozart et Berlioz

Mathilde Calderini C) Mathilde Calderini

Ils s'appellent Mathilde Calderini, Adrien La Marca, Nathanaël Gouin, Adrien Le Bosser, Iurie Morar. Ils ont moins de trente ans, ce sont peut-être les stars de demain et ils ont joué aujourd'hui à Nantes. Où j'ai assisté aussi à un joli concert autour de l'histoire du cor de postillon: c'est mon insolite du jour. Une information enfin, "La folle journée" 2020 sera consacrée à Beethoven.

Coup de coeur pour de jeunes talents, Calderini ou La Marca

Elle est flûtiste, elle a joué Mozart; il est altiste, il a été remarqué en Berlioz. Ce sont Mathilde Calderini et Adrien La Marca. Il y a toujours eu à Nantes des jeunes pousses car René Martin a une oreille (et même plusieurs), des réseaux et les pianistes qui viennent ici alimenteront aussi La Roque d'Anthéron dont il s'occupe.

Mais le système nantais est un peu plus subtil encore. Prenez Adrien La Marca par exemple. Il était à Nantes il y a quelques années (avec son ami le violoncelliste Bruno Philippe qui, lui aussi, fait son chemin) mais il jouait du Hanns Eisler, je m'en souviens, dans un groupe de dix musiciens. Aujourd'hui il est devant 2.000 personnes dans l'oeuvre concertante-phare pour son instrument, l'alto: "Harold en Italie" de Berlioz. Et il se met en scène, comme Berlioz l'aurait fait. Il y a une longue introduction d'orchestre, donc il n'est pas là au début. Puis il fait son entrée. Se déplace jusqu'à sa position de soliste, tout en jouant. De même, dans le dernier mouvement où l'alto n'est pas pendant de longues minutes, La Marca sort tel un fantôme, pour revenir en fond de scène la dernière minute où il joue.

Et Gouin, Le Bosser, Morar...

Son Harold évoluera. Il a du chien, du panache, un son peut-être encore à projeter pour une si grande salle. Mais l'élégance et la musicalité sont largement là.

Adrien La Marca C) Alexander Kharlamov

Mathilde Calderini vient d'être nommée flûte solo à l'orchestre national de Lille. Un son fluide et moelleux, la virtuosité, la poésie aussi, elle tient tête à la harpiste Isabelle Moretti dans le "Concerto pour flûte et harpe" de Mozart et d'ailleurs aux saluts Moretti l'embrassera comme du bon pain.

Nathanaël Gouin est d'une finesse et d'une clarté extrême dans la "Ballade pour piano et orchestre" de Fauré. Et, musicien de rang, Adrien Le Bosser, cor anglais dans l'orchestre de l' Harmonie (Armée) de l'Air, nous régale de deux solos magiques, l'un dans le désert tunisien d' "Escales" de Jacques Ibert, l'autre "dans les steppes de l'Asie centrale" de Borodine.

Quant à Iurie Morar, ce jeune Moldave éclaire de son sourire et de son talent de virtuose du cymbalum le magnifique Sirba Octet. On se régale de tous ces jeunes qui sont déjà des grands et grandiront encore.

L'insolite du jour: le cor de postillon

C'est un joli concert orchestré par la violoniste baroque Alice Julien-Laferrière. Avec l'aide du violoncelle et du clavecin de son ensemble Artifices, elle nous raconte comment ont été créées les postes et le comédien Jean-Denis Monory incarne, lui, tous les postillons. On apprend ainsi que c'étaient les bouchers qui, en même temps que leur bétail, apportaient les dépêches, sonnant leur présence d'un coup de corne de vache! On est passé ensuite, avec la voiture postale à cheval, au cor, tel qu'il continue d'orner certaines boîtes aux lettres, comme en Angleterre.

: Les postillons avaient mauvaise réputation, ils étaient soiffards et couraient les filles. Monory, débraillé au début, se rhabille peu à peu d'un beau gilet framboise et d'une livrée jaune canari. Dommage qu'il prenne trop d'accents divers qui font qu'on ne comprend pas toujours les lettre horrifiées, de Burney ou Fragonard, qu'il nous lit! Grâce à lui on aura appris au moins pourquoi "les bottes de sept lieues": c'est qu'il y avait sept lieues entre les relais de poste, où les voyageurs épuisés pouvaient enfin dormir pendant que les postillons cuvaient leur vin. Car il y avait quelques places dans les diligences postales, au-dessus du courrier!

Nathanaël Gouin jouait Fauré au piano D.R.

Même le grand Bach a écrit pour lui

Mais il y a de la musique aussi dans tout ça. C'est curieux tous ces compositeurs qui ont évoqué le cor de postillon: "La diligence" de Caix d'Herveloix (milieu du XVIIIe siècle), "Les bottes de sept lieues" ou "Le courrier" de Michel Corrette, ce compositeur  qui écrivait des "concertos comiques " sur des thèmes populaires (Concerto "Le Mirliton", Concerto "Le femme est un grand embarras"... Je savais que ça ferait réagir...) mais aussi pour des instruments inattendus, la musette, la vielle à roue.

Pour en revenir au cor de postillon même le grand Bach s'y est mis: "Aria di postiglione", "Fugue à l'imitation du cornet de poste" Bach n'avait que 23 ans, il a des excuses...

La malle-poste arrive à la fin du XVIIIe siècle, les routes deviennent plus sûres. Adolphe Adam (l'auteur de "Giselle") écrit tout de même  "Le postillon de Longjumeau". Et Kirkegaard, le philosophe pessimiste, gardait un cor de postillon sur son bureau, en guise de "vanité", comme d'autres une tête de mort.

"La folle journée de Nantes", 1er février