Depuis plus de six mois, des salariés de l’usine Bridor à Servon-sur-Vilaine expérimentent l’utilisation de l’exosquelette. Ce dispositif vise à faciliter le travail des agents. Objectifs ? Prévenir et réduire les risques des TMS, troubles musculo-squelettiques, aujourd’hui la première cause de maladies professionnelles indemnisées, deuxième cause d’invalidité en France (devant les affections psychiatriques).
Par Émilie Colin
190 tonnes de pain produites par jour, dans deux usines, 600 tonnes de viennoiseries. Les sites de Bridor tournent 24h/24h et emploient des salariés en continu, à la chaîne. Les gestes se répètent, dans un environnement froid et bruyant : conditionnement, préparation des colis, tressage des pâtisseries…Le corps est soumis à rude épreuve.
Depuis janvier 2019, l’entreprise a décidé de miser sur l’exosquelette et bâti un programme autour de ce dispositif. Objectifs affichées : lutter contre les troubles musculo-squelettiques, maintenir ceux qui sont déjà à risque dans l’emploi. « J’y pense depuis l’été dernier » indique Benoît Logeais, directeur industriel du site de Servon-sur-Vilaine. « Un salarié a eu un accident de moto et s’est alors posée la question de son aptitude au travail. »
Une démarche collective
15 salariés se sont portés volontaires, à la suite de réunions d’information. Camille Besombes, étudiante en Master 2 d’ergonomie à Rennes, accompagne l’expérience, en lien avec le fabricant vendéen des exosquelettes Gobio et le responsable sécurité Julien Leday. L’usine en possède trois : deux pour le haut, un pour le bas du corps. Le coût ? 5000 euros pièce. Toutes les postures contraignantes ont été passées au crible. « On ne dit pas que l’exosquelette va tout régler » précise Benoît Logeais qui y voit d’abord un moyen de soulager les salariés.
Il faut apporter du confort, pas davantage de contraintes. (Benoît Logeais)
L’équipement pèse quatre kilos, s’adapte à chaque personne pour une taille allant de 1m55 à 2 mètres et peut supporter jusqu’à 130 kilos. « La pose est graduelle, on le porte d’abord, une heure », explique Camille Besombes. Elle ajoute : « On ne démarre pas forcément la journée avec et de toute façon l’exosquelette ne se portera que quatre heures par jour maximum. »
Jean-Paul, agent de production depuis 25 ans, est passé par tous les métiers au sein de l’usine. Il s’occupe entre autres de charger les grilles de pâte feuilletée qui arrivent sur un tapis roulant. Cette tâche sollicite ses épaules. « C’est bien pour aller en hauteur, ça compense les efforts. »
Dans un autre atelier, Isaac débute à peine l’expérience de l’exosquelette pour les membres inférieurs. Alors qu’il travaille continuellement debout, à piétiner, l’exosquelette lui permet de s’asseoir. Il constate déjà les premiers bénéfices « je suis moins fatigué à la fin de la journée ».
Pourquoi ne pas utiliser un tabouret ? « Le tabouret peut être source de gêne, dans un espace déjà restreint. En mettre un pourrait favoriser les chutes et le risque au final, c’est que la personne reste toujours debout en voulant éviter de l’utiliser », souligne Benoît Logeais.
Dans le cadre de l’expérimentation, les salariés assurent un suivi et consignent leurs remarques. Le fabricant doit faire évoluer son produit, en respectant des conditions d’hygiène, spécifiques à ce secteur agro-alimentaire.
Le bilan est pour l’instant positif : les testeurs notent un confort et de la légèreté dans les mouvements avec un bon maintien. La perception de l’espace est par contre modifiée. Dans le cas de l’exosquelette pour les membres inférieurs, certains remarquent un temps de déplacement plus long.
L’exosquelette est en tout cas en passe de s’implanter à Bridor. Des modèles pour le dos et la main doivent prochainement être proposés.
Reportage : Emilie Colin, Christophe Rousseau, Gwénaël Hamon.
Intervenants : Jean-Paul Chasles (Agent de production), Tomthéo Le Rudulier (Responsable commercial – GOBIO), Isaac Allou (Agent de conditionnement) et Benoît Logeais (Directeur industriel du site Bridor).