Ici, l'argent a une odeur. Celle du parmesan. Le marché du « parmigiano reggiano », ce fromage légendaire, que l'on confectionne à partir de lait de vache dans une petite ville d'Émilie-Romagne, Reggio Emilia, obéit à un processus très réglementé. Après sa fabrication (un mélange de lait, de présure, de ferments lactiques et de sel), la meule de parmesan est stockée dans un entrepôt pendant un an, au minimum, en vue de son affinage. Impossible donc de trouver dans le commerce un fromage de moins de 12 mois !

Cette spécificité oblige la plupart des agriculteurs à se regrouper dans un consortium afin de minimiser les coûts de production. Trois fois par an, celui-ci examine la production annuelle des laiteries. Si le fromage ne présente pas de défaut, il gagne le précieux sésame. On pourra apposer dessus, par moulage, l’appellation d’origine « parmigiano reggiano ».

Un trésor précieusement entreposé…dans une banque

En attendant la maturation du parmesan, les agriculteurs n'ont donc aucune rentrée d’argent. Pour les accompagner sur cette longue période de cycle industriel, le Credem (Credito Emiliano) propose depuis les années 1950 un système financier... atypique. Elle prend en charge la maturation du parmesan et accorde des prêts au producteurs.

Le fromage sert alors de garantie pour la banque, qui se l’approprie en cas de non-remboursement du prêt. Dans ses deux entrepôts, le Credem conserve plus de 500 000 meules pour des crédits qui atteignent au total 200 millions d’euros.

Son directeur, Roberto Frigniani, refuse de limiter la banque à son rôle de créancier : « On est des partenaires (…) Quand une l’une des parties ne réussit pas à rembourser le financement, on vend le fromage dans les meilleurs conditions possibles pour le producteur, et le produit final sert toujours de remboursement ». Dans la région, le Credem préside le secteur de l’agriculture et représente 350 producteurs de « parmigiano reggiano ». Reportage d'Alban Mikoczy, Laura Tositti et Francesco Depaquit. 

L’info en + : La vente de parmesan s'effectue à 70% en Reggio d’Émilie, dans les cinq provinces où il est produit. En 2008, pour faire face à l’usurpation de l’appellation d’origine « parmigiano reggiano », le consortium et ses 335 fromageries ont saisi la cour de Justice européenne… et ont eu gain de cause.

Francesco Depaquit